Initialement adressée à « Cheikh » Imran Hussein, suite à son appel à l’ « émigration » lancé à la communauté musulmane française
Sections :
Introduction
Salutations
Les musulmans en France : opprimés et persécutés ?
La France est-elle « notre » pays ?
« Là-bas », serons-nous « chez nous » et en sécurité ?
Quels pays sont vraiment « musulmans » ?
L’émigration du temps du Prophète (saas)
Une « retraite stratégique » ?
L’Islam et le choc des civilisations
La Russie face à l’Empire
Qu’est-ce que l’eschatologie islamique ?
La France devient-elle totalitaire ?
La place des musulmans en France
Les enseignements de l’Islam
Conclusion
Message forcené de
« Cheikh » Imran Hussein en addendum à son appel à la Hijra
Introduction
Cette lettre ouverte est la réponse d’un musulman français à l’appel à l’émigration lancé par « Cheikh » Imran Hussein aux musulmans de
France suite à l’attaque contre Charlie Hebdo. Une première version lui en a
été adressée à titre privé le 25 janvier, en anglais, et n’a pas reçu de suite
notable – sinon une dérobade condescendante et un renvoi à un nouvel appel plus
tonitruant encore de folie furieuse, qui n’a heureusement pas été relayé (il est cité intégralement à la fin de cette lettre). Elle
est maintenant publiée en tant que lettre ouverte, dans une version enrichie et
structurée afin d’en faciliter la lecture et la compréhension, mais elle garde
la même teneur que la lettre qui fut adressée à Imran Hussein via courriel.
Ce n’est pas tant pour obtenir une réponse de sa part que nous publions cette
lettre – car il n’est manifestement pas dans une démarche d’ouverture et de
dialogue mais de prédication fanatique et forcenée – qu’à destination des
publics français.
Imran Hussein est parfois présenté
comme un savant de l’Islam spécialiste de « l’eschatologie », et
portant un regard éclairé sur l’actualité internationale qu’il analyse au
regard des sources théologiques. Sans récuser l’intérêt que peuvent présenter
certaines de ses analyses, quiconque a des connaissances islamiques un tant
soit peu sérieuses peut affirmer avec certitude que sa légitimité, son autorité
et le sérieux de ses travaux d’exégèse et de ses analyses théologiques sont
nuls et contredisent bien des enseignements fondamentaux de l’Islam. Cette
lettre ouverte sera une première esquisse, un premier jalon dans un effort
visant à le démontrer à tous ceux qui n’en sont pas convaincus en écoutant ses
divagations. Elle sera suivie par d’autres écrits et documents plus ciblés et
plus synthétiques, et par la traduction d’un récent discours religieux de Sayed
Hassan Nasrallah consacré à l’eschatologie islamique authentique dans son
rapport à l’actualité internationale et à la fin des temps. Sayed Hassan Nasrallah
y dénonçait notamment, en s’appuyant sur des preuves qui font l’unanimité des
écoles de l’Islam et de toute personne rationnelle, les dangers représentés par
les prédicateurs qui prétendent connaître l’avenir, dont Imran Hussein est un
parfait exemple (pour les arabophones, voir dès à présent ici et ici).
Cet appel à la hijra, ou « émigration », lancé aux musulmans français
du fait de leur situation en France et de ce que les événements actuels peuvent
laisser présager d’après lui, est absolument insensé, scandaleux et
irresponsable, et même franchement grotesque – et c’est une évidence, que l’on
se base sur des critères rationnels, moraux ou religieux –, au point qu’un tel individu
ne devrait pas même recevoir la moindre considération, et encore moins motiver
un long effort de réponse qui consistera nécessairement en un égrenage
fastidieux de truismes. Mais le contexte étant ce qu’il est, Imran Hussein
étant considéré par d’aucuns comme une autorité, et son premier appel ayant
malheureusement été relayé par plusieurs sites d’information alternatifs sans
les avertissements et caveat nécessaires (par légèreté, imprudence ou
ignorance, voire, on a parfois pu le craindre, dans un agenda politique de
couleur brun – bleu marine), ce qui lui a permis de dépasser les 150 000 vues (toutes
sources confondues), sans qu’il ait suscité de réponse formelle et publique à
notre connaissance, cette démarche peut ne pas être inutile.
Pour conclure, je précise que je ne
prétends pas m’exprimer au nom de tous les musulmans de France : j’ai
moi-même trop souffert d’entendre des voix dépourvues de toute légitimité (autoproclamées
ou nominées d’en haut et/ou d’en dehors de notre communauté à des fins de
contrôle, d’infantilisation et même d’humiliation) s’exprimer en mon nom et
proférer des insanités et même des infamies. Je ne prétends pas à l’adhésion de
l’ensemble de la communauté musulmane française au fond et à la forme de tous les
points avancés ci-dessous, mais je suis convaincu du fait que mon analyse est
bien plus conforme au bon sens, au droit moral et positif, aux lois divines, à
la réalité de la situation en France et dans le monde et au sentiment de la
grande majorité des musulmans français que ne le sont les élucubrations
charlatanesques d’Imran Hussein.
Salutations
Salutations
de paix (As-salamu ‘alaykoum),
Je
tenais à vous exprimer ma plus vive indignation au sujet de votre vidéo
invitant les musulmans français – et en particulier ceux qui ont des origines
étrangères – à émigrer en direction de « leur » pays, et à vous
demander de bien vouloir clarifier le fond de votre pensée et d’apporter des
preuves et arguments valables pour soutenir vos propos. En tant que musulman,
franco-algérien (né et ayant vécu en France, et ayant la double nationalité),
en tant qu’homme de principes, attaché à la morale et au droit, et, avec la
Grâce de Dieu, en tant que personne douée de raison et de discernement, je ne
peux qu’être profondément scandalisé par à peu près tout ce que vous dites.
Avec tout le respect qui est dû à un aîné, dont la bienveillance peut être
postulée, et si je puis exprimer le fond de ma pensée, je considère vos exhortations
contraires au bon sens, à l’éthique et à toute justice, et opposées aux
enseignements fondamentaux du Saint Coran et de notre Prophète Muhammad (saas)
tels que je les comprends. Et plus encore, irresponsables dans ce contexte.
Je
vais donc m’efforcer de justifier mon point de vue de la manière la plus
claire, la plus ferme et la plus respectueuse, en espérant que je pourrai
obtenir une réponse argumentée à mes objections.
Les musulmans en France : opprimés et persécutés ?
Vous
avez commencé par décrire la vie en France pour les musulmans comme impossible.
Selon vous, la situation est telle que nous n’avons dorénavant qu’une seule
alternative : soit nous renier, baisser la tête et perdre notre dignité,
soit partir, émigrer.
Je ne suis pas d’accord avec votre analyse de la situation. Certes,
il y a clairement une offensive politique et médiatique contre l’Islam et les
musulmans – et ce dans tout l’Occident, du reste, et pas seulement en
France : la première fois que j’ai entendu ces exhortations insensées à l’émigration,
c’était de la part d’un imam salafiste (palestinien de surcroît) à Miami en
2008, durant les élections présidentielles, au sujet de la phrase de John Mc Cain à propos d’Obama. Et du reste avant cela, Marcus Garvey et Malcolm X l’avaient
prôné auprès des Noirs des Etats-Unis, mais heureusement, le grand Malcolm X a
radicalement changé
sa perspective lorsqu’il a eu
accès à l’Islam authentique et à son message universel – mais vous voulez
apparemment nous faire régresser d’un siècle. Certes, nous sommes méprisés,
avilis, piétinés, etc., c’est la vérité, mais tout cela se produit surtout dans
les médias, dans l’arène politique, etc., et donc dans d’autres sphères que
celle de la vie quotidienne. Dans la vie de tous les jours, les difficultés ne
sont pas si grandes. Nous vivons dans la vie réelle, pas à la télévision,
et du reste, nombreux sont ceux qui désertent les médias dominants au profit d’Internet :
l’exemple du succès de Dieudonné suffit à démontrer que des millions de
personnes – et pas que des musulmans, loin de là – se moquent éperdument de la
propagande politico-médiatique. Bien sûr que nous faisons parfois l’expérience
de ce que l’on pourrait clairement appeler des préjugés, du racisme, de l’islamophobie
dans notre vie quotidienne, et peut-être même que plus notre milieu socio-professionnel
est « élevé », plus ces agressions deviennent vives et palpables –
mais alors nous sommes mieux armés encore pour nous défendre. Mais les
ignorants, les brebis et les fielleux ne sont pas d’un naturel offensif et
peuvent être aisément calmés s’ils s’avisent de dépasser les limites, surtout
que le caractère et la culture « originels » des arabo-musulmans sont
loin de s’être dissipés, et que nous sommes, en général, des éléments fiers, sensibles
à l’honneur et à la dignité, et donc nullement disposés à nous laisser marcher
dessus – dans la tradition authentique, mise à jour, du panache français.
Ainsi, contrairement à ce que vous prétendez, notre barbe ne pose
aucun problème, pas plus que le voile de nos sœurs, de nos épouses ou de nos
filles, du moins aucun problème que nous ne puissions surmonter – car l’opprobre
laïciste sur le voile, unique dans le monde, que nous subissons en France, est
effectivement un véritable problème, mais à défaut de le lever (ce qui peut
être réalisé), nous avons déjà pu contourner cet obstacle qui ne constitue pas
une entrave majeure. Ce n’est pas comme si nous étions une minorité
marginale : nous sommes des millions, et nous sommes une communauté
visible, parfois dominante dans certaines zones géographiques et quartiers, et
coexistant avec des millions de non-musulmans qui n’ont rien contre nous, au
contraire. Ce n’est pas comme si nous ne pouvions pas vivre comme nous le
souhaitions, nous le pouvons tout à fait. Pour mémoire, jusque dans l’enseignement
supérieur, il est arrivé plusieurs fois que des enseignants d’Université trop
zélés soient sanctionnés par leur hiérarchie – et même hués par leurs élèves – pour
avoir fait des remarques désobligeantes à des filles voilées. On peut voir des
filles voilées jusque dans les plus grandes écoles parisiennes, de Henri IV à l’Ecole
Normale Supérieure. Et vous serez peut-être même surpris de savoir qu’il y a
quelque temps de cela, à l’époque où j’y étais moi-même, il y avait une
enseignante française d’origine arabe à l’Université Paris-IV Sorbonne (lieu
hautement symbolique) qui portait le voile durant ses cours même, au moins
durant une année scolaire entière, et je n’ai pas connaissance du fait qu’elle
ait été inquiétée, même si, bien sûr, bien des dents ont dû grincer.
Nous pouvons donc toujours avoir la tête haute, rester attachés à
nos croyances et à nos principes tout en menant une vie normale, saine,
épanouie, et accéder, de plus en plus, à toutes les sphères honorables de la
vie sociale et professionnelle (car nous ne nous lamenterons pas de nous voir
interdire l’accès de certaines portes, que ceux qui sont attachés à leurs
convictions et à leur dignité n’aspirent aucunement à franchir). Nos mosquées
sont pleines le vendredi, et même trop pleines, de nouvelles mosquées
florissant aux quatre coins de la France, dans les endroits les plus reculés.
Sont-ce là des signes d’une vie religieuse moribonde, étouffée, menacée ?
Certes non, bien au contraire. Oui, nous musulmans de France sentons bien que
nous sommes attaqués, mais nous ne sommes pas démunis comme vous le prétendez,
nous ne nous sentons ni faibles, ni vulnérables, ni désorientés et encore moins
perdus ou en proie au découragement ou au désespoir. Nous avançons, et nous
restons fermement attachés à nos principes, et si besoin est, nous irons plus
loin encore dans l’affirmation de notre identité et les revendications, dans le
strict respect d’autrui que notre religion nous impose, afin d’être pleinement
acceptés partout où nous le souhaitons, et de ne plus être soumis à de
quelconques formes de discrimination. Grâce à l’éducation que nous ont
transmise nos parents et à l’instruction que nous avons reçue durant notre
scolarité et nos études, et à celle que nous avons acquise de nous-mêmes, grâce
à toutes les opportunités qui nous sont offertes ici en France, nous sommes
devenus plus éveillés et plus cultivés que nos parents, plus savants et plus
actifs jusque dans notre religion (comme le montre le port très largement
répandu du hijab), nous avons accédé à des postes de responsabilité plus
importants, et nous sommes de plus en plus actifs dans notre société. Et selon
toute vraisemblance, si Dieu le veut, nos enfants iront plus loin encore, sans
jamais se renier ni oublier que nos principes et nos traditions sont pour nous
essentiels et indissociables de notre identité.
Voilà pour ce qui concerne votre analyse de la situation.
La France est-elle « notre » pays ?
Vous affirmez que la France n’est pas notre pays. Bien que nous
soyons nés ici, que nous ayons été élevés ici, que nous ayons construit toutes
notre existence ici et nous sentions chez nous, etc., vous nous récusez le
droit d’affirmer que nous sommes ici chez nous, que la France est bien « notre »
pays. Je ne comprends vraiment pas comment quiconque peut légitimement déclarer
de telles choses, avec un tel aplomb. Comment peut-on s’adresser ainsi à des
millions de personnes et asséner à chacun d’entre eux : « Cette terre sur
laquelle tu es né, où tu as grandi et vécu et que tu as héritée de ton père,
cette maison que tu as construite et dans laquelle tu vis avec ta famille, où
tes enfants sont nés et où ils grandissent, cette ville et ce pays que tu aimes,
tes voisins, tout ce à quoi tu es attaché par des liens matériels et
immatériels, tout cela n’est pas à toi. Tu n’es pas chez toi. Veux-tu savoir où
est ta véritable demeure ? C’est un endroit avec lequel tu n’as peut-être
plus aucune attache, un endroit où tu n’es peut-être jamais allé, dont tu ne
parles peut-être pas même la langue et pour lequel tu ne ressens peut-être
rien, mais c’est ta seule et unique demeure alors retourne-y dès
maintenant. » Quelles sont ces paroles insensées ? Sommes-nous des
colons sionistes, ou des descendants de colons pour mériter de tels
outrages ? Quelle autorité, quelle base pourraient-elles permettre de rendre
légitimement des verdicts si radicaux ? Ce sont là des questions d’ordre légal,
moral et factuel qui ne peuvent être déterminées par aucune personne ou
instance autres que celles qui sont directement concernées, et dans un cadre très
strict, sinon par abus et violation des droits les plus fondamentaux – comme l’ont
fait les sionistes en 1948 lorsqu’ils ont expulsé les Arabes par la force des
armes, leur affirmant qu’ils n’étaient pas chez eux en exhibant leur titre de
propriété falsifié vieux de 2000 ans.
Je précise que je ne m’exprime pas spécifiquement pour mon cas
particulier. Il se trouve que je me sens tout à fait chez moi en Algérie, et
que du reste, j’ai vécu dans plusieurs pays arabes durant quelque temps, et
même dans d’autres pays où j’ai pu profiter d’un grand confort matériel (bien
plus qu’en France) et où je me sentais très bien. Je maîtrise l’anglais, l’arabe
et d’autres langues encore, et je peux me sentir tout à fait à mon aise dans
bien des endroits. Et je peux même avouer qu’il y a plusieurs années de cela, j’avais
effectivement le sentiment que ma place n’était pas en France mais ailleurs,
dans un pays arabe et musulman, et c’est pourquoi j’ai voyagé et essayé de m’installer
ici ou là, mais cela n’a jamais duré plus d’un an. Chaque fois, une raison impérieuse
me ramenait en France, comme si Allah me répétait incessamment : « Cesse de fuir tes
responsabilités, ta place est en France, ton devoir est en France. » Et comme Victor Hugo, j’ai
découvert à l’étranger à quel point j’étais attaché à mon pays. Mais je précise
que je ne considère aucunement de telles expériences et sentiments personnels
comme des arguments universels recevables en
eux-mêmes, et je ne les avance que pour donner plus de poids à mon
argumentation et montrer que contrairement à ce que vous prétendez, ce n’est
certes pas forcément une nécessité d’ordre matériel qui nous maintient en
France mais bien des considérations d’ordre supérieur : c’est ici que nous
devons être, et nous ne pouvons être « chez nous » nulle part
ailleurs.
« Là-bas », serons-nous « chez nous » et
en sécurité ?
Je n’arrive vraiment pas à comprendre comment vous pouvez écraser l’infinité
des cas particuliers et les condenser en une seule et unique
proclamation : « Vous tous, millions d’existences, retournez
chez vous – à savoir, la demeure de vos ancêtres, qui, je le décrète, est votre
demeure. » Que faire de ceux qui n’ont aucun lien avec leur
« demeure » ? Que faire s’il n’y a pas d’endroit spécifique, ou
s’il y en a plusieurs, dans différents pays, comment faire son choix – sans
même parler des Français convertis ? Comment partir, où aller ? Où
habiter ? Et si nous ne pouvions pas trouver de place, si nous ne pouvions
pas nous intégrer, nous adapter à des modes de vie très différents ? Si
nous ne trouvions ni accueil, ni logement, ni travail, ni assistance, ni
bien-être, qu’il soit d’ordre matériel, moral ou spirituel ? Et il est en
effet très vraisemblable que nous n’y puissions pas même nourrir nos familles, car
nous parlons de pays du Tiers Monde où le chômage est considérable, la misère
criante, et les problèmes difficilement surmontables pour les locaux même, qui
sont le mieux armés pour ce faire et qui ont bien du mal à vivre convenablement.
Du reste, ils bénéficient souvent de l’aide que peuvent leur apporter leur
famille outre-Méditerranée – et dont ils seraient privés si nous les
rejoignions. Et ils nous considèreraient certainement, et avec bien plus de
légitimité que ne peuvent le faire les Français d’extrême droite, comme des
envahisseurs étrangers venus manger leur pain qui ne suffisait pas même à les
nourrir.
Que dire en effet du pays même où nous devrions nous rendre selon
vous, de la société que nous trouverons, comme si accueillir comme cela des
millions de personnes ayant une mentalité et des mœurs très différentes pouvait
se faire comme cela, sans heurts, surtout dans nos pays très fragiles qui
seraient justement encore plus déstabilisés par ces raz-de-marée humains ?
Ne voyez-vous pas que cette fantasmagorie chimérique (car Dieu merci, vous préconisez
quelque chose d’absolument insensé et impossible) est une recette infaillible
pour générer le chaos et la destruction, tant au plan individuel, avec les
millions de vies que vous voulez déraciner et briser, qu’aux plans national et
sociétal ? Ce que vous prônez contredit frontalement la morale, la
justice, la raison et la religion. Ordonner ainsi, de manière indiscriminée, à
des millions de personnes d’abandonner leurs vies, leurs foyers, et d’émigrer
vers l’inconnu alors qu’ils pourraient tout simplement rester où ils sont et
continuer à vivre à leur gré et même améliorer leurs conditions de vie et
celles de leurs concitoyens (et je parle bien évidemment de toutes les
conditions d’une vie authentique, du matériel au spirituel), est tout
simplement absurde. D’autant plus que lorsque nous sommes chez nous, il est
plus facile de se défendre face à l’adversité, car nous sommes en terrain
familier : nous connaissons notre société, ses us et coutumes, ses lois, nous
avons des proches, une communauté, etc., tant de repères qui facilitent
grandement l’existence et la lutte. Que dire de tous les problèmes inconnus auxquels
nous devrons inévitablement faire face dans « notre » nouveau pays,
avec tous les handicaps d’un nouveau-venu, seul, inexpérimenté et
impuissant ? N’est-ce pas justement pour cette raison que notre religion
nous enjoint notamment la bonté et la charité envers les voyageurs et les
étrangers, car ils comptent parmi les plus démunis ?
Ce n’est pas un argument recevable que de dire que puisqu’à tel endroit,
on rencontre tel et tel problème, alors il faudrait fuir, émigrer, car les
situations évoluent, de la sécurité à l’insécurité et inversement, de la
tolérance à l’intolérance et inversement (cf. Syrie, Libye, etc.), de l’irréligion
à la foi et inversement (URSS communiste à Russie orthodoxe, Iran du Shah à
République Islamique, etc.). Quelqu’un qui aurait fui l’Algérie en 1990 pour la
Libye ferait aujourd’hui le chemin inverse. Sommes-nous donc supposés, nous
autres musulmans, devenir comme les Bédouins d’antan et vivre en nomades d’une
place à une autre, fuyant les problèmes au fur et à mesure qu’ils apparaissent,
ou vivre isolément comme vous le recommandez, se retirer dans la brousse en
ermites ou en mormons ? Sont-ce là les enseignements de l’Islam ? Fuyez la
compagnie de vos semblables et vivez seuls dans les bois comme des
sauvages ? Ne vivez qu’avec des musulmans, et si vous êtes né au mauvais
endroit (ou si la situation a changé, ce qui ne peut manquer de se produire tôt
ou tard où qu’on aille), faites vos bagages et quittez les lieux ?
Déménagez chaque fois qu’un problème survient, au lieu de l’affronter
courageusement et de le résoudre ? Fuyez le champ de bataille, comme s’il
y avait un seul endroit sur la face de la Terre où les descendants d’Adam ne seront
pas éprouvés dans leur vie et dans leur foi ? Dieu nous a créés justement
pour cela, pour tester notre foi et notre endurance. Et toute la Terre Lui
appartient, et n’a été créée et peuplée que dans ce but. Même en Syrie et en
Irak, où les hommes sont découpés en morceaux par le plus grand
danger qu’ait connu l’Islam à ce jour, à savoir la terreur de l’Etat Islamique, et ont le choix (lorsqu’ils
l’ont) entre se convertir à un rite barbare qui n’a rien à voir avec l’Islam ou
se faire égorger et voir leur femme et leurs enfants captifs, tout ce qu’on
pourrait dire, c’est que l’émigration est autorisée, et certainement pas qu’elle
est obligatoire. Et ceux qui restent pour combattre doivent être encouragés et
loués, même si ceux qui fuient pour leur vie devant un danger réel, concret et
non pas lointain et fantasmé ne doivent pas forcément être condamnés. Quant à
dire que l’analogie n’est pas valable car l’Irak, contrairement à la France,
est une Terre d’Islam (à considérer qu’une Terre d’Islam est une Terre habitée
par des Musulmans, ce qui n’est pas une condition suffisante selon moi), je
vous réponds que toute la Terre est à Allah, et qu’Il l’a promise tout entière
en héritage aux justes et aux pieux d’entre Ses serviteurs avant la Fin des
Temps. Et certes pas à coup d’invasions et de conquêtes comme Bush
prétendait « propager » la démocratie, mais avec la venue du Mahdi et du Messie (as) qui unifieront les
rangs de toutes les bonnes volontés, qui commencent déjà à s’allier et à se réunir aux échelles locales, nationales et
internationales.
Quels pays sont vraiment « musulmans » ?
Et quant au sujet de la foi elle-même, est-ce que tous les pays
majoritairement musulmans sont vraiment musulmans ? Est-ce que l’Islam,
dans son authenticité, y occupe une place importante, du politique au social ?
N’y a-t-il pas de voies de perdition là-bas, aussi dangereuses qu’ici (voire
plus, car nous n’y sommes nullement préparés) ? Et des voies de salvation
tout aussi sûres en France, voire plus sûres encore, car j’ai vu bien des
« Occidentaux » plus pieux et plus savants en Islam que bien des gens
parmi leurs frères « orientaux », qui sont bien plus exposés à l’ignorance,
à l’obscurantisme et à l’aveuglement – Dieu merci, les musulmans de l’Etat
Islamique ne sont que très marginalement occidentaux ? Dans certains pays
« musulmans », il est dangereux d’appartenir à certaines écoles de l’Islam
et même de prononcer toute parole de vérité. En Arabie Saoudite par exemple, où
on peut facilement être arrêté, emprisonné, torturé et mutilé pour peu de chose,
ou dans des lieux où les idéologies salafiste et wahhabite sont très présentes
comme l’Algérie, on peut être exposé à du rigorisme et même à du fanatisme, qui
sont tout à fait étrangers à l’Islam. Sans parler de la Libye, de la Syrie ou
de l’Irak, ou on risque tout simplement de se faire couper la gorge, ou encore
de ce qui se passe au Bahreïn. Notre religion, ce me semble, n’est certainement pas le simple
formalisme et l’ensemble de rituels extérieurs prôné par les « salafistes »
et autres rigoristes littéralistes qui se limitent à l’écorce et nient la sève,
mais avant tout un système de valeurs qui doit s’incarner dans la vie
quotidienne, et qui accorde une place fondamentale à la justice, au droit, à la
tolérance, au savoir et à la résistance à l’oppression. Avez-vous oublié la
fameuse parole de Muhammad Abduh (« Je me suis rendu en Occident, et j’ai vu l’Islam sans les
musulmans ; je me suis rendu en Orient, et j’ai vu les musulmans sans l’Islam »)
et ses enseignements ? En ce sens, le moins qu’on puisse dire est que
désigner les régimes politiques et les sociétés les plus proches de l’Islam
authentique ne va pas de soi, et sur bien des points qui vont du politique au
social, j’estime que la France l’emporterait non seulement sur l’Arabie
Saoudite et les monarchies du Golfe, mais même sur des pays comme l’Egypte.
Notre foyer est ici, nos moyens de subsistance sont ici, nos droits
et nos devoirs sont ici, c’est ici qu’est notre place et que nous pouvons avoir
un rôle à jouer, un message à transmettre. Dieu nous a fait grandir ici et nous
a donné les outils nécessaires afin d’agir dans ce contexte, dans cette
société, nos connaissances et capacités ont été développées dans ce cadre précis.
Si nous partons, tout cela perdra l’essentiel de sa valeur, et pourra même être
un handicap dans le nouveau contexte où nous nous retrouverions. Alors que nous
avons la possibilité de faire beaucoup de choses ici, si nous partons, nous
deviendrons incapables de faire grand-chose, que ce soit pour nous-mêmes et
pour notre communauté restreinte ou élargie, pour la France ou pour le pays de
destination.
L’émigration du temps du Prophète (saas)
Vous nous exhortez à émigrer en nous présentant cela comme une sunna
obligatoire du Prophète (saas), et en nous rappelant que même en vivant en
Occident, nous sommes tenus de la suivre, impliquant clairement que ne pas le
faire serait une désobéissance de notre part, un reniement des préceptes de
notre Prophète (saas). Mais encore une fois, j’estime que cette alternative que
vous nous présentez de manière catégorique est fausse et abusive, tant du point
de vue des faits que du point de vue des pratiques, enseignements et
injonctions du Prophète (saas) telles qu’elles sont reconnues par l’ensemble
des musulmans.
Il est vrai que le Prophète Muhammad (saas) a dans un premier temps
suggéré (et certainement pas ordonné) à un petit groupe de fidèles
persécutés d’effectuer la hijra en Abyssinie, afin de préserver leur foi
et même leur vie, qui était directement menacée par les Quraysh de La Mecque
face auxquels ils n’avaient pas les moyens de se défendre. Ils faisaient en
effet partie des catégories sociales les plus vulnérables, et subissaient non
pas seulement des brimades et injures, mais des tortures qui pouvaient aller
jusqu’à la mort, comme l’exemple fameux de ‘Ammar
b. Yasir et de ses parents.
Mais le Prophète (saas) n’a émis cette suggestion que cinq années après la proclamation
de l’Islam, et donc après cinq années de persécutions terribles incomparables
avec ce qu’on peut voir ou même imaginer en France (dans un futur proche ou
lointain), et seulement pour un groupe très restreint (moins de 20 personnes,
qui furent suivies l’année suivante par 80 environ, soit une centaine au total),
la majorité des musulmans étant restée à La Mecque avec le Prophète (saas). De
plus, il ne les a pas envoyés à l’aventure, vers l’inconnu, mais auprès du
Négus d’Ethiopie, un chrétien généreux et juste en qui il avait pleine
confiance et dont il savait qu’il accueillerait bien ces émigrés – et qui
deviendra un précieux allié des musulmans. Il n’y a donc pas la moindre
analogie possible entre les émigrations en Abyssinie et ce à quoi vous nous
invitez.
De même pour la principale émigration vers Médine qui marque le
début du calendrier islamique, et qui eut lieu 13 années après le début de la
proclamation de l’Islam, soit 13 années de souffrances indicibles pour les
musulmans – ostracisme, blocus économique menant à la famine, tortures,
meurtres, etc. Et pourtant jamais l’ordre de « fuir » n’a été donné,
ni même recommandé. Tout au plus était-il permis, voire suggéré à certaines
catégories particulièrement vulnérables et minoritaires. Ce n’est que lorsqu’une
délégation de Médine a prêté allégeance au Prophète (saas) et que l’Islam s’y
est implanté, après le second serment d’allégeance à Aqaba, qu’il a commencé à
suggérer aux musulmans de s’y rendre par petits groupes, non pas tant pour leur
propre protection que pour l’édification de la première société musulmane qui
était bien évidemment une nécessité absolue en ces temps où l’Islam était
extrêmement fragile. Et ce n’est que lorsque les Quraysh se sont décidés à
attenter collectivement à la vie du Prophète (saas) qu’il a lui-même fait l’émigration,
et que la plupart des musulmans se sont retrouvés à Médine avec lui.
Le Prophète (saas) avait une Révélation directe de Dieu, et donc
parlait et recommandait avec certitude et non pas sur la base de simples
prédictions dues à des analyses qui pourraient très bien ne pas avoir l’autorité
et la solidité nécessaires, et pourraient tout à fait être réfutées et
contredites – pour ne pas dire qu’elles sont complètement extravagantes. D’autre
part et surtout, il avait la responsabilité de sauvegarder l’Islam, qui était
alors menacé d’extinction, en fondant un foyer sûr où l’Islam et les musulmans
pourraient vivre en paix, en sécurité, et se constituer en une véritable
communauté – ce qu’ils ne pouvaient alors faire nulle part sur la face de la
Terre.
Ainsi, que ce soit pour l’Abyssinie ou pour Médine, ce n’était que
pour une durée limitée, c’était à la suggestion de l’Envoyé de Dieu (saas) qui
recevait la Révélation divine, et surtout, ce n’était jamais une obligation,
même si dans ces conditions, il était normal que la place des nouveaux
convertis à l’Islam soit aux côtés de leur Prophète (saas) dans une Terre d’Islam
authentique qu’il fallait bâtir dès les fondements. Le Prophète (saas) était infailliblement
informé par Dieu de ce qui allait advenir et avait donc toute autorité pour
ordonner, mais malgré cela, il n’a fait que suggérer et inviter et certainement
pas ordonner, et il n’a jamais prononcé le moindre mot de mépris ou de condamnation
au sujet des musulmans qui, pour diverses raisons, sont restés à La Mecque (et
qui ont également contribué, à leur niveau, à l’avènement de l’Islam). Et il n’a
pas invité les musulmans à quitter la sécurité pour le danger et l’inconnu
(voire le dénuement et/ou la mort assurés) comme vous le faites avec les
musulmans de France, mais à fuir un danger pour une plus grande sécurité – si,
effectivement, ils s’estimaient en danger – et à le rejoindre avec une solide
garantie de sécurité et de prospérité, celle de Dieu et de son Prophète (saas),
en vue d’œuvrer à l’édification de la première société musulmane de l’histoire.
Le Prophète (saas) avait la garantie d’un refuge sûr à Médine, et il avait pris
toutes les dispositions, sur plus d’une année, pour s’assurer que les musulmans
seraient bien accueillis, qu’ils seraient installés dignement et seraient
pourvus de moyens de subsistance, et malgré cela Dieu n’a rendu obligatoire l’émigration
que pour lui car la diffusion du message de l’Islam était sa responsabilité. Le
Prophète (saas) était extrêmement soucieux du bien-être matériel et
psychologique des gens, et jamais il ne se serait permis de lancer un tel appel
désordonné au « sauve qui peut » qui n’aurait pu que déstabiliser et
effrayer les musulmans, qui étaient en nombre limité, alors que dire aujourd’hui
de cet appel lancé à des millions de personnes, et qui veut avoir le
retentissement de la Trompette du Jugement Dernier ? Où pourraient-ils
trouver un tel refuge ? Dans quel but, quelle serait leur mission aujourd’hui ?
Quel que soit l’angle selon lequel on considère les choses, votre appel me
parait insensé.
L’émigration n’est pas un départ impromptu et inconsidéré vers l’aventure
et le danger. Bien au contraire, c’est un projet mûrement mûri et préparé par
chaque individu, dans des conditions qui ne sont pas les nôtres, du moins pas de
la manière globale que vous préconisez, et qui nécessiterait une situation dans
lesquelles un danger direct et concret pèserait sur notre vie et sur notre foi
– voire même sur la pérennité de la foi musulmane elle-même – et l’existence d’un
endroit sûr où se réfugier. Vous laissez entendre que nous aurions le devoir de
partir sous peine de contrevenir aux injonctions de notre religion, alors qu’au
contraire, c’est bien plutôt l’émigration que vous prescrivez qui constituerait
la véritable désobéissance. Sans parler du fait qu’un innocent ne fuit pas, car
il est dans son droit, et qu’il ne veut pas donner prise à ses ennemis ni leur
céder sans résistance ce qu’ils convoitent illégitimement. Seuls les coupables
et les lâches fuient le danger – et seuls les insensés fuient sans raison.
Une « retraite stratégique » ?
Vous dites très justement que l’émigration de Muhammad (saas) n’était
nullement un acte de lâcheté, et vous rappelez que nous, les partisans de
Muhammad (saas), ne nous soumettons pas à l’oppression, que nous ne sommes pas
des lâches et que nous ne fuyons ni les adversités ni les champs de bataille,
quels qu’ils soient. Et c’est pourquoi vous vous efforcez de présenter cette
émigration massive et soudaine non pas comme un nouvel exode (cette fois pour
les fils d’Ismaël), mais comme une mesure nécessaire face à un ennemi extrêmement
puissant et décidé à nous éradiquer. Vous prétendez que si, Dieu nous en
préserve, nous vous écoutions et émigrions, ce ne serait pas une fuite lâche et
déshonorante du champ de bataille, une abdication face à l’adversité, ce que
nos principes ne nous permettent pas, mais simplement une sorte de
« retraite stratégique » avant de pouvoir revenir plus forts et de
remporter la victoire. Avec tout le respect que je vous dois, cette analyse me
paraît absurde et choquante.
Ainsi, le fait d’émigrer, d’abandonner notre maison, notre travail,
nos amis, toute notre vie, de fuir les lieux non pas face à un danger connu et
présent, comme l’Etat Islamique en Syrie ou en Irak, mais face à un danger
confus et distant, ne serait pas une fuite stupide et ignominieuse mais un acte
sensé et courageux ? Car quel que soit le danger, qui est sans aucun doute
réel, mais infiniment moins grand et moins imminent que ce que vous affirmez,
pourquoi ne pas l’attendre ? Pourquoi ne pas rester ici et essayer de le
prévenir, puis de l’affronter s’il doit absolument se présenter ? Pourquoi
ne pas même envisager de lutter, de résister, de combattre ? Sommes-nous
des brebis, ou des veaux ? Non, nous ne sommes pas des lâches ni des
insensés, et quels que soient les dangers qui se présentent, nous ferons face
et nous nous défendrons de toutes nos forces. Nos parents et grands-parents ont
quitté leur pays pour venir ici et s’y installer, ils ont durement gagné leur
vie et enduré bien des difficultés afin de nous offrir une situation honorable,
ils ont œuvré à la reconstruction de la France et bâti nos maisons, et nous
devrions abandonner tout cela, rendre tous leurs efforts vains, fuir au loin et
tout recommencer à zéro simplement à cause de l’indistinct et lointain
grondement du tonnerre ? Nous devrions nous précipiter vers l’inconnu où
tant de difficultés nous attendent, prévisibles et celées, face auxquelles nous
serions complètement démunis ? Alors que quoi qu’il puisse arriver en
France, nous connaissons très bien le terrain pour y être né, y avoir vécu et contribuer
à le façonner, si bien qu’il sera bien plus facile de résister ici et de
préserver nos principes et notre dignité, et ce quel que soit le danger ? N’est-ce
pas une oppression, et même une absurdité que de nous imposer cette fuite ?
Et Dieu sait que nous ne sommes ni faibles, ni seuls, ni démunis, et que la
coexistence est loin d’être impossible comme vous le suggérez. Non seulement nous
sommes forts, mais nous serons aux côtés des centaines de milliers de Français
non-musulmans qui sont attachés au droit, n’ont pas de préjugés, et comprennent
la logique pernicieuse du choc des civilisations qu’on essaye d’imposer en France
pour la détourner des véritables questions (d’ordre politique, économique et
social), et à laquelle celle-ci a tout à perdre.
Et du reste, que ferons-nous concrètement, en Algérie ou ailleurs,
durant toutes ces années ? Car il est question de revenir plus forts, mais
comment ? Comment se préparer adéquatement à « combattre l’oppresseur » ?
Quand et comment devrons-nous revenir ? Combien de temps notre exil
va-t-il durer ? La rédemption sera-t-elle pour nous, pour nos enfants,
leurs arrière-petits-enfants ? Que faire ? Il est vraiment
inacceptable d’être si allusif pour des questions si capitales, qui devraient, à
vous écouter, bouleverser des vies entières. Est-ce que vous suggérez que nous
rentrions, par exemple, en Algérie pour une dizaine d’années, pour y suivre
quelque formation adéquate et nous entraîner pendant quelques années, afin de
pouvoir revenir et « envahir » la France et soumettre l’oppresseur d’antan ?
Est-ce réaliste, raisonnable, ou n’est-ce pas plutôt qu’une absurde
fantasmagorie ? Et pourquoi cette présentation militaire de la situation,
comme s’il y avait une guerre ouverte entre l’Islam et la France, et que notre
rôle était de refaire les croisades ? Notre religion, bien avant le grand Robespierre, a formellement interdit toute guerre d’agression ou de conquête
(« Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les hommes peuplant la Terre
auraient, sans exception, embrassé Sa foi. Est-ce donc à toi de contraindre les
hommes à devenir croyants ? » – Coran, X, 99 ; « Nulle
contrainte en religion » – Coran, II, 252), et aucun exemple de guerre
offensive ne peut être trouvé dans la sunna du Prophète (saas). Si nous avions
été soumis aux tortures, meurtres, blocus, expropriations dont les musulmans de
La Mecque ont souffert, il pourrait être légitime de reprendre notre dû par la
force, mais si nous partons de nous-mêmes, quel sera notre grief ? Quelle
sera notre justification ? Notre religion nous interdit à la fois d’être
oppresseurs et d’être opprimés, mais vous avez manifestement décidé que nous
allions en transgresser tous les interdits.
Quiconque part et abandonne volontairement sa situation, ses droits
et ses biens sans qu’un danger redoutable, réel et présent l’y ait contraint n’aura
aucune légitimité à les réclamer, ni dans ce monde, ni dans l’autre. Si nous quittons
la France pour nous installer ailleurs, que ce soit pour quelques années ou
pour plusieurs décennies, la France ne sera plus notre pays, et nos revendications
ne seront plus légitimes, car ce qui est bien plus facilement envisageable dans
un futur pas trop lointain, c’est un durcissement des règles concernant la
nationalité : remise en cause du droit du sol, de la transmission
automatique de la nationalité aux enfants, nécessaire présence en France x
mois chaque année, etc. En vous écoutant, nous nous mettrions alors dans la
même situation que les Palestiniens qui ont abandonné leurs maisons en 1948,
fuyant la guerre pour un temps très court, pensaient-ils, mais qui ne sont
jamais revenus et ont été dépossédés de tout, se retrouvant, jusqu’à ce jour,
réfugiés aux quatre coins du monde. Voulez-vous que nous devenions les
apatrides de demain ? De nouveaux Juifs errants ? Par notre propre
faute, sans y avoir été soumis par la force et sans avoir fait mine de résister,
alors que les troupes des Pharaons d’aujourd’hui ne sont ni à nos trousses, ni
même constituées – du moins à l’échelle nationale ? C’est vraiment
insensé.
L’Islam et le choc des civilisations
Il me semble irresponsable, surtout dans un tel contexte, de donner
du crédit à la théorie du « choc des civilisations » prônée et façonnée
de toutes pièces par les impérialistes américains, les sionistes et les
racistes et extrémistes de tous bords. Vous apportez une caution
« islamique » à ces discours haineux et incendiaires, récusés par
notre religion, selon lesquels la coexistence entre musulmans et non-musulmans,
entre français « de branche » et français « de souche » ne
serait pas possible. Maintenant, grâce à vous, ces racistes peuvent invoquer la
caution d’une « autorité musulmane » qui appelle très précisément à
ce qu’ils appellent, à savoir la « remigration », impliquant la
déchéance de nationalité et la déportation, volontaire ou forcée. Ils affirment
haut et fort que l’Islam n’a pas sa place en France, et que les musulmans ne
peuvent pas cohabiter en paix avec le reste des Français. Et vous joignez votre
voix à la leur, alors que notre religion ne prône pas la ségrégation et l’antagonisme
mais la paix, la coexistence, l’harmonie, la compréhension et la tolérance, et,
bien sûr, la dignité et l’auto-défense – car comme Malcolm X, nous ne tendons
pas l’autre joue et sommes à même de nous défendre par tous les moyens nécessaires.
Je suis au regret de vous le dire, mais vous êtes, que vous vous en rendiez
compte ou non, la recrue rêvée pour les identitaires islamophobes, anti-arabes
et anti-immigration, et ils vous louent à longueur de journée sur les forums de
discussion. Vous êtes une bénédiction pour eux, et vous tombez à pic, leur
permettant d’être encore plus audacieux dans leurs attaques contre l’Islam et
les musulmans et leur rejet d’une France multiethnique et multiculturelle.
Une guerre est déclarée non pas contre l’Islam en tant que tel,
mais, de manière générale, contre toutes les croyances, traditions, valeurs et
libertés authentiques, contre tout ce qui peut amener les individus, communautés
et nations à être forts et éveillés, à s’unir et à secouer le joug de toute oppression.
L’Islam barbare et obscurantiste d’Arabie Saoudite n’est pas un ennemi de l’Occident,
au contraire, il est son principal allié, car il n’enseigne que l’ignorance et
la soumission. Les musulmans n’ont pas à craindre en tant qu’ils sont musulmans,
mais seulement à hauteur de leur degré d’éveil, de résistance et d’activisme,
comme tout autre citoyen, même si aujourd’hui, l’Islam est effectivement
présenté comme une cible de choix à cause de ses valeurs et de sa capacité de
cohésion. Cette offensive a lieu actuellement à l’échelle mondiale, et la
France pourrait bien devenir une ligne de front dans cette guerre politique,
idéologique et culturelle – et parfois militaire. Et de même que les Etats-Unis
et Israël en sont le fer de lance international, de même que des torchons comme
Charlie Hebdo en étaient de diligents soldats, et de même que la hyène
Marine Le Pen et son parti portent haut l’étendard de cette cause, vos propos
sont maintenant utilisés comme une caution dans cette offensive, d’où, je le
regrette, cette longue lettre de protestation. Vous apportez la voix d’un
« savant musulman » dans cette arène du « choc des
civilisations », en reprenant ce que disent nos ennemis, à savoir que la
coexistence entre musulmans et non-musulmans en France est impossible.
Ne sommes-nous pas, devant Dieu comme devant les hommes, responsables
non seulement de nos intentions, mais également de notre démarche, de la
manière dont nous transmettons notre message, de notre rigueur, de notre
humilité, et des conséquences prévisibles de nos paroles et de nos
actions ? Ne devrions-nous pas faire attention à ne pas donner prise à nos
ennemis, à ne pas leur permettre d’utiliser à leur avantage nos déclarations et
actions, et de faire attention à ne pas égarer les gens dont les vies entières pourraient
être brisées si elles essayaient d’appliquer ces exhortations inconsidérées à l’émigration ?
Il me semble que vous êtes insouciant, voire ignorant face à ces réalités.
La
Russie face à l’Empire
Vous
n’apportez pas le moindre élément de preuve pour appuyer vos prédictions invraisemblables,
sinon sous la forme d’un paralogisme, à savoir la référence à l’impérialisme
américain et à la Russie qui se dresse face à son hégémonie. Quand bien même cette
analyse géopolitique serait pertinente – et j’y
souscris du reste dans une grande partie
– cela n’aurait aucune incidence sur la validité de votre message principal au
sujet de la situation des musulmans en France et de vos exhortations à l’émigration.
Si vous poussez les gens au suicide en arguant du fait que le soleil se
lève à l’Est, le fait que cette dernière proposition soit incontestablement
vraie n’accorde aucun poids à la conclusion que vous en tirez, qui n’a
absolument rien à voir avec le constat de départ.
L’Empire
américain est effectivement déterminé à imposer son hégémonie partout dans le
monde, et à écraser toute résistance, surtout celle de la Russie et de la
Chine, qui sont ses principaux adversaires (mais on pourrait encore citer l’ensemble
des BRICS, l’Iran, la Syrie, certains pays d’Amérique latine, etc.). Certes, l’Empire
américain est criminel et vise à une domination sur toute la planète, et il est
prêt à écraser quiconque se dresse sur son passage, sans la moindre
considération d’ordre moral ou humanitaire. Mais en quoi cet Empire est-il plus
impitoyable que ceux qui l’ont précédé, ou que ceux qui vont probablement le
suivre ? Tout tyran, tout Empire, depuis Adam (as), n’a reculé devant aucun
massacre, aucune atrocité pour assouvir ses désirs hégémoniques. Le fait que
les impérialistes sont des barbares est un truisme (Che Guevara le dénonçait
déjà en des termes éloquents), et présenter le
degré de cruauté de cet Empire comme sans précédent est infondé, car il en a
toujours été ainsi (Romains, Croisés, Mongols…). Prétendre que nous sommes au
pire endroit au pire moment pour nous pousser à fuir comme des rats – et
veuillez m’excuser, mais je ne vois pas comment je pourrais le formuler
autrement – n’est qu’une extrapolation gratuite, un effet dramatique dénué de
toute réalité. Peut-être vaudrait-il mieux que nous soyons à Tripoli ou à
Benghazi ? A Bagdad, à Mosul, à Kobane ? A Raqqa, à Deir-al-Zurr, à
Homs ? Dans le Donbass, à Slaviansk, à Marioupol ? Je dirais même que
ce qu’ont souffert les musulmans des premiers temps de l’Islam entre les mains
des Quraysh est bien pire que tout ce que peuvent et pourront jamais nous faire subir
les Etats Français et Occidentaux (bien évidemment, je parle du traitement qui
peut être réservé au sein d’un pays, à des concitoyens, du simple fait de leur
foi, et non pas des guerres meurtrières qu’ils peuvent mener à l’extérieur pour
bien d’autres raisons). Ce qui est effectivement différent aujourd’hui est l’ampleur
de la confrontation (politique, médiatique, culturelle et militaire), la
puissance de destruction et le risque de guerre nucléaire, mais il serait
grotesque de croire qu’on pourrait fuir un tel Armageddon. Au contraire, on a
bien vu en Irak, en Libye et en Syrie que c’est justement dans « nos »
pays qu’il y a un grand risque de mort et de destruction à une échelle massive,
que ce soit par des armes et armées conventionnelles ou non conventionnelles.
Par conséquent, même dans le cadre hautement improbable d’une guerre ouverte
contre l’Islam et les musulmans, nous serions bien plus en sécurité en France
que dans « notre » pays d’origine où nous nous constituerions en
cible de choix face à
des criminels de guerre génocidaires dont les principes n’ont guère évolué
depuis Dresde,
Hiroshima et Nagasaki.
Du
reste, le fait même que la Russie ait justement la volonté et la capacité de
tenir tête à l’impérialisme américain entraine d’après moi des conclusions
exactement opposées à celles que vous tirez, ce qui pourrait expliquer
pourquoi vous n’avez pas établi de lien entre les deux parties de votre
intervention. Le fait que la Russie puisse résister victorieusement à l’Empire,
cette Russie qui défend le droit international
et la
diversité du monde, cette Russie qui est
venue en aide à la Syrie (et a peut-être ainsi empêché une guerre mondiale)
comme aux innocents du Donbass, et qui considère très certainement l’Islam et
les musulmans comme
des alliés, constitue un facteur qui, au
contraire, doit nous pousser à rester en France et à y être de plus en plus
visibles, actifs et revendicatifs. Car de même que les musulmans ont pu
authentiquement s’intégrer à la Russie malgré les tempêtes suscitées par l’Occident
en Tchétchénie, comme l’a montré l’exemple
des Kadyrov, nous pourrons nous « intégrer »
authentiquement (et non pas nous « désintégrer » à la française) partout
dans le monde multipolaire et multiculturel de demain, où que nous soyons.
« L’Empire du mal » – qui a créé le choc des civilisations de toutes
pièces – est en train de s’effondrer, ses vassaux (dont la France) suivront
irrémédiablement, et les forces émergentes sont attachées aux valeurs
traditionnelles défendues par Vladimir Poutine,
tout comme les musulmans : nous serons donc triomphants où que nous soyons
si, comme vous le dites (et comme je le crois et le souhaite), l’Empire
Chrétien d’Orient devait être proclamé victorieux de la guerre que l’Occident
lui impose.
Ainsi,
étant donné l’état des forces en présence, que ce soit à l’échelle nationale ou
internationale, il est pour ainsi dire impossible qu’un projet tel que celui que
vous envisagez en France puisse réussir. Si on devait effectivement rejouer les
années trente avec les musulmans dans le rôle des boucs émissaires, et une
conflagration générale entre l’Occident et l’Orient, je soutiens, avec
certitude et tout comme vous, que l’Occident ne peut pas l’emporter, ni à
l’intérieur, ni à l’extérieur. Aucune des mesures concentrationnaires ou
génocidaires impensables contre lesquelles vous nous avertissez ne pourraient
être couronnées de succès face à des millions de citoyens qui ne sont nullement
disposés à se laisser faire, ni même toutes les autres catégories de populations qui s’élèveront
contre ce projet. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, les conditions
actuelles sont bien différentes que celles des années 1930, dans lesquelles le
fascisme avait le vent en poupe et était victorieux partout. Aujourd’hui, l’impérialisme
et son avatar qu’est l’extrémisme, politique ou religieux, dont les néo-nazis
en Ukraine ou l’Etat Islamique au Moyen-Orient sont des expansions, sont en
déclin.
En
aucun cas ce ne sera la lutte des musulmans contre les non-musulmans, mais la
lutte de ceux qui sont attachés à leur identité
et à leur dignité, à leur patrie, à leur
souveraineté et aux valeurs traditionnelles, à une société multiethnique et à
un monde multipolaire régi par le droit international d’un côté, contre les vassaux
de l’Empire de l’autre. Comme toutes les guerres qui ont précédé, ce ne sera
pas une lutte avec des lignes de démarcation ethniques ou religieuses, mais
politiques, économiques et sociales. Les gens peuvent à la rigueur fuir lorsqu’ils
sont sur le point d’être vaincus et annihilés, mais certainement pas lorsqu’ils
ont le vent en poupe et que leurs ennemis sont en phase de déclin. Personne n’a
le couteau sur la gorge, et même là où c’est le cas comme en Syrie ou en Irak,
ce qui ne peut pas arriver ici, ceux qui restent pour lutter tomberont en
patriotes et en martyrs, ou seront victorieux, car la victoire finale est
certaine.
Qu’est-ce
que l’eschatologie islamique ?
Il
est regrettable que vous ne preniez pas même la peine de préciser la nature de
la menace qui pèserait sur nous – ce qui nous attend selon vous, comment, quand
et pourquoi cela va advenir – ou d’en apporter des éléments de preuves
recevables. Nous n’avons aucune description de vos présages oraculaires qui ne
sont ni étayés, ni justifiés, laissant simplement planer une atmosphère d’Apocalypse
visant à inspirer la peur et même la terreur, car seul l’Armageddon pourrait
justifier un tel appel au « sauve qui peut ». Mais Dieu merci, nous
sommes des personnes raisonnables, et nous ne croyons personne sur parole,
surtout lorsqu’il s’agit d’exhortations sinon fanatiques, du moins radicales.
Bien plutôt, nous suivrons l’injonction coranique : « Dis :
Produisez donc vos preuves, si vous êtes véridiques. » (Coran, XXVII,
64).
Vous
rendez la hijra obligatoire sans l’autorité nécessaire, sans que les
conditions soient réunies – que ce soit au lieu de départ ou aux lieux de
destination. Cela me semble absolument scandaleux, et j’aimerais vous demander,
puisque vous ne l’avez pas fait, de bien vouloir nous indiquer vos sources. Car
vous vous exprimez comme si vous teniez vos informations d’une science exacte,
ou d’une autorité infaillible, divine – et encore, les Prophètes mêmes ne se
comportaient certainement pas comme vous –, alors qu’il ne s’agit que d’analyses
et d’interprétations de votre part qui sont hautement contestables, même s’il
vous arrive d’avancer des traditions prophétiques et des versets coraniques que
vous interprétez à votre guise, votre opinion étant pour ainsi dire unique au
sein de la communauté musulmane. Ce que vous présentez comme la lutte ultime
entre Gog et Magog n’est qu’une interprétation qui vous est propre et qui n’est
guère répandue dans la communauté des savants de l’Islam, dont la plupart
considèrent que Gog et Magog sont les Mongols, qui ont dévasté Bagdad en 1258 (un
événement bien plus assimilable à l’Armageddon que ce que nous pouvons actuellement
voir et prévoir), et la fin du monde pourrait tout aussi bien être dans 50, 500
ou 5000 ans, ou bien plus encore. Quelle autorité reconnue de l’Islam partage
vos vues et accepte vos verdicts ? L’ONU ?
D’où tenez-vous donc vos informations concernant la fin des temps
prochaine, ou la politique concentrationnaire qui doit être mise en œuvre en
France de manière imminente contre nous ? Les avez-vous lues dans quelque
arcane, tel
un haruspice, ou dans les étoiles ? Ce n’est
pas même une exagération de ma part, car vous avez révélé, dans une conférence
récente ou
vous prédisiez une guerre nucléaire imminente,
dans moins de 5 ans, que vous l’aviez vue dans vos rêves – et vous présentiez
cela comme une révélation divine à transmettre à l’humanité, et comme un fait
absolument indiscutable, ce qui prêterait à rire : le pseudonyme de l’un de vos
principaux traducteurs français, Jean
Rigolencore, suggère explicitement qu’il ne s’agit que d’une plaisanterie,
d’une vaste supercherie. Pouvoir faire de telles prédictions supposerait que
vous ayez : 1/ la faculté d’avoir des rêves prémonitoires (ce qui n’est
pas en soi absolument impossible) ; 2/ la faculté de les interpréter avec
justesse, ce qui, selon les enseignements de l’Islam, est une faculté réservée à
certains Messagers divins, comme le montre l’exemple du Prophète Yusuf (as)
interprétant le fameux rêve de Pharaon, dont tout le monde savait qu’il était
prémonitoire, mais que personne d’autre que lui n’avait su interpréter
justement. N’est-ce pas faire preuve de légèreté et d’aveuglement, sinon d’une arrogance insensée que de se
parer ainsi des prérogatives des plus éminents des Prophètes (saas) ? Je
vous répondrais par ces versets de la sourate 53, justement intitulée L’Etoile :
« Mais ils n’en ont aucun savoir réel. Ils ne suivent que leurs
conjectures, alors que la conjecture n’a aucune emprise sur la vérité »
(Coran, LIII, 28).
