Récit de l’affaire Salah L. / Mission laïque française & Services de l’Ambassade de France au Caire
Les faits évoqués ci-dessous sont attestés par des documents et témoignages multiples et explicites, dont des notes de fin fournissent des extraits. Les noms marqués d’une astérisque (*) ont été modifiés.
Ce dossier est actuellement instruