Par Le Saqr (The
Saker)
Les dernières
tensions entre les Etats-Unis et la Russie au sujet des opérations de
Greenpeace en Arctique n’ont fait que confirmer un fait que
personne ne daigne plus nier : les élites politiques et financières
occidentales haïssent viscéralement Vladimir Poutine et elles sont épouvantées
par le comportement de la Russie, à la fois au niveau de sa politique intérieure
et sur la scène internationale. Cette tension était assez visible sur les
visages d’Obama et de Poutine au sommet du G8 du
Lough Erne où les deux leaders avaient l’air absolument
dégoutés l’un de l’autre. La situation empira lorsque Poutine fit quelque chose
de jamais vu auparavant dans l’histoire de la diplomatie russe : il déclara
publiquement que Kerry était malhonnête et il le traita même de
menteur.
Alors que les
tensions ont atteint leur apogée sur la question syrienne, les problèmes entre
la Russie et les Etats-Unis ne sont vraiment pas une chose nouvelle. Un regard
rapide sur le passé récent suffit à montrer que les médias occidentaux sont depuis
longtemps engagés dans une intense campagne stratégique visant à identifier et exploiter
toute faiblesse possible dans l’ « armure politique » russe et à
dépeindre la Russie comme un pays très malfaisant, non démocratique et
autoritaire, en d’autres mots comme une menace pour l’Occident. Laissez-moi
mentionner quelques épisodes de cette campagne de dénigrement contre la Russie
(sans aucun ordre particulier) :
-
Le soutien de la Russie pour Assad, le « boucher (chimique) de Damas »
-
Le « contrôle complet » du Kremlin sur les médias russes
Cette liste est loin
d’être complète, mais elle est suffisante pour nos objectifs. Permettez-moi aussi
d’ajouter immédiatement que le but de cet article n’est pas de démonter ces
accusations une par une. Je l’ai déjà fait à maintes reprises sur mon blog par
le passé, donc ceux qui sont intéressés peuvent rechercher ces articles. Je
vais seulement énoncer ici quelque chose de très important que je ne peux pas
prouver mais dont je suis absolument sûr et certain : 90 % ou plus du public
russe considèrent que ces affaires sont absolument insensées, et que les médias
ont fait tout un plat de faits insignifiants et non controversés. De plus, la
plupart des Russes estiment que les soi-disant « forces démocratiques » que les
élites occidentales soutiennent en Russie (Iabloko, Parnas,
Golos,
etc.) sont en réalité des agents d’influence de l’Occident payés par la CIA, le
MI6,
Georges Soros,
et par des oligarques Juifs exilés. Ce qui est certain, c’est que mis à part
ces petits groupes libéraux/démocratiques, personne en Russie ne prend ces
accusations au sérieux. La plupart des gens les prennent exactement pour ce
qu’elles sont : une campagne de diffamation.
A bien des égards,
ceci rappelle plutôt la manière dont les choses se déroulaient pendant la Guerre
froide, quand l’Occident utilisait ses immenses ressources de propagande pour
diaboliser l’Union soviétique et soutenir les différentes forces
antisoviétiques à travers le monde, y compris à l’intérieur même de l’URSS.
J’ajouterais que ces efforts connurent généralement un franc succès et qu’en 1990,
la vaste majorité des Soviétiques, y compris les Russes, étaient plutôt
dégoutés de leurs dirigeants. Alors pourquoi les choses sont-elles si
différentes aujourd’hui ?
Pour répondre à
cette question, nous devons analyser les processus qui ont eu lieu en Russie durant
les 20 dernières années (environ), car seul un regard sur ce qui s’est passé
durant ces deux décennies peut nous permettre de remonter à la racine des
problèmes actuels entre les Etats-Unis et la Russie.
Quand est-ce que
l’Union soviétique a véritablement disparu ?
La date officielle
de la fin de l’Union soviétique est le 26 décembre 1991, le jour de l’adoption
par le Soviet Suprême de l’Union Soviétique de la déclaration n° 142-H qui reconnut
officiellement la dissolution de l’Union soviétique en tant qu’Etat et sujet à
la loi internationale. Mais c’est là une manière très superficielle et formelle
de voir les choses. On pourrait argumenter que bien que l’Union soviétique ait
été réduite aux frontières de la Fédération de Russie, elle a tout de même survécu
à l’intérieur de ces frontières plus restreintes. Après tout, les lois ne
changèrent pas du jour au lendemain, ni l’essentiel de la bureaucratie, et bien
que le Parti communiste lui-même fut interdit à la suite du coup d’Etat d’août
1991, le reste de l’appareil d’Etat continua à exister.
Pour Eltsine et ses
partisans, cette réalité créa une situation très difficile. Ayant
interdit le PCUS
et démantelé le KGB,
les libéraux d’Eltsine devaient encore faire face à un adversaire
redoutable : le Soviet Suprême de la Fédération de Russie, Parlement de la
République
socialiste fédérative soviétique de Russie élu par le Congrès
des Députés du peuple de la Fédération de Russie. Personne n’avait aboli cette
institution *très* soviétique qui devint rapidement le centre de presque toutes
les forces anti-Eltsine et pro-soviétiques du pays. Je ne peux pas entrer dans
tous les détails de ce cauchemar légal, mais il suffit de dire que le Soviet
Suprême se présentait comme étant le « Parlement russe » (ce qui n’est pas tout
à fait vrai) et que ses membres s’engagèrent dans une campagne systématique
pour empêcher Eltsine de mettre en œuvre ses « réformes » (avec le recul, on
pourrait dire qu’ils essayèrent d’empêcher Eltsine de ruiner le pays). On
pourrait dire que « la nouvelle Russie » et l’ « ancienne URSS » se
combattaient pour le futur du pays. D’une manière prévisible, le Soviet Suprême
voulait une démocratie parlementaire alors qu’Eltsine et ses libéraux souhaitaient
une démocratie présidentielle. Les deux partis présentaient un contraste saisissant
pour la majorité des Russes :
1) Le président
russe Eltsine : officiellement, il représentait la Russie, par opposition à
l’Union soviétique ; il se présentait comme un anti-communiste et comme un
démocrate (peu importe qu’il ait lui-même été un membre haut gradé du Parti
communiste et même un membre non votant du Politburo
!). Eltsine était aussi clairement la coqueluche de l’Occident et il promit
d’intégrer la Russie au monde occidental.
2) Le Soviet Suprême
: dirigé par Rousian Khasboulatov,
avec le soutien du vice-président de la Russie, Alexandre Routskoï,
le Soviet Suprême devint le point de rencontre de tous ceux qui considéraient
que l’Union soviétique avait été dissoute illégalement (ce qui est vrai) et
contre la volonté de la majorité de son peuple (ce qui est également vrai). La
plupart (mais pas la totalité) des partisans du Soviet Suprême étaient sinon franchement
communistes, du moins socialistes et anticapitalistes. Une bonne partie du
mouvement nationaliste russe, plutôt désorganisé, soutenait également le Soviet
Suprême.
Nous savons tous ce
qui s’est finalement passé : Eltsine écrasa l’opposition dans un énorme bain de
sang, bien pire que ce qui a été rapporté dans les médias occidentaux (ou même
russes). J’écris cela avec certitude parce que j’ai personnellement reçu cette
information de la part d’une très bonne source : il se trouve que j’étais à
Moscou durant ces jours tragiques et que j’étais en contact permanent avec le colonel
d’une unité très secrète des forces spéciales du KGB appelée « Vympel » (j’en reparlerai
par la suite) qui m’informa que le KGB estimait que le nombre de personnes tuées
à Moscou était proche des 3 000. Je peux aussi personnellement attester du fait
que les combats ont duré bien plus longtemps que ce que déclarait le discours
officiel : j’ai été témoin d’un long combat à la mitrailleuse juste en dessous
de ma fenêtre 5 jours entiers après que le Soviet Suprême se soit rendu.
Je veux souligner ces faits ici parce que je pense qu’ils illustrent une
réalité souvent négligée : la soi-disant « crise constitutionnelle de 1993 »
était en réalité une mini guerre civile décidant du destin de l’Union
soviétique, et c’est seulement à la fin de cette crise que l’Union soviétique
disparut véritablement.
Les jours précédant
l’assaut du Soviet Suprême par des chars, j’ai eu l’opportunité de passer beaucoup
de temps avec des partisans du Président et des partisans du Soviet Suprême.
J’ai pris le temps de débattre longuement avec eux afin d’essayer de découvrir par
moi-même les idées que défendait chaque parti et de voir si je devais me
positionner d’un côté ou de l’autre. La conclusion à laquelle je suis arrivé
était plutôt triste : les deux partis étaient principalement
composés d’ex-communistes ou de communistes, les deux partis
prétendaient défendre la démocratie et les deux partis s’accusaient
mutuellement d’être des fascistes. En réalité, les deux côtés se ressemblaient
beaucoup. Je crois que je n’étais pas la seule personne à penser ça durant ces
jours, et je pense que la majorité du peuple de Russie ressentait la même chose
et finit par être vraiment dégoutée de tous les hommes politiques impliqués.
J’aimerais partager ici
une dernière anecdote personnelle : ces jours tragiques furent plutôt
incroyables pour moi. J’étais un jeune homme, né dans une famille d’émigrés Russes
fanatiquement anti-soviétiques, qui avait passé beaucoup d’années à combattre
le système soviétique, et particulièrement le KGB. Et pourtant, ironiquement, je
me suis retrouvé à passer la plupart de mon temps avec un colonel d’une unité
des forces spéciales du KGB (la manière dont nous nous sommes rencontrés est
une longue histoire que je raconterai une autre fois). Ce qui me semblait
encore plus incroyable est le fait que malgré toutes nos différences, nous
avions exactement la même réaction face à ce qui se passait devant nos yeux.
Nous avons tous deux décidé que nous ne pouvions soutenir aucun des partis
engagés dans ce conflit – les deux côtés nous semblaient tout aussi ignobles
l’un que l’autre. J’étais dans son appartement quand ce colonel reçut un appel
du quartier général du KGB lui ordonnant de se rendre quelque part en ville
pour préparer un assaut des forces spéciales contre la « Maison Blanche »
(c’était alors le surnom populaire du bâtiment du Parlement russe) : il
refusa d’obéir, envoya son supérieur au diable et raccrocha. Il n’était pas le
seul à prendre une telle décision : tout comme en 1991, ni les parachutistes
russes, ni les forces spéciales n’acceptèrent de tirer sur leur propre peuple
(d’autres forces, soi-disant « démocratiques », n’eurent pas de
tels scrupules). Au lieu d’obéir aux ordres de ses supérieurs, mon nouvel ami
prit le temps de me donner des conseils très précieux sur la manière de faire
sortir un de mes proches de Moscou sans se faire tuer ou emprisonner (être un Russe
de souche avec un passeport étranger n’était pas très sûr en ces temps-là).
Je tenais à raconter
cette histoire ici parce qu’elle souligne quelque chose de très important : en
1993, une large majorité de Russes, même des émigrés exilés et des colonels des
forces spéciales du KGB, étaient profondément dégoutés et en avaient
véritablement marre des deux côtés qui s’affrontaient dans cette crise.
D’une certaine manière, on pourrait dire que la plupart des Russes attendaient
l’apparition d’une troisième force sur la scène politique.
De 1993 à 1999 :
Un cauchemar démocratique
Après l’écrasement
de l’opposition par les sbires d’Eltsine, les portes de l’Enfer s’ouvrirent
véritablement pour la Russie : diverses mafias s’emparèrent de tout le pays et
ses riches ressources naturelles furent pillées par des oligarques (Juifs pour
la plupart). La soi-disant « privatisation » de l’économie russe créa
à la fois une nouvelle classe de multimillionnaires et plusieurs dizaines de
millions de très pauvres gens qui pouvaient à peine survivre. Une vague de
crime énorme déferla sur l’ensemble des villes, toute l’infrastructure du pays
s’effondra et de nombreuses régions de Russie commencèrent activement à préparer
leur sécession de la Fédération de Russie. Il fut ainsi permis à la Tchétchénie
de faire sécession de la Fédération de Russie après une guerre sanglante et
grotesque dans laquelle l’armée russe fut poignardée dans le dos par le
Kremlin. Et tout au long de ces années vraiment cauchemardesques, les élites
occidentales apportèrent leur soutien total à Eltsine et ses oligarques. La
seule exception à cette lune de miel fut le soutien politique, économique et
militaire apportés par la sphère anglo-saxonne aux insurgés Tchétchènes.
Finalement, ce qui devait arriver arriva : le pays se déclara en faillite en
1998 en dévaluant le rouble et en se mettant en défaut de paiement de ses dettes.
Même si nous ne le saurons jamais de manière sûre, je suis persuadé que la
Russie en 1999 était à deux pas de disparaître complètement en tant que pays et
en tant que nation.
L’héritage laissé
par les libéraux/démocrates
Ayant écrasé l’opposition
en 1993, les libéraux Russes obtinrent une liberté totale pour écrire une
nouvelle Constitution qui conviendrait parfaitement à leurs objectifs, et avec
leur courte vue caractéristique, ils adoptèrent une nouvelle Constitution qui
donnait des pouvoirs immenses au Président et très peu au nouveau Parlement, la
Douma russe. Ils allèrent même jusqu’à l’abolition du poste de Vice-président
(ils ne voulaient pas d’un autre Routskoï pour saboter leurs plans).
Et pourtant, aux
élections présidentielles de 1996, les libéraux faillirent tout perdre. A leur
horreur, le candidat communiste Guennadi Ziouganov
remporta la majorité des votes au premier tour, ce qui força les libéraux à
faire deux choses : premièrement, bien sûr, ils falsifièrent les résultats
officiels, et deuxièmement, ils firent alliance avec un Général plutôt
populaire de l’armée russe, Alexandre Lebed.
Ces deux actions leur permirent de déclarer qu’ils avaient gagné le second tour
(bien qu’en réalité, c’est Ziouganov qui l’emporta). Encore une fois,
l’Occident soutint Eltsine à 100%. Et pourquoi pas ? Ayant donné à Eltsine un
soutien total pour la répression sanglante des partisans du Soviet Suprême,
pourquoi ne pas également soutenir Eltsine dans des élections volées, hein ? Ils
n’étaient plus à une infamie près.
Eltsine lui-même,
cependant, passa la plupart de son temps à boire comme un trou et il devint
bientôt assez clair qu’il ne tiendrait pas très longtemps. La panique s’empara
du camp libéral qui finit par commettre une énorme erreur : ils permirent à un
petit bureaucrate de Saint-Pétersbourg peu connu et sans charisme de remplacer
Eltsine en tant que Président intérimaire : Vladimir Poutine.
Poutine était un
bureaucrate calme, compétent et discret, dont la qualité principale semblait
être son manque de personnalité, ou plutôt, c’est ce que croyaient les
libéraux. Et quelle erreur de jugement colossale ils ont fait là !!
Dès qu’il fut nommé,
Poutine agit avec une vitesse foudroyante. Il surprit immédiatement tout le
monde en s’impliquant personnellement dans la seconde guerre de Tchétchénie. A
la différence de son prédécesseur, Poutine donna à ses commandants militaires
toute liberté pour mener cette guerre comme ils le souhaitaient. Il surprit de
nouveau tout le monde en passant un accord vraiment historique avec Akhmad Hadji Kadyrov
pour apporter la paix en Tchétchénie, bien que ce dernier ait été un des leaders
de l’insurrection lors de la première guerre de Tchétchénie.
La popularité de
Poutine monta en flèche et il l’utilisa immédiatement à son avantage.
Dans un formidable tournant
de l’histoire, Poutine utilisa la Constitution développée et adoptée par les
libéraux Russes pour mettre en œuvre une série très rapide de réformes
cruciales et pour éliminer les bases du pouvoir des libéraux : les oligarques
juifs (Berezovsky,
Khodorkovski,
Fridman,
Goussinski,
etc.). Il fit également voter plusieurs lois destinées à « renforcer le pouvoir
vertical », qui donnèrent au Pouvoir Fédéral un contrôle direct sur les
administrations locales. Cela, en retour, permit non seulement d’écraser bon nombre
des Mafias locales qui étaient parvenues à infiltrer et corrompre les autorités
locales, mais aussi de mettre fin très rapidement à tous les différents
mouvements sécessionnistes au sein de la Fédération de Russie. Enfin, il
utilisa ce qu’on appelle la « ressource
administrative » pour créer son parti Russie Unie et pour lui apporter
le soutien total de l’Etat. L’ironie de tout ça, c’est que Poutine n’aurait
jamais réussi à mener ces efforts à bien si les libéraux Russes n’avaient pas
créé une Constitution « hyper-présidentielle » qui donna à Poutine les moyens
de réaliser ses objectifs. Pour paraphraser Lénine, je dirais que les libéraux
Russes ont donné à Poutine la corde pour les pendre.
L’Occident, bien
sûr, comprit rapidement ce qui était en train de se passer, mais il était déjà
trop tard : les libéraux avaient perdu leur pouvoir pour toujours (avec la
Grâce de Dieu !) et le pays était fermement pris en main par une troisième
force, jamais vue auparavant.
Qui a réellement mis
Poutine au pouvoir ?
C’est la question à
10 000 dollars. Formellement, la réponse officielle est simple : c’est
l’entourage d’Eltsine. Cependant, il est assez évident qu’un autre groupe non
identifié a brillamment réussi à duper les libéraux en les amenant à laisser le
renard entrer dans le poulailler.
Ayez bien à l’esprit
le fait que les forces pro-soviétiques furent entièrement vaincues en 1993. Ce
coup de maître n’était donc pas le fait de quelques revanchards nostalgiques qui
voulaient ressusciter l’ancienne Union soviétique. Il est donc inutile de
s’attarder sur ce camp qui, en réalité, est resté majoritairement opposé à
Poutine jusqu’à ce jour. Qui d’autre alors ?
En réalité, c’était
l’alliance de deux forces : des éléments de l’ancien « PGU KGB SSSR » et un
certain nombre de dirigeants-clés de l’industrie et de la finance.
Considérons-les l’un après l’autre :
La première force
était le « PGU KGB SSSR »,
la branche des renseignements extérieurs du KGB soviétique. Son nom officiel
était « Première Direction Générale du Comité de Sécurité d’Etat de l’URSS ».
Ce serait plus ou moins l’équivalent du MI6 britannique.
C’était sans aucun doute la composante la plus élitiste du KGB, et aussi la
plus autonome (elle possédait même ses propres quartiers généraux dans le sud
de Moscou). Bien que le PGU s’occupe d’un grand nombre de problèmes, il était
aussi très lié avec le monde des affaires (et très intéressé par celui-ci), en
URSS et à l’étranger. Puisque le PGU n’avait rien à voir avec les activités les
plus sordides du KGB comme la persécution des dissidents (c’était le rôle de la
Cinquième Direction générale du KGB) et puisqu’il n’était que peu concerné par
la sécurité intérieure (c’était la prérogative de la Seconde Direction générale),
il ne figurait pas en bonne place sur la liste des institutions à réformer,
tout simplement parce qu’il n’était pas autant détesté que les parties plus
visibles du KGB.
La seconde force qui
plaça Poutine au pouvoir était constituée de jeunes personnes venant de
ministères clés de l’ex-URSS qui traitaient des questions industrielles et
financières et qui détestaient les oligarques Juifs d’Eltsine. A la différence
de ces derniers, ces jeunes leaders ne voulaient pas simplement piller toutes
les ressources de la Russie pour se retirer ensuite aux Etats-Unis ou en
Israël, mais ils souhaitaient que la Russie devienne une puissante économie de
marché intégrée au système financier international.
Plus tard, le
premier groupe se transforma en ce que j’appelle les « Souverainistes Eurasiens
» tandis que le deuxième devenait ce que j’appelle les « Intégrationnistes Atlantistes
» (référez-vous à cet article
et à celui-ci
pour une explication détaillée). On pourrait les désigner comme les « Hommes
de Poutine » (Souverainistes Eurasiens) et les « Hommes de Medvedev »
(Intégrationnistes Atlantistes).
Enfin, on ne devrait
pas négliger le fait qu’il y a, bien évidemment, une troisième force qui
apporta son soutien total à ce tandem Poutine-Medvedev : le peuple russe,
qui a jusque-là toujours voté pour les maintenir au pouvoir.
Une formule
absolument brillante dont la durée de vie a expiré
Il ne fait aucun
doute dans mon esprit que l’idée de créer ce tandem a été tout simplement
brillante : Poutine répond aux attentes des nationalistes, et Medvedev à ceux
qui sont plus orientés vers le libéralisme. Poutine reçoit le soutien des «
ministres du pouvoir » (défense, sécurité, services de renseignements) tandis
que Medvedev obtient le soutien du monde des affaires. Poutine peut amener les
autorités locales à l’obéissance en les intimidant avec des ordres émanant du Pouvoir
Fédéral, tandis que Medvedev met à l’aise les Etats-Unis et l’Union Européenne
à Davos. Ou exprimons-le ainsi : qui pourrait être contre le duo
Medvedev-Poutine ? Les partisans irréductibles de l’Union soviétique, les
nationalistes xénophobes enragés, les libéraux fanatiques pro-américains et les
exilés juifs. C’est à peu près tout, et ce n’est pas grand-chose.
Et soit dit en
passant, qu’est-ce qu’on peut voir dans l’opposition d’aujourd’hui ? Un Parti communiste
satisfaisant les nostalgiques de l’ère soviétique, un parti
libéral-démocrate satisfaisant les nationalistes, et un parti
assez réduit, « Russie Juste », dont le seul but
semble être de prendre des voix aux deux autres partis et de coopter certains
libéraux enragés. En d’autres mots, Medvedev et Poutine ont éliminé tout type
d’opposition crédible.
Comme je l’ai
mentionné dans des articles précédents, il y a maintenant des signes clairs de
tensions sérieuses entre les « Souverainistes Eurasiens » et les « Intégrationnistes
Atlantistes », au point que Poutine a maintenant créé son propre mouvement, le « Front populaire de
toute la Russie », crée par Poutine en 2011 (cf. ici
et ici).
Ayant analysé les
processus complexes qui ont amené Poutine à la Présidence en Russie, nous
devons maintenant regarder ce qui s’est passé durant cette même période aux
Etats-Unis.
Au même moment, les Etats-Unis
dupés par les Néoconservateurs
A la différence de
l’Union Soviétique qui disparut littéralement de la carte du monde, les Etats-Unis
« gagnèrent » la Guerre froide (ce n’est pas tout à fait vrai dans les faits
mais c’est comme ça que beaucoup d’Américains le perçoivent) et étant devenus
la dernière et seule réelle superpuissance, les Etats-Unis s’embarquèrent dans
une série de guerres extérieures dans le but d’établir « le spectre de leur domination
totale » sur la planète, surtout après les évènements du 11 Septembre qui
transformèrent profondément la nature de la société américaine elle-même.
Pourtant, la société
post-11 septembre prend ses racines dans un passé plus lointain : les années Reagan.
Durant la présidence
de Ronald Reagan, un groupe d’individus qui plus tard se fera appeler les Néoconservateurs
prit la décision stratégique de prendre le contrôle du Parti Républicain, de
ses institutions affiliées et de ses think tanks (groupes de réflexion).
Alors que dans le passé, les ex-trotskystes étaient plus enclins à soutenir le
Parti Démocrate, présumé plus à gauche, sous Reagan, le GOP (Grand Old Party,
le Parti Républicain) « nouveau et amélioré » offrit aux
néoconservateurs des aspects extrêmement attrayants :
1) L’argent : Reagan était un partisan
inconditionnel des grandes entreprises et du milieu des affaires. Son leitmotiv
« le gouvernement est le problème » [« Le gouvernement n’est pas la
solution à nos problèmes : le gouvernement est le problème »] allait
parfaitement dans le sens de la proximité historique des Néoconservateurs avec
les requins de la finance, les patrons de la Mafia et les gros banquiers. Pour
eux, la dérégulation signifiait une pleine liberté d’action, qui rendrait les
spéculateurs et les fins renards de Wall Street immensément riches.
2) La violence : Reagan a également
fermement soutenu le complexe militaro-industriel américain et une politique
d’intervention dans n’importe quel pays du monde. Cette fascination pour la
force brute et, soyons honnêtes, pour le terrorisme, convenait parfaitement à
la mentalité des Néoconservateurs trotskystes.
3) L’illégalité : Reagan se fichait royalement
de la loi, que ce soit les lois internationales ou nationales. Bien sûr, tant
que la loi servait les intérêts des Etats-Unis et du Parti Républicain, elle
était appliquée très cérémonieusement. Mais quand elle s’opposait à ses
intérêts, Reagan la transgressait sans le moindre scrupule.
4) L’arrogance : sous Reagan, le
patriotisme et l’orgueil impérial revigorant atteignirent une nouvelle
dimension. Plus que jamais, les Etats-Unis se considérèrent non seulement comme
les « Leaders du Monde Libre » protégeant la planète contre « l’Empire du Mal
», mais aussi comme uniques et supérieurs au reste de l’humanité (à l’instar du
slogan commercial de Ford dans les années 1980 : « nous sommes les numéros
un, sans aucun égal »).
5) Une duperie systématique : sous Reagan,
le mensonge passa de l’état de tactique politicienne occasionnelle ou régulière
à la forme clé de la communication publique : Reagan et son administration
pouvaient dire quelque chose et le démentir dans la foulée. Ils pouvaient faire
des promesses qui étaient complètement impossibles à tenir (se souvient-on du
projet « Guerre des
étoiles » ?). Ils pouvaient prêter un serment
solennel et ensuite le briser (cf. l’affaire Iran-Contra). Et lorsqu’on le
confrontait aux preuves flagrantes de ses mensonges, tout ce que Reagan avait à
dire était : « Eh bien non, je ne m’en souviens pas ».
6) Le messianisme : Reagan obtint non
seulement un énorme soutien de la part des diverses confessions religieuses forcenées
des Etats-Unis (incluant toute la « Bible Belt » - ceinture de la Bible),
mais il promut encore une étrange mixture de messianisme laïque faite d’un
mélange toxique de xénophobie confinant au racisme, avec une fascination
narcissique pour tout ce qui est patriotique, aussi stupide que ce soit,
avoisinant l’adulation de soi.
Résumons donc tout
ceci.
Argent + violence + illégalité
+ arrogance + duperie + messianisme = quoi donc ?
Tout cela ne
semble-t-il pas familier, vraiment très familier ? N’est-ce pas là une
description parfaite du sionisme et d’Israël ?
Pas étonnant que les
Néoconservateurs aient afflué en masse vers ce nouveau GOP (« Grand Old Party »,
Parti Républicain) ! Le GOP de Reagan était la boite de Pétri
idéale pour la croissance de la bactérie sioniste, et elle grandit
considérablement pour devenir énorme.
Je pense qu’il
serait raisonnable de dire que les Etats-Unis subirent un long processus de « Sionisation
» qui dura deux décennies et qui culmina par la grande opération (sous faux drapeau)
du 11 septembre dans laquelle les hommes du PNAC (Projet pour le Nouveau Siècle
Américain) firent usage de leurs accès aux centres de pouvoirs
des Etats-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite pour inventer un nouvel ennemi
– la « Terreur Islamo-fasciste » – qui non seulement justifierait une
guerre planétaire contre le « terrorisme » (la GWOT : Global War On
Terror), mais aussi un soutien inconditionnel à Israël.
Il y eut aussi des
perdants dans cette évolution, principalement ce que j’appelle le « vieux camp Anglo-Saxon
» qui perdit le contrôle de presque tout son pouvoir politique intérieur et de la
totalité de son pouvoir en matière de politique étrangère : pour la première
fois, une nouvelle orientation
en politique étrangère commença graduellement à prendre
forme sous la direction d’un groupe de personnes qui avec le temps allaient
être identifiés comme les « Israeli firsters » [personnes qui placent les intérêts
d’Israël avant ceux de leur propre pays]. Durant un court laps de temps, le «
vieux camp Anglo-saxon » [qui place les intérêts américains avant tout] sembla reprendre
les rênes du pouvoir (sous Georges Bush Senior), seulement pour le reperdre
immédiatement avec l’élection de Bill Clinton. Mais l’apogée du pouvoir « Sio-conservateur »
ne fut atteint que sous la présidence de Georges W. Bush qui procéda à une
éviction massive des « Anglos » de leur positions clés dans le gouvernement
(surtout au Pentagone et à la CIA). D’une manière prévisible, l’arrivée au
pouvoir des individus que Bush Senior appelait « les dingues du
sous-sol » amena les Etats-Unis au bord d’un
effondrement global : à l’extérieur, la sympathie mondiale pour les Etats-Unis suscitée
par le 11 Septembre se transforma en un tsunami de condamnation et de
ressentiment, alors qu’au niveau intérieur le pays dut faire face à une énorme
crise bancaire qui faillit aboutir à
l’imposition de la loi martiale dans le pays.
Arrive Barack Obama :
« Le changement auquel on peut croire »
L’élection de Barack
Obama à la Maison Blanche fut véritablement un évènement historique majeur. Pas
seulement parce qu’une population majoritairement blanche avait élu un Noir au
poste le plus important du pays (ce qui était surtout une expression de
désespoir et d’un désir ardent pour le changement), mais parce qu’après une des
campagnes de relations publiques les plus efficaces de l’histoire, une vaste
majorité d’Américains et beaucoup, voire la plupart des gens à l’extérieur, crurent
véritablement qu’Obama ferait des changements significatifs et profonds. La
désillusion pour Obama fut à la hauteur de l’espoir placé en lui par des
millions de personnes. Personnellement, je pense que l’Histoire se rappellera
d’Obama non seulement comme de l’un des pires Présidents de l’Histoire, mais
aussi, et ceci est beaucoup plus important, comme de la dernière chance pour le
« système » de se réformer. Cette chance a été manquée. Et alors que certains,
absolument écœurés, décrivirent Obama comme un « Bush light », je
pense que sa présidence peut être mieux décrite par l’expression « plus de
continuité, mais en pire » (more of the same, only worse).
Cela dit, quelque
chose a effectivement été réalisé avec l’élection d’Obama, à ma grande
surprise : l’éloignement de la plupart des Néoconservateurs (mais pas
tous) de la plupart des positions clés du pouvoir (mais pas toutes) et la
réorientation de l’essentiel de la politique étrangère américaine (mais pas
toute) sur une ligne plus traditionnelle « Etats-Unis d’abord », habituellement
soutenue par les intérêts des « vieux Anglo-saxons ». Pour sûr, les Néoconservateurs
ont toujours le contrôle absolu du Congrès et des médias américains mais la
branche exécutive reste aux mains des « Anglos », du moins pour le moment
(ceci, bien sûr, est une généralisation : Dick Cheney n’était ni sioniste, ni
juif, alors que Henry Kissinger ne peut guère être décrit comme un « Anglo »).
Et bien que Bibi Netanyahu ait reçu plus d’ovations (29) au Congrès qu’aucun Président
américain, l’attaque contre l’Iran qu’il désirait si ardemment n’a pas eu lieu.
A la place de cela, Hilary [Clinton]
et [David] Petraeus
furent éjectés tandis que Chuck Hagel et John Kerry prirent leur place.
On est loin du « changement auquel on peut croire », mais au moins, cela montre
que le Likoud
ne contrôle plus la Maison Blanche.
Bien sûr, tout ça
est loin d’être fini. Actuellement, par exemple, le jeu de chassé-croisé
entre la Maison Blanche et le Congrès au sujet du Budget
avec ses risques inhérents d’un défaut de paiement des Etats-Unis montre bien
que ce conflit est loin d’être résolu.
La véritable matrice
actuelle du pouvoir aux Etats-Unis et en Russie
Nous avons montré
qu’il y a deux partis non officiels en Russie qui sont enfermés dans un conflit
à mort pour le pouvoir, les « Souverainistes Eurasiens » (Poutine) et les «
Intégrationnistes Atlantistes » (Medvedev). Il y a également deux partis non
officiels aux Etats-Unis qui sont eux aussi engagés dans une lutte à mort pour
le pouvoir : les Néoconservateurs et les « vieux impérialistes Anglo-saxons
». Je dirais que, au moins pour le moment, les « Souverainistes Eurasiens » et
les « vieux Anglo-saxons » ont prévalu sur leur concurrent interne
mais que les « Souverainistes Eurasiens » russes sont dans une position bien
plus forte que les « vieux Anglo-saxons » américains. Il y a deux
raisons principales à cela :
1)
La
Russie a déjà connu son effondrement économique et son défaut de paiement
2)
Une
majorité de Russes soutiennent pleinement le président Poutine et ses politiques
« souverainistes eurasiennes »
A l’opposé, les Etats-Unis
sont au bord d’un effondrement économique et la clique des 1% qui dirige
actuellement le pays est absolument détestée et méprisée par la plupart des Américains.
Après la désillusion
immense et véritablement déchirante vis-à-vis d’Obama, de plus en plus d’Américains
sont convaincus que changer la marionnette à la Maison Blanche ne sert à rien
et que ce dont les Etats-Unis ont réellement besoin est un changement de
régime.
L’URSS et les
Etats-Unis : Retour vers le futur ?
Il est assez extraordinaire
de voir, pour ceux qui se souviennent de l’Union soviétique de la fin des
années 1980, combien les Etats-Unis sous Obama ressemblent à l’URRS sous Brejnev
: au niveau intérieur, les Etats-Unis sont caractérisés par un sens général de
dégoût et d’aliénation de la population provoqués par la stagnation indéniable
d’un système pourri jusqu’à la moelle. Une armée et un Etat policier démesurés avec
des uniformes partout, alors que de plus en plus de gens vivent dans un état de
pauvreté abject. Une machine de propagande publique qui, à l’image de 1984 d’Orwell, se vante
constamment de nombreux succès à travers le monde, alors que tout le monde sait
que ce sont des mensonges. Au niveau extérieur, les Etats-Unis sont
désespérément débordés, et haïs ou moqués par le reste du monde. Tout comme à
l’époque soviétique, les dirigeants américains sont manifestement effrayés par
leur propre peuple et se protègent donc à l’aide d’un réseau immense et coûteux
d’espions et de propagandistes qui sont terrifiés par la dissidence et qui
voient le principal ennemi dans leur propre peuple.
Ajoutez à cela, un
système politique qui, loin de coopter les meilleurs de ses citoyens, les aliène
en élevant les plus immoraux et les plus corrompus d’entre eux aux positions de
pouvoir. Un complexe carcéral-industriel et un complexe militaro-industriel en
pleine expansion que le pays n’a tout simplement pas les moyens de maintenir.
Des infrastructures publiques qui tombent en ruines, combinées à un système de
santé totalement dysfonctionnel dans lequel seuls les riches et ceux qui ont
des relations peuvent recevoir des soins de qualité. Et par-dessus tout, un
discours public sclérotique en phase terminale, rempli de clichés idéologiques
et complètement déconnecté de la réalité.
Je n’oublierai
jamais les mots de l’ambassadeur pakistanais à la conférence des Nations unies
de Genève sur le désarmement en 1992, qui, s’adressant à une assemblée de
diplomates occidentaux suffisants, tint les propos suivants : « Vous
avez l’air de croire que vous avez gagné la Guerre froide, mais est-ce que vous
avez déjà envisagé la possibilité que ce qui s’est réellement produit, c’est
que le communisme a été rattrapé par ses contradictions internes avant que le
capitalisme ne soit rattrapé par ses propres contradictions ?! » Inutile de
dire que ces mots prophétiques furent accueillis dans un silence indigné et rapidement
oubliés. Pourtant, cet homme avait d’après moi absolument raison : le
capitalisme a maintenant atteint une crise aussi profonde que celle qui toucha
l’Union soviétique à la fin des années 1980 et il n’y a aucune chance de le
réformer, ni de le changer. Le changement de régime est la seule issue
possible.
Les
origines historiques de la russophobie des élites américaines
Tout
cela dit, il est en fait très simple de comprendre pourquoi la Russie en
général, et Poutine en particulier suscitent tant de haine chez la ploutocratie
occidentale : s’étant convaincus d’avoir gagné la Guerre froide, ils font
maintenant face à la double déception du rétablissement rapide de la Russie et
du déclin économique et politique de l’Occident, qui sombre dans ce qui semble
être une profonde et douloureuse agonie.
Dans
leur amertume et leur dépit, les dirigeants occidentaux ont négligé le fait que
la Russie n’a rien à voir avec les problèmes actuels de l’Occident. En fait,
bien au contraire, l’impact principal de la chute de l’Union Soviétique sur le
système économique international dirigé par les Etats-Unis fut de prolonger son
existence en créant une nouvelle demande de dollars américains en Europe de
l’Est et en Russie (certains économistes comme Nikolai Starikov
estiment que l’effondrement de l’Union Soviétique a rallongé la durée de vie du
dollar de 10 ans ou plus).
Dans
le passé, la Russie a été l’ennemie jurée de l’Empire britannique. Quant aux
Juifs, ils ont toujours nourri de nombreux griefs contre la Russie tsariste
prérévolutionnaire. La révolution de 1917 apporta beaucoup d’espoir aux Juifs
de l’Europe de l’Est mais elle ne dura que peu de temps car Staline vainquit
Trotski et le Parti communiste fut épuré de nombre de ses membres juifs. A plusieurs
reprises, la Russie a joué un rôle tragique dans l’histoire des Juifs
ashkénazes et ceci a bien évidemment laissé une marque profonde dans la vision
du monde des Néoconservateurs qui sont tous profondément russophobes, même
aujourd’hui. Certains pourraient objecter que beaucoup de Juifs sont
profondément reconnaissants envers l’armée soviétique pour la libération des
Juifs des camps de concentration nazis ou pour le fait que l’Union soviétique
fut le premier pays à reconnaître l’Etat d’Israël. Mais dans les deux cas, le
pays qui est considéré comme l’auteur de ces actions est l’Union Soviétique
et non pas la Russie, que la plupart des Juifs ashkénazes associent toujours
typiquement à des politiques et des valeurs anti-juives.
Il
n’est donc pas surprenant qu’à la fois les élites « Anglo » et juives
aux Etats-Unis aient une aversion et une peur instinctives de la Russie,
surtout d’une Russie perçue comme résurgente et anti-américaine. Et il est vrai
qu’ils n’ont pas tort dans cette perception : la Russie est définitivement
résurgente, et la grande majorité de l’opinion publique russe est virulemment
anti-américaine, du moins si nous entendons par « Américain » un
modèle de civilisation ou un système économique.
Le
sentiment antiaméricain en Russie
Les
sentiments envers les Etats-Unis ont subi un changement radical depuis la chute
de l’Union Soviétique. Durant les années 1980, les Etats-Unis étaient non
seulement plutôt populaires mais encore profondément à la mode : la jeunesse
russe créa de nombreux groupes de rock (certains d’entre eux devinrent
immensément populaires et le demeurent jusqu’à aujourd’hui, comme le groupe DDT de
Saint-Pétersbourg), la mode américaine et les fast food étaient le rêve
de tous les adolescents russes, alors que la plupart des intellectuels
considéraient sincèrement les Etats-Unis comme les « Leaders du monde libre ».
Bien sûr, la propagande d’Etat de l’URSS présentait toujours les Etats-Unis
comme un pays impérialiste agressif, mais ses efforts échouèrent : la plupart
des Russes aimaient beaucoup les Etats-Unis. Un des groupes de pop des plus
populaires des années 1990 (Nautilus Pompilius)
avait une chanson avec les paroles suivantes :
Au revoir l’Amérique, oh
Où je ne suis jamais allé
Adieu pour toujours !
Prend ton banjo
Et joue pour mon départ
La-la-la-la-la-la, la-la-la-la-la-la
Ton blue-jean trop usé
Est devenu trop serré pour moi
On nous a appris depuis trop longtemps
A aimer tes fruits défendus.
Bien
qu’il y ait des exceptions à cette règle, je dirais qu’au début des années
1990, la plupart des Russes, surtout la jeunesse, avait gobé toute la
propagande américaine : la Russie était désespérément proaméricaine.
L’effondrement
catastrophique de l’Union Soviétique en 1991 et le soutien inconditionnel
apporté à Eltsine et ses oligarques par l’Occident changèrent la donne. Au lieu
d’essayer d’aider la Russie, les Etats-Unis et l’Occident exploitèrent toutes
les opportunités pour affaiblir la Russie (en intégrant toute l’Europe de l’Est
à l’OTAN bien qu’ils avaient promis de ne jamais le faire). Au niveau
intérieur, l’Occident soutenait les oligarques Juifs qui pompaient
littéralement toute la richesse de la Russie, à l’instar de vampires suçant du
sang, et soutenaient toute forme imaginable de séparatisme. A la fin des années
1990, les mots « démocrate » et « libéral » devinrent des injures. Cette blague
de la fin des années 1990 est un bon exemple pour refléter ces sentiments :
Un nouveau professeur arrive dans la classe :
- Je m’appelle Abram Davidovich, je suis un libéral. Et
maintenant levez-vous tous et présentez-vous comme je viens de le faire.
- Je m’appelle Masha, je suis libérale.
- Je m’appelle Pétia, je suis libéral…
- Je m’appelle Little Johnny, je suis staliniste.
- Johny, pourquoi es-tu staliniste ?
- Ma mère est staliniste, mon père est staliniste, mes
amis sont stalinistes et moi aussi je suis staliniste.
- Johny, et si ta mère était une pute, ton père, un
drogué, tes amis, des pédés, qu’est-ce que tu serais dans ce cas ?
- Eh bien, je serais un libéral.
Remarquez
l’association entre être un libéral et les Juifs (Abram Davidovich est un nom
juif typique), Remarquez aussi l’inclusion de la catégorie « homosexuel » entre
la prostituée et le drogué et ayez-la à l’esprit pour évaluer la réaction russe
typique face aux actuelles campagnes antirusses lancées par les organisations
homosexuelles occidentales.
La
conséquence politique de ces sentiments est plutôt évidente : durant les
dernières élections, pas un seul parti politique pro-occidental n’a réussi à
obtenir assez de votes pour entrer au Parlement. Et non, ce n’est pas parce que
Poutine les a rendus hors-la-loi (comme l’imaginent certains propagandistes
occidentaux). Il y a actuellement 57 partis en Russie et il y en a plusieurs
qui sont pro-occidentaux. Et pourtant, il est indéniable que le pourcentage de
Russes qui penchent en faveur des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’UE est dans les
5%. Je peux aussi le dire ainsi : absolument tous les partis politiques
représentés à la Douma sont profondément anti-américains, même le très modéré «
Russie Juste ».
Des
sentiments antirusses aux Etats-Unis ?
Etant
donné le barrage incessant de propagande antirusse dans les médias occidentaux,
on pourrait essayer d’évaluer la force du sentiment antirusse en Occident. Cela
est très dur à mesurer objectivement, mais étant moi-même né en Europe
Occidentale et ayant vécu 15 ans aux Etats-Unis, je dirais que le sentiment
antirusse en Occident est assez rare, presque inexistant. Aux Etats-Unis, il y
a toujours eu de forts sentiments anti-communistes (et il y en a encore
aujourd’hui) mais d’une certaine manière, la plupart des Américains font la
différence entre une idéologie politique qu’ils ne comprennent pas vraiment,
mais qu’ils rejettent de toute façon, et le peuple qui dans le passé y était
associé (les Russes).