Ces
questions de divination de l’avenir et de la fin des temps sont des choses qui
font partie de l’invisible (al ghayb), qui ne sont connues que d’Allah,
et qu’Il ne révèle que partiellement à certains de ses Prophètes
(as) : « [C’est Lui] qui connaît l’invisible. Il ne le dévoile
à personne, sauf à celui qu’Il agrée comme Messager » (Coran,
LXXII, 26-27). Le Prophète Muhammad (saas) lui-même disait que le savoir de ce
qui adviendrait dans le futur était une
des clefs de l’invisible connue de Dieu seul,
qu’il s’agisse des événements de demain ou de la fin des temps, dont il
ignorait le détail lui-même. « Dis : ‘Je ne vous dis pas que je
détiens les trésors d’Allah, ni que je connais l’Invisible, et je ne vous
dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’est révélé.’ »
(Coran, VI, 50). Comment pouvez-vous ignorer de manière si flagrante ces versets coraniques et ces
traditions authentiques et être si catégorique dans vos prédictions ? Si
vous maîtrisez suffisamment la langue arabe, je vous invite instamment à écouter cette conférence de
Sayed Hassan Nasrallah (première
et deuxième
parties), où il parle très précisément des moyens et des limites de ce que nous
pouvons, en tant que musulmans, connaître de l’avenir, notamment au sujet de la
fin des temps, en référence aux diverses interprétations qui surgissent quant
aux événements actuels. Sayed Hassan Nasrallah y évoque la responsabilité des
savants et leur devoir de prudence et d’humilité afin de ne pas égarer les gens
ou de s’égarer eux-mêmes.
L’Empire
américain est en déclin et finira par s’effondrer (que Dieu fasse advenir cela
de notre vivant !), emportant avec lui ses « valeurs » (qui sont
toutes cotées en bourse), ses satellites et ses vassaux. Il ne dirigera plus le
monde, ni de Washington, ni de Paris, ni même de Jérusalem, contrairement
à ce que vous présentez comme une vérité acquise qui ne saurait convaincre
que les ignorants, Israël étant voué à disparaître exactement comme l’Algérie
française. Leur emprise est en train de s’affaiblir et non pas de se renforcer,
et leur âge d’or est bel et bien révolu. En 1995, les Etats-Unis pouvaient
dévaster l’Europe de l’Est via l’OTAN, mais en 2013, ils durent ployer
piteusement face à la Russie sur la question syrienne et sont actuellement vaincus
en Ukraine. En 1967, Israël pouvait écraser cinq pays arabes en six jours, mais
en 2000 et en 2006, ils connurent une
déroute contre la résistance islamique libanaise, et dernièrement, ils
ont été vaincus à Gaza même. Les acteurs de
ces victoires face à Israël, qui combattent sur le terrain depuis des décennies (Hezbollah, Iran,
Syrie, Gaza), sont des gens raisonnables et lucides, ils ont une expérience que
vous n’avez pas, et sont donc bien plus qualifiés que vous pour parler de la
situation, qu’ils ne décrivent pas en d’autres termes, à savoir qu’Israël est
dans sa phase de déclin et voué à disparaître prochainement, et certainement pas à dominer le monde. Même des intellectuels
occidentaux de renom parlent de la « destruction
finale » d’Israël comme d’un fait
probablement inévitable. Des autorités religieuses comme Sayed Ali Khamenei, Ayatollah,
ou même Sayed Hassan Nasrallah, Hojatolislam, sont en outre des savants
de l’Islam de tout premier plan. Pourtant, lorsqu’ils parlent de développements
géopolitiques futurs et d’eschatologie, ils le font avec beaucoup plus d’humilité
que vous, rappelant les précautions élémentaires à prendre lorsqu’on propose
des analyses politiques ou qu’on interprète les traditions prophétiques et
versets coraniques consacrés à la fin des temps. Mais malgré leur autorité, ils
ne se sont jamais exprimés avec suffisance, et ils n’ont jamais exprimé de
mépris à l’égard de vos semblables. Je vous prie donc de ne pas parler avec
condescendance de personnes qui sont certainement bien plus savantes et bien
plus légitimes que vous.
La
France devient-elle totalitaire ?
Nous
ne sommes pas aveugles, et mesurons parfaitement la gravité de la situation
actuelle, tout comme nous sommes conscients du fait que les choses vont très
certainement aller en empirant, à l’instar de la crise économique et du déclin
programmé de l’Europe, qui seront propices à bien des excès inconcevables
auparavant. Nous voyons déjà cela avec des procédures judiciaires dictatoriales
contre la liberté d’expression, et même parfois orwelliennes, les
enfants de 8 ans n’étant pas épargnés par
le risque d’une accusation d’apologie du terrorisme. Quiconque peut être
arbitrairement soumis à une procédure abusive, et même à des peines d’emprisonnement,
comme pour cette
caricature qui a valu une inculpation à un lycéen de 16 ans. Et nous sommes
nombreux à nous être exprimés publiquement sur cette affaire et à
avoir relayé des opinions discordantes vis-à-vis
des hurlements & bêlements politico-médiatiques, sans céder à cette
campagne d’intimidation, et donc à être passibles de poursuites. Mais est-ce
une raison pour fuir ? De telles atteintes au droit ne se retrouvent-elles
pas dans la majorité des pays, qui restreignent tous autant que possible les
libertés ? Tous les régimes politiques, à l’exception des gouvernements
authentiquement démocratiques qui sont très peu nombreux, font la même chose
avec tout opposant, toute voix dissidente qui peut représenter un danger pour
leur domination. Pour le coup, c’est vrai de la majorité des pays d’Orient et d’Occident
– et surtout de tous les pays où vous souhaitez nous renvoyer, prétendant que
ce sont « nos » seuls et véritables pays. Tous les citoyens doivent s’y
taire sur les questions jugées sensibles. Que quiconque essaie d’aller tenir un
discours dissident dans le berceau de l’Islam, en Arabie Saoudite, et il verra
ce qui va lui arriver – il risque d’être emprisonné, torturé et exécuté, comme c’est le cas au
Bahreïn. Ils nous emprisonneraient seulement pour avoir fait des actes d’adoration
recommandés par l’ensemble des écoles de l’Islam, mais interdits par le
Wahhabisme. Ils interdisent de prononcer toute parole de vérité, et sont
du reste, à mon sens, les plus grands ennemis de l’Islam, bien pires que les
Etats-Unis ou Israël, car les ennemis les plus dangereux sont toujours les
ennemis intérieurs, la cinquième colonne. Et bien entendu, d’un endroit à l’autre,
les sujets « tabous » peuvent changer (ici en France, c’est tout ce
qui concerne Israël, comme dans beaucoup d’autres endroits, bien qu’à un degré
inégalé), mais on peut les résumer dans l’idée de tout discours
« anti-système », quel que soit le système, car nos principes et
notre religion nous opposeront toujours à tout « système », quel qu’il
soit, le système se définissant comme le règne d’une oligarchie oppressante qui
bafoue les intérêts légitimes de la majorité du peuple. Oui, ils veulent nous
faire taire, nous « convertir » à leur mode de pensée unique de déchéance morale et de
vassalisation, faire de nous des moutons, mais nous suivrons l’exemple de notre
Prophète Muhammad (saas) et nous résisterons, portant hautement et fièrement nos valeurs saines contre
leur « valeurs » décadentes.
Et
quoi que vous disiez, nous ne sommes pas sous Saddam Hussein, ils ne s’en
prendront pas physiquement à nous ou à nos proches, ni ne nous emprisonneront
en masse dans des camps de concentration ou de rééducation, ni dans un nouveau
Goulag, certainement pas dans un futur proche ni même lointain, du moins pas à
la seule échelle nationale. Car si un projet concentrationnaire tel que celui
que vous laissez entendre se produisait (une hypothèse insensée), ils
viendraient nous chercher où que nous soyons. Ils ne nous tueront pas, ni ne tortureront
nos familles sous nos yeux – même les Etats-Unis ne font pas ça sur leur
territoire, mais dans d’autres pays, notamment des Etats vassaux arabes :
vous nous demandez donc littéralement de nous mettre à la merci de nos ennemis.
Ici, en France, nous sommes toujours dans un Etat de droit, bien qu’ils
essaient de le rogner de plus en plus, et parviennent effectivement à faire,
ponctuellement, des choses iniques et impensables, il est tout de même bien
plus difficile de bafouer les droits de l’homme (et donc les valeurs de l’Islam)
en France que dans « nos » pays, où il n’y a souvent pas même l’apparence
d’un Etat de droit. Le pire qu’ils puissent nous faire, et encore, seulement à
certains d’entre nous, car un système concentrationnaire français n’est pas
possible, sera de nous emprisonner pour quelques mois après des procédures
abusives, et là, pour paraphraser le Prophète Yusuf (as), je récuserais le
discours de vos semblables en ces termes : « Oh mon Dieu !
La prison me paraît plus désirable que ce à quoi [ils] m’invitent, et si tu ne
me préserves pas de leurs plans, j’y cèderai et serai au nombre des ignorants. »
(cf. Coran, XII, 33). Il n’y a que les lâches et les coupables qui fuient, et,
dans ce contexte, les ignorants, ceux qui ne peuvent pas accomplir leur devoir,
assumer leurs responsabilités et même évaluer objectivement la réalité de la
situation et les risques prévisibles.
L’idée
selon laquelle nous aurions le choix entre fuir maintenant, tant qu’il en est
encore temps, et nous voir interdire toute sortie du territoire et soumettre à
un emprisonnement à une échelle massive – c’est-à-dire, pour l’exprimer en
toutes lettres, à une politique d’éradication – contredit toutes les données
factuelles et rationnelles. Certes, des individus comme Marine Le Pen ou Aymeric
Chauprade présentent effectivement les choses
de manière apocalyptique, invoquant, après Bush, une guerre entre l’Islam et l’Occident,
et affirmant
que même des citoyens français comme moi devront renoncer à l’une de leurs
nationalités et/ou faire un choix entre « diluer » leur foi et
quitter la France – bon courage à eux pour obtenir l’un ou l’autre, de gré ou
de force ! Mais d’une part ils ne
sont pas au pouvoir, et d’autre part, même s’ils y arrivaient (ce qu’on ne peut
pas exclure), et même s’ils étaient assez insensés pour essayer de mettre en
œuvre leur programme de campagne et donc de bafouer la Constitution et le droit
international, ils rencontreraient une résistance farouche de la part de bien
des catégories de la population et de bien des acteurs internationaux. Il est
du reste hautement douteux qu’ils essaient, car en toute vraisemblance, ils se
révéleraient comme tous les autres partis lorsqu’ils accèdent au pouvoir, ne
changeant véritablement que leur vie et celle de leurs proches, et ne s’empresseraient
nullement de tenir les promesses populistes ignobles faites à un électorat
souvent crédule, pathétique d’ignorance et/ou méprisable d’ignominie. Mais donnons du crédit
à cette vision apocalyptique surréaliste et admettons même l’impensable, à
savoir qu’ils réussissent, eh bien le pire qui pourrait alors se produire
serait une expulsion de ces populations, exactement ce qu’eux et vous souhaitez
et préconisez (ce qui me fait penser que vous pourriez être le pendant musulman
des Judenräte, ces Juifs ayant
collaboré avec les nazis pour le plus grand malheur des Juifs d’Europe, et
dans les meilleurs intérêts de l’édification d’Israël). Il n’y a donc aucune
raison de se précipiter, même dans le cadre de vos prédictions extravagantes et
irréalisables. Irréalisables, car tout cela ne pourrait se produire qu’après
une guerre civile, et probablement plusieurs guerres internationales, les
« pays d’accueil » ayant le droit et même le devoir de refuser
un tel afflux de réfugiés qui déstabiliserait gravement leurs sociétés, ce qu’ils
feront sans le moindre doute. La France ne pourrait en sortir que ravagée et exsangue,
et le fait que ces évidences soient passées sous silence souligne le degré d’ignorance
et d’aveuglement des néo-fascistes qui votent pour l’extrême droite en croyant
que cela les débarrassera de leurs compatriotes d’origine étrangère et
redonnera la prospérité à la France, comme si les deux questions étaient liées,
et comme s’il pouvait y avoir un vainqueur dans une guerre civile qui
dévasterait durablement le pays. Seuls des inconscients – ou des ennemis –
peuvent souhaiter de tels développements. Dans le monde réel, des déchéances de
la nationalité massives seront très difficiles à mettre en place de manière
abusive par tout gouvernement, quel qu’il soit, mais c’est une possibilité qui
ne change rien dans le cadre de vos fantasmagories : plutôt que de partir,
attendons de nous faire expulser après avoir opposé toute la résistance dont
nous sommes capables, au moins l’honneur et le devoir – et le bon sens – seront-ils saufs.
Oui,
le gouvernement français – comme tout gouvernement en de telles circonstances –
va profiter de la situation pour faire passer des lois iniques, restreindre les
libertés, arrêter des innocents, les emprisonner sans raison, déchoir des
citoyens de leur nationalité, mais cela restera à une échelle limitée, et cela
ne parviendra pas à faire taire les voix dissidentes, au contraire. Oui, on
voit qu’ils essaient de nous faire peur, de nous habituer à une présence
militaire, etc., mais ce n’est que la tentative désespérée du gouvernement le
plus méprisé de l’histoire de France pour retrouver un semblant de légitimité,
de renforcer son « emprise » affaiblie sur quelque chose qui tombe
déjà en pièces, à savoir sa façade de respectabilité et de légitimité sur le
plan intérieur, et, au plan international, le système de domination mondial
impérial qui usurpe le nom de démocratie. Fuir maintenant, alors que la
victoire est proche ? Certainement pas.
Nous ne sommes ni lâches, ni serviles, ni stupides. Nous sommes arrivés
jusque-là, nous voulons en voir la fin et jouer un rôle actif dans le
dénouement.
La
place des musulmans en France
Votre
appel s’inscrit clairement dans le sillage des manipulations qui ont suivi
l’attaque contre Charlie Hebdo, indépendamment des faits, ce qui fait le
jeu desdits manipulateurs et nous empêche de poser les véritables questions. Doit-on
vraiment se sentir coupables à cause de l’affaire Charlie Hebdo ?
Se sentir responsables, même indirectement, parce que nous aurions un lien avec
le terrorisme du fait de notre religion, comme
osent le défendre d’ignobles ignares qui
auraient certainement été les plus acharnés des antidreyfusards
lorsque la mode française était à l’opprobre des Juifs ? Devons-nous faire des
excès de zèle, nous mettre au premier rang des manifestants et scander
« Je suis Charlie » comme le font des millions de moutons et des agents de
contrôle ? Si nous devons effectivement nous
sentir coupables, c’est en tant que Français, et non en tant que musulmans, car
notre
religion est claire quant au terrorisme,
alors que notre gouvernement reste un
des principaux soutiens et apologistes du terrorisme,
de la Libye à la Syrie – sans même parler d’Israël – et qu’il est le vassal de la plus grande puissance terroriste au monde. Ce ne sont pas les victimes mais les
coupables qui doivent baisser la tête, s’excuser ou s’exiler. Nous n’avons pas
besoin de manifester avec Charlie et les terroristes contre le terrorisme, d’abord
parce que nous
sommes opposés à tout ce que représente Charlie,
comme
le sont tous les hommes lucides et dignes,
et ensuite parce que nous sommes conséquents et qu’en tant qu’arabo-musulmans, nous
sommes les premières victimes du terrorisme
wahhabite créé
et armé par l’Occident. Nous le dénonçons depuis des
années, nous faisant accuser de soutenir les crimes de guerre en Syrie par ceux-là
même qui glorifiaient le terrorisme du Front Al-Nosra,
et qui, aujourd’hui, prétendent avoir changé leur fusil d’épaule et combattre
l’Etat Islamique à nos côtés – mais
nous ne sommes pas dupes. Nous avons donc toutes les raisons d’avoir la
tête haute, car ce qui se passe confirme nos analyses et nos prédictions, à
savoir que qui
sème le vent récolte la tempête.
Et nous continuerons à soutenir fièrement la véritable alliance anti-terroriste
mondiale – Syrie, Iran, Hezbollah, Russie, etc.
Il
serait absurde de fuir la France, notre pays, vers d’autres continents où nous
ne pourrions rien faire, sinon y attendre, les bras croisés, que la justice
règne dans le monde. Devons-nous attendre passivement l’arrivée du Mahdi et du
Messie (as) au lieu de leur préparer le terrain par nos actions et de nous
efforcer d’être dignes de faire partie de leur communauté ? Je préfère
largement rester où je suis et agir et lutter pour le plus grand bien de ma
famille, de ma communauté et de mes compatriotes, croyants ou pas, car je crois
sincèrement que les populations d’origine immigrée peuvent jouer un rôle non
négligeable dans le redressement de la France et contribuer à la relever de sa
décadence politique et morale et à la faire changer d’orientation et renouer
avec une souveraineté authentique. Les populations arabo-musulmanes sont
restées attachées à leur identité, à leurs traditions et à leur dignité, tant
de choses essentielles dont la France et les Français se voient dénier par la
mondialisation économique, politique et culturelle et l’impérialisme américain, et elles
peuvent aider la France à renouer avec ses racines et ainsi la replacer dans le
« bon » camp, celui qui défend l’indépendance des Nations, le droit
international, les valeurs traditionnelles et le multiculturalisme, et qui va
triompher avec la Grâce de Dieu. Si le Mahdi doit revenir avec Jésus, le Messie
(as), n’est-ce pas pour unir les Musulmans, les Chrétiens et tous les hommes
libres et dignes de ce monde derrière la bannière de la vérité et de la justice
? N’étions-nous pas unis, en France même, avec nos frères et compatriotes de
toutes confessions pour lutter contre le mariage homosexuel ? Ce n’est pas
le dernier combat que nous mènerons ensemble. Plus nos ennemis deviennent offensifs, plus nous serons unis, car nous
avons besoin les uns des autres, et nous avons beaucoup à faire.
Aujourd’hui,
la Grèce et l’Espagne constituent le modèle de ce qui nous attend, non
seulement quant aux politiques d’austérité que les gouvernements vont essayer
de nous imposer, avec pour cible principale les catégories les plus vulnérables
de la population (quelle que soit leur appartenance ethnique et religieuse, et
qu’elles soient Charlie ou pas), mais également comme l’espoir de voir
l’émergence de nouvelles forces politiques grâce aux mouvements de résistance
populaires et patriotes qui ne manqueront pas
de se créer face à Bruxelles et à Washington, et desquels nous autres, musulmans et surtout Français, grossirons
les rangs dans l’intérêt de tous. L’Islam n’est que le bouc émissaire, comme il
y a toujours un bouc émissaire en temps de crise pour faire diversion et cacher
les vrais problèmes, mais cela ne marche qu’un temps, et à la fin ce sont les
plus démunis qui paient, qui se retrouvent les seules victimes. Car ce n’est
pas seulement l’Islam qui est attaqué, mais bien les libertés, les droits
sociaux, la souveraineté et les valeurs traditionnelles, et c’est le peuple français dans sa
majorité qui sera victime des politiques économiques et sociales oppressives de
demain.
Nous
sommes nombreux à avoir compris que les véritables questions ne sont pas
d’ordre religieux ou civilisationnel, mais d’ordre économique et social – et ce
n’est du reste pas nouveau et ces questions jalonnent toute l’histoire de
France depuis 1789 : le peuple et ses revendications légitimes ont
toujours été détournés de leurs ennemis réels – les banques – vers des ennemis
fictifs intérieurs (l’Eglise,
les Juifs…) ou
extérieurs (Robespierre
le dénonçait déjà en 1792, de même que Jules
Vallès en
1883 à propos du Tonkin). Et chaque fois qu’il
s’est réveillé, ledit peuple a été passé par les armes, du 17
juillet 1791 au 28
mai 1871. Comment abandonner nos amis, alliés et compatriotes dans cette
situation, ceux qui n’ont nulle part où aller (en considérant que nous ayons
quelque part où aller, ce qui n’est pas du tout le cas) ? Ce serait une
fuite honteuse, un abandon indigne de tout individu qui se respecte, et de tout
musulman. Et du reste, ce ne serait pas avisé, car il n’y a rien d’unique
dans l’opprobre jeté sur l’Islam aujourd’hui. Chaque époque, chaque lieu a eu
son « bouc émissaire », son « Juif »,
son « Arabe ». A la fin du XIXe siècle, un grand écrivain comme Emile
Zola était décrit par Jacques Bainville en des
termes extrêmement racistes à cause de ses origines étrangères : « ce
demi-italien, quart de grec, trois ou quatre fois métis, n’est pas un bel
échantillon de l’humanité ». Zola a en effet suscité des haines
inexpiables, mais il a bravement résisté, en France comme à l’étranger
lorsqu’il fut effectivement contraint à l’exil. Mais n’a-t-il pas fini au
Panthéon, exalté pour sa plume et sa défense de Dreyfus,
se révélant plus « Français » que les Français par son attachement
aux valeurs éternelles de liberté, de vérité et de justice ? Et on
pourrait multiplier les exemples, mais il y a trop à dire pour que je puisse
faire plus qu’effleurer la matière, du moins dans le cadre de cet écrit.
Soulignons simplement le fait que la plupart des déclarations anti-immigration,
dénonçant l’islamisation de la France et de l’Europe, le « grand
remplacement », ne sont rien moins qu’ignorance et refus d’une réalité inéluctable,
et traduisent souvent une méconnaissance grossière de l’histoire de France et
du monde en général, qui est un métissage permanent des peuples et des
cultures. C’est là pour ainsi dire une loi naturelle. Les « identitaires » devraient peut-être demander à ne plus
être appelés les « Français », car après tout, les Francs étaient
originellement un peuple germanique qui s’est installé en Gaule. Et ils
devraient certainement revenir à la religion gauloise originelle, car
l’héritage judéo-chrétien est d’origine sémite. Ce refus de l’autre et de l’évolution des sociétés est une absurdité, une aberration, ce qui était rejeté un jour devenant
ensuite une norme pleinement acceptée. Ce n’est qu’une question de temps, de
patience et d’efforts, car il n’y a aucune incompatibilité entre les valeurs de
l’Islam (authentique) et celles de la France (authentique), bien au contraire. Certes,
nous rejetons le laïcisme « à la française », qui est, depuis les
Encyclopédistes, 1789 et
Jules Ferry, une offensive ouverte contre l’identité historique de la France
(« la fille aînée de l’Eglise ») et contre la religion,
mais nous nous accommoderions parfaitement du principe de laïcité en soi, de
même que nous nous accommoderions de tout régime qui garantirait la liberté de
croyance et de culte. Quant au fantasme de l’islamisation de la France ou de
l’Europe, et de l’avènement d’un gouvernement islamique, quiconque connaît les
principes de base de l’Islam sait que seule une adhésion massive de la
population peut permettre qu’un Etat Islamique authentique soit proclamé, non
pas à 50,1 % des suffrages exprimés comme le prétendent les faux standards
pseudo-démocratiques en vigueur en Occident, mais plus de 80% des voix de l’ensemble de l’électorat,
comme en Iran en 1979 où la République Islamique fut plébiscitée par plus de
90% de la population. L’exemple du Hezbollah au Liban, pays majoritairement
musulman mais divisé entre sunnites et chiites, avec une minorité chrétienne,
l’illustre clairement : cette puissance militaire formidable ayant humilié deux fois
Israël serait tout à fait capable de prendre le pouvoir au Liban si elle le
souhaitait, mais les exigences de l’Islam en feraient un péché irrémissible, et
il n’est nullement question pour eux d’y ériger un Etat islamique, ni dans un futur
proche, ni dans un futur lointain, mais simplement de contribuer à assurer la stabilité et la cohésion de cet
Etat multiconfessionnel.