Les
*politiciens* américains, bien sûr, haïssent la Russie pour la plupart, mais la
plupart des Américains semblent éprouver très peu d’animosité et d’appréhension
à l’égard de la Russie et du peuple russe. J’explique cela par une combinaison
de plusieurs facteurs.
Premièrement,
puisque de plus en plus de gens en Occident réalisent qu’ils ne vivent pas dans
une démocratie, mais dans une ploutocratie des 1%, ils ont tendance à
considérer la ligne officielle de propagande avec beaucoup plus de méfiance (ce
qui est d’ailleurs exactement ce qui se passait pour la plupart des soviétiques
dans les années 1980). Par ailleurs, de plus en plus de gens en Occident qui,
s’opposant à l’ordre impérial ploutocratique qui les appauvrit et les réduit à
l’état de serfs pour les entreprises, sont assez favorables à la Russie et à
Poutine car ils « tiennent tête aux salopards de Washington ». Mais plus
fondamentalement encore, il y a le fait que dans un étrange revers de
l’histoire, la Russie d’aujourd’hui défend les valeurs de l’Occident d’hier : la
loi internationale, le pluralisme, la liberté d’expression, les droits sociaux,
l’anti-impérialisme, l’opposition à l’intervention contre des Etats souverains,
le rejet de la guerre comme moyen de régler des différends, etc.
Dans
le cas de la guerre en Syrie, la position absolument cohérente de la Russie en
défense de la loi internationale a impressionné beaucoup de personnes aux
Etats-Unis et en Europe et on peut entendre de plus en plus d’éloges de Poutine
de la part d’individus qui avaient de grandes suspicions à son égard par le
passé.
La
Russie, bien sûr, n’est en aucun cas une utopie ou une sorte de société
parfaite, loin de là, mais elle a pris la décision fondamentale de devenir un
pays *normal* plutôt que d’être un Empire mondial, et n’importe quel pays «
normal » serait d’accord pour soutenir les valeurs de « l’Occident d’hier »,
pas seulement la Russie. En fait, la Russie n’est vraiment pas exceptionnelle
dans sa prise de conscience pragmatique du fait que faire respecter ces
principes n’est pas une question d’idéalisme naïf, mais un but politique
réaliste et sain. Les peuples occidentaux entendent leurs dirigeants et les
médias leur déclarer que Poutine est un dictateur malfaisant, ex-agent du KGB,
représentant un danger pour les Etats-Unis et leurs alliés, mais dès que les gens lisent ou écoutent ce que Poutine dit
vraiment, ils réalisent qu’ils sont en fait plutôt d’accord avec lui.
Dans
un autre revers cocasse de l’histoire, alors que la population soviétique avait
l’habitude d’écouter la BBC, Voice of America ou Radio
Liberty, de plus en plus de gens en
Occident se tournent vers Russia
Today, Press
TV ou Telesur pour obtenir des informations. D’où la réaction
paniquée de Walter Isaacson, président du BBG (Broadcasting Board of Governors), l’agence américaine chargée du contrôle des radios
et télévisions internationales financées par le gouvernement américain, qui
déclara : « Nous ne pouvons pas nous permettre de nous faire détrôner
par nos ennemis. On a maintenant Russia Today, la chaîne iranienne Press TV, la
chaîne vénézuélienne Télésur, et bien sûr la Chine qui est en train de lancer
une chaîne d’informations TV 24h/24 avec des correspondants dans le monde
entier. » Des gens comme Isaacson savent qu’ils sont en train de perdre
lentement mais sûrement la bataille de l’information pour le contrôle des
esprits du grand public.
Et
maintenant, avec l’affaire Snowden, la Russie est devenue un port d’attache sûr pour ces
activistes politiques qui fuient la colère de l’Oncle Sam. Une recherche rapide
sur internet vous montrera que de plus en plus de personnes font référence à
Poutine en tant que « Leader du monde libre » alors que d’autres collectent des
signatures pour qu’Obama remette son prix Nobel de la paix à Poutine. Pour ceux
qui comme moi ont lutté contre le système soviétique, il est absolument
incroyable de voir le virage à 180 degrés qui s’est opéré dans le monde depuis
les années 1980.
Les
élites occidentales : toujours bloquées dans la Guerre froide
Si
le monde a radicalement changé durant ces 20 dernières années, les élites
occidentales sont restées les mêmes. Confrontées à une réalité très frustrante,
elles essaient désespérément de mener à nouveau la bataille de la Guerre froide
avec l’espoir de la gagner encore une fois. D’où le cycle sans fin de campagnes
de dénigrement contre la Russie que j’ai mentionné au début de cet article. Ils
essaient de présenter la Russie comme une nouvelle Union Soviétique, avec des
minorités opprimées, des dissidents emprisonnés et assassinés, peu ou pas de
liberté d’expression, des médias monolithiques contrôlés par l’Etat et un
appareil de sécurité omnipotent surveillant le tout. Le problème, bien sûr, est
qu’ils ont 20 ans de retard et que ces accusations ne collent pas bien avec
l’opinion publique occidentale et ont une influence égale à *zéro* à
l’intérieur de la Russie. En fait, toutes les tentatives d’interférence dans la
politique nationale russe ont été tellement stupides et maladroites qu’elles
ont eu à chaque fois l’effet inverse. Depuis les tentatives occidentales
absolument futiles d’organiser des révolutions colorées dans les rues de
Moscou, aux tentatives complètement contre-productives de créer une crise
autour des droit des homosexuels en Russie, chaque initiative menée par la
machine de propagande occidentale n’a fait que renforcer Vladimir Poutine et
ses « Souverainistes Eurasiens » au sein du Kremlin, au détriment des « Intégrationnistes
Atlantistes ».
Il y
eut un symbole profond et poignant lors de la dernière réunion des 21 pays de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) à Bali.
Obama dut annuler son voyage à cause de la crise budgétaire américaine alors
que Poutine fut accueilli par une interprétation, musicalement horrible mais
politiquement lourde de sens de « Happy Birthday to you », chantée par un chœur
spontané composé de dirigeants de pays du Pacifique. Je peux seulement imaginer
la rage de la Maison Blanche quand ils virent « leurs » alliés du Pacifique
chantant la sérénade à Poutine pour son anniversaire !!