Nous
ne sommes pas une cinquième colonne, nous n’œuvrons pas contre la France mais
avec elle, avec la France authentique, celle de Jeanne d’Arc contre Charles VII, celle de Rousseau contre Voltaire et les Encyclopédistes, de Robespierre contre Danton et les Thermidoriens, de la
Commune contre Versailles, de Lamartine et Hugo contre Cavaignac,
de Jules Vallès
contre Jules Ferry, de Jaurès
contre Solages et Poincaré, de de Gaulle contre Pétain
et contre tous les traîtres apatrides qui l’ont précédé et suivi à la tête de
la France. Si nous devons être opprimés et vaincus comme ils le furent, ce sera
un honneur. Mais nous ferons tout ce que nous pourrons pour relever leur mémoire
et leur héritage bafoués, et reprendre leur flambeau, aux côtés de tous ceux
qui mènent un combat similaire en France et dans le monde, et par tous les
moyens légaux. Et n’en déplaise aux frontistes, Zemmour et autres Houellebecq,
si cette France-là est victorieuse, cette France à laquelle nous sommes fiers
d’appartenir et pour laquelle nous sommes prêts à lutter, en ce qui nous
concerne, ses rues, écoles et places publiques pourront porter fièrement ces
noms-là, que nous honorons à la fois en tant que Français et en tant que musulmans.
Les
enseignements de l’Islam
Pour
finir, je souhaiterais dire un mot sur votre manière de vous exprimer et de
transmettre vos idées. Sans forcément remettre en cause votre bienveillance et
votre honnêteté, on pourrait objecter que lorsqu’on prétend dicter aux gens ce
qu’ils doivent faire de leur existence même, leur ordonnant de bouleverser
toute leur vie et de plier bagages en direction de l’inconnu, ce qui est tout
de même une action drastique, on ne devrait peut-être pas être si catégorique,
paternaliste et condescendant. Et ce d’autant plus que comme j’ai essayé de le
montrer, ce que vous imposez aux gens est tel que le Prophète (saas) lui-même
ne l’a jamais imposé à quiconque, et moins encore dans de telles proportions et
conditions. Je tiens à affirmer que l’on peut tout à fait ne pas être d’accord
avec vous, rester en France et même à Paris (comme c’est mon cas), non pas
parce que l’on serait des amoureux de ce bas-monde qui vendraient leur religion
contre un gain matériel (ce qui est doublement faux – venez donc vivre à Paris
– et constitue une présomption insultante), mais, au contraire, parce qu’on
considère avec bien plus de raison que la raison, la justice, la responsabilité
et la religion même exigent de nous que nous restions où nous sommes et y œuvrions.
Ou plutôt que nous continuions d’agir, car nous ne sommes pas soumis et passifs
comme vous le prétendez, nous marchons la tête haute, et nous n’allons
certainement pas céder gracieusement aux vœux de ceux
qui nous désignent comme ennemis alors qu’ils
ne pourraient les obtenir de nous ni par l’intimidation, ni par la force, d’autant
plus que cela équivaudrait à un reniement de tous les principes humains universels
et de toutes les lois divines. On peut être raisonnable, attaché à ses
principes et à sa religion, lucide au sujet de ce qui se passe autour de nous
(et qui n’est certainement pas anodin) et cependant être en totale opposition
avec vous. Votre arrogance, votre mépris et vos rires sarcastiques sont on ne
peut plus malvenus, et n’ont rien à voir avec les enseignements de l’Islam.
Nous
avons la responsabilité de veiller à notre image, à l’image que nous donnons
des musulmans, surtout en ces temps où de grands efforts sont réalisés pour nous
décrire comme des personnes illuminées, étroites d’esprit, réactionnaires et
insociables, qui ne peuvent cohabiter avec personne, et pas même entre eux (car
l’Etat Islamique tue avant tout des musulmans). Oui, nous pouvons coexister
avec les autres n’importe où, nous pouvons œuvrer dans le sens du bien commun
avec nos concitoyens en Occident, même en France, bien que ce pays ait une
histoire toute particulière pour ce qui est de l’oppression de la religion.
Mais tout comme les chrétiens sont parvenus à survivre et à préserver leurs croyances
et leurs traditions malgré les violentes tempêtes qu’ils ont dû traverser,
nous parviendrons également à le faire et nous bénéficierons pour cela de leur
aide et de leur expérience. Nous devons savoir que nous avons beaucoup d’amis,
en France et partout dans le monde, en Occident comme en Orient, et nous devons
faire attention à ne pas tomber dans les pièges de nos ennemis. Et à la fin,
après avoir pondéré tous les facteurs et pris notre décision, nous devons nous
en remettre à Dieu le Très-Haut et l’Exalté qui n’abandonne jamais ceux qui
comptent sur Lui, et qui est un Secours suffisant contre toutes les coalitions hostiles, si redoutables fussent-elles.
Conclusion
En
conclusion, nous, musulmans de France, sommes pleinement conscients et éveillés
face à tout ce qui se passe. Nous ne sommes ni indifférents, ni insouciants, ni
passifs, ni intimidés, ni effrayés, ni soumis. Nous devons effectivement devenir
de plus en plus présents et actifs, mais il n’est pas pertinent de nous décrire
comme étant désemparés, incapables de voir ce que sont nos devoirs et comment
les honorer. Nous sommes nombreux à avoir pris des initiatives depuis
longtemps, et nous allons être de plus en plus investis, de mieux en mieux
organisés afin de faire face aux défis actuels et futurs, avec force,
confiance, discernement et sérénité. Et
nous ne sommes pas seuls, bien des gens nous considérant déjà comme des
individus et compatriotes à part entière, et ne nous renvoyant pas à notre
condition d’arabes et/ou de musulmans. Nous avons et aurons à nos côtés
toutes les bonnes volontés, qu’elles soient musulmanes, chrétiennes ou autres,
toutes les croyances – et non-croyances – et toutes les catégories de la
population œuvrent et continueront à œuvrer à nos côtés dans l’intérêt de la France
et de la majorité de ses citoyens, et pour un monde meilleur.
Nous,
musulmans
de France, pouvons prendre nos vies en main, et bien que nous
accueillions
volontiers tout conseil bienveillant de quiconque, et soyons
reconnaissants
pour toute aide respectueuse qui nous est proposée, nous rejetons
catégoriquement tout paternalisme, nous n’autorisons personne à nous
prendre de haut ou à nous dicter
notre conduite, et à la fin, nous avons et exerçons le droit de prendre
nos
propres décisions, car personne ne connaît notre situation mieux que
nous. L’écrasante
majorité des musulmans de France – et du monde – n’a jamais entendu
parler de vous, et considèrerait vos exhortations à l’émigration sinon
avec
dédain, du moins avec amusement, et ce avec raison. Votre audience,
marginale,
est surtout non-musulmane, constituée de gens qui peuvent être de bonne
foi et
sont séduits par certaines de vos analyses géopolitiques, mais sont
ignorants
de l’Islam et vous accordent un crédit que vous n’avez pas – sans parler
de
ceux qui instrumentalisent votre discours dans un agenda précis.
J’espère sincèrement
que votre notoriété ne va pas grandir, au contraire, car nous n’avons
pas besoin de tels discours insensés et incendiaires. Mais quoi qu’il en
soit,
ce sera notre responsabilité que de les dénoncer et de les réfuter
publiquement, de révéler tout usurpateur et tout manipulateur pour ce
qu’il
est, et nous l’assumerons si Dieu le veut.
Par
avance, je vous remercie pour votre attention.
Que
Dieu nous guide et nous renforce sur le droit chemin.
Message forcené de
« Cheikh » Imran Hussein en addendum à son appel à la Hijra :
« Paix sur vous !
Les Français (de souche) Musulmans (convertis) ont aussi l'obligation de suivre
la Sunna (tradition prophétique) de l'émigration depuis les endroits hautement
dangereux pour leur liberté, leurs personnes et leur foi, vers des endroits ou
un Musulman pourra retrouver la sécurité de la personne et de la foi, de même
que la liberté de répondre de façon appropriée à l'oppression et au mal.
Les
Musulmans d'origine Nord Africaine qui résident actuellement en France, peu
importe qu'ils soient nés ou non in France, devraient non seulement émigrer hors
de la France pour revenir en Afrique du Nord, et chercher refuge dans la
campagne profonde Marocaine, Algérienne, Tunisienne, mais ils devraient aussi
assister les Français natifs (convertis/de souche) pour qu'ils puissent
effectuer cette émigration, cela fait aussi partie de la Sunna.
Il
se peut qu'il ne reste que peu de temps avant que le gouvernement français ne
soit FORCÉ de bannir ce genre d'émigration hors de France.
Tout
ce qu'ils ont à faire c'est de bloquer votre départ par air ou par mer en déclarant
que votre nom est sur une liste d'interdits de vol ou d'interdits de quitter le
territoire français.
Ceux
qui ne peuvent pas quitter la France, et cela quel-qu’en soit la raison,
devraient quitter les villes et chercher la sécurité de la personne et de la
foi dans la campagne profonde française.
Ceux
qui insistent à rester dans les villes, comme Paris, ont le droit de le faire
et nous ne les critiquons pas. Cependant il serait bien fourbe de la part de
pareils gens de tenter d’empêcher ceux qui souhaitent émigrer hors de France ou
hors des villes françaises de le faire.
avec
toute mon affection,
Imran
N. Hosein »
Voir ici à partir de 50,03 : https://www.youtube.com/watch?v=vjV6j1T3iy8 : « La Malhama est donc la guerre nucléaire qui
approche. Nous savons qu’elle arrive car notre Prophète l’a prophétisée. Je
pensais que c’était dans 5 à 10 ans mais voilà que j’ai eu un rêve que j’ai
déjà partagé avec vous : j’étais en Iran pour une conférence en septembre
et j’ai fait ce rêve deux fois dans la même nuit. Normalement, je ne partage
pas mes rêves avec le public. NON ! Mais je l’ai fait cette fois-là parce
que je crois que ce rêve m’a été révélé [sic] afin que je le confie aux
autres. J’ai vu une guerre nucléaire. J’ai vu des missiles nucléaires tirés
vers le ciel. Deux fois dans la même nuit. Et j’ai ensuite vu le Pakistan y
prendre part parce que ceux qui veulent continuer à diriger le monde pour
donner finalement à Israël le moyen de diriger le monde ne peuvent permettre au
monde musulman d’avoir des armes nucléaires ! »