Conclusion
: « nous sommes partout »
Dans
une de ses plus belles chansons, David Rovics
chante les paroles suivantes que je veux citer intégralement, car chaque ligne
s’applique tout à fait à la situation actuelle (vous pouvez écouter la chanson
ici : http://www.youtube.com/watch?v=n8j8BmgeYLA) :
Quand
je dis que les affamés devraient avoir à manger
Je
parle au nom de beaucoup
Quand
je dis que personne ne devrait avoir sept maisons
Quand
certains n’en ont aucune
Bien
que je puisse me retrouver enfermé dans un endroit étrange
Avec
rien d’autre qu’un regard insipide
Je
me souviens du monde et je sais
Que
nous sommes partout
Quand
je dis que le temps viendra pour les riches
Laissez-moi
compter les différents chemins
Les
victoires ou les indications pour le futur
La
Havane, Caracas, Chiapas, Buenos Aires
Combien
de gens attendent et espèrent
En
se battant pour leur part
Ils
se cachent dans leurs tours d’ivoire
Mais
nous sommes partout
Les
religions, les prisons et les races
Les
frontières et les nations
Les
agents du FBI et les membres du Congrès
Et
les chaines de radio privées
Ils
essaient de nous isoler, mais nous nous retrouvons pourtant
Et
les dirigeants sont toujours conscients
Qu’ils
ne sont qu’une infime minorité
Et
nous sommes partout
Avec
chaque bombe qu’ils larguent, chaque maison qu’ils détruisent
Chaque
terre qu’ils envahissent
Se
lève une nouvelle génération de sous les décombres
Clamant
« nous n’avons pas peur »
Ils
prétendront que nous ne sommes que quelques-uns
Mais
avec chaque enfant qu’un milliard de mères portent
Vient
une nouvelle preuve
Que
nous sommes partout
Ces
mots représentent une belle expression de l’espoir qui devrait inspirer tous
ceux qui s’opposent aujourd’hui à l’empire américano-sioniste : nous sommes
partout, littéralement. D’un côté, nous avons les 1%, les impérialistes
anglo-saxons et les Sio-conservateurs sionistes, pendant que de l’autre côté,
nous avons le reste de la planète, incluant potentiellement 99 % du peuple
américain. S’il est vrai qu’en ce moment précis, Poutine et ses Souverainistes
Eurasiens représentent la faction résistante à l’Empire la plus puissante et la
mieux organisée au monde, ils sont loin d’être centraux, ni même cruciaux pour
ce mouvement. Oui, la Russie peut jouer un rôle (et elle le jouera), mais
seulement en tant que « pays normal » parmi tant d’autres, certains plus petits
et plus faibles économiquement comme l’Equateur, et d’autres plus grands et
plus puissants comme la Chine. Mais même un petit pays comme l’Equateur était «
assez grand » pour donner refuge à Julian Assange
alors que la Chine semble avoir demandé à Snowden de quitter le pays gentiment.
L’Equateur n’est donc pas si petit après tout.
Il
serait naïf d’espérer que ce processus de « désimpérialisation » des
Etats-Unis se fasse sans violence. Les Empires français et britanniques
s’effondrèrent contre la toile de fond sanglante de la deuxième guerre
mondiale, tandis que les Empires nazi et japonais furent écrasés sous un tapis
de bombes. L’Empire soviétique s’effondra avec comparativement moins de victimes,
et l’essentiel de la violence causée par cet évènement se concentra dans la
périphérie soviétique. En Russie même, le nombre de morts de la mini-guerre
civile de 1993 peut se compter en milliers et non pas en millions. Et par la
grâce de Dieu, aucune arme nucléaire ne fut utilisée nulle part.
Que peut-il donc vraisemblablement
se produire lorsque l’Empire américano-sioniste s’effondrera sous son propre
poids ? Personne ne peut le dire avec certitude, mais nous espérons au moins
que de même qu’aucune force majeure n’est venue secourir l’Union soviétique en
1991-1993, aucune force majeure ne viendra au secours de l’Empire américain.
Comme David Rovics le souligne si bien, la faiblesse principale des 1 % qui
dirigent l’Empire américano-sioniste demeure dans le fait « qu’ils ne sont
qu’une infime minorité et nous sommes partout ».
Durant
ces dernières 20 années, les Etats-Unis et la Russie ont suivi des chemins
diamétralement opposés et leurs rôles respectifs semblent s’être inversés. Ce «
Pas de deux » touche maintenant à sa fin. Des circonstances objectives opposent
encore une fois ces deux pays l’un à l’autre, mais cela est seulement dû à la
nature du régime en place à Washington D.C. Les leaders russes pourraient
répéter les mots du rappeur britannique Lowkey et déclarer « Je ne
suis pas anti-américain, l’Amérique est anti-moi ! » et ils pourraient
potentiellement être rejoints par 99 % des Américains qui, qu’ils en soient
déjà conscients ou pas, sont aussi les victimes de l’empire américano-sioniste.
En
attendant, le barrage de propagande anti-russe continuera sans relâche, tout
simplement parce que cela semble être devenu une sorte de psychothérapie pour
une ploutocratie occidentale paniquée et à court d’idées. Et comme dans les cas
précédents, cette campagne de propagande n’aura aucun effet.
J’ai
espoir que la prochaine fois que nous entendrons parler de je ne sais quelle
affaire après la campagne actuelle de « Greenpeace », vous garderez tout cela
en tête.
Le
Saqr (The Saker)
Article
original : http://vineyardsaker.blogspot.fr/2013/10/1993-2013-is-twenty-years-long-pas-de.html
___________________________________
Qu’est-ce
qu’un libéral russe d’après Dostoïevski, L’Idiot, 1868 (cité en commentaire par Le Saqr)
« — Je vais, messieurs, vous citer un fait, reprit-il
avec ce mélange de chaleur et d’enjouement qui faisait soupçonner de l’ironie
sous ses paroles les plus convaincues en apparence, — un fait dont j’ai même
l’honneur de m’attribuer exclusivement la découverte ; du moins personne,
que je sache, n’en a encore rien dit. Dans ce fait se révèle tout le fond du
libéralisme russe dont je parle.
D’abord, qu’est-ce, d’une façon générale, que le
libéralisme, sinon la guerre (juste ou injuste, c’est une autre question) faite
à l’ordre de choses existant ? C’est cela, n’est-ce pas ? Eh bien, le
fait découvert par moi, c’est que le libéralisme russe n’est pas une attaque à
l’ordre de choses établi mais aux choses mêmes, qu’il fait la guerre non aux
institutions existantes, mais au pays. Mon libéral en est venu à nier la
Russie, c’est-à-dire à haïr et à battre sa mère. Tout événement malheureux pour
la Russie le fait rire, s’il ne l’enivre pas de joie. Il déteste les usages
nationaux, l’histoire russe, tout. Son excuse, s’il en a une, c’est qu’il ne
comprend pas ce qu’il fait, et que sa haine de la Russie lui apparaît comme le
libéralisme le plus fécond (oh ! vous rencontrez souvent chez nous des
libéraux qui applaudissent les réactionnaires et qui sont peut-être, au fond,
sans le savoir eux-mêmes, les conservateurs les plus absurdes, les plus obtus
et les plus dangereux). Cette haine de la Russie, certains de nos libéraux, il
n’y a pas encore longtemps, la prenaient presque pour le véritable amour de la
patrie, et ils se vantaient de voir mieux que les autres en quoi doit consister
ce sentiment. Mais maintenant ils y mettent plus de franchise, le mot même de
« patriotisme » leur fait honte, ils ont rejeté cette idée comme
nuisible et méprisable. C’est là un phénomène dont aucun temps, aucun pays n’a
encore fourni d’exemples. Comment donc en expliquer la présence chez
nous ? Par la raison que j’ai donnée tout à l’heure, à savoir que le
libéral russe n’est pas un libéral russe ; selon moi il n’y a pas d’autre
explication possible du fait. »
Article original : http://vineyardsaker.blogspot.fr/2013/10/1993-2013-is-twenty-years-long-pas-de.html
Traduction : sayed7asan.blogspot.com
Contact : 7asan.saleh@gmail.com
Article original : http://vineyardsaker.blogspot.fr/2013/10/1993-2013-is-twenty-years-long-pas-de.html
Traduction : sayed7asan.blogspot.com
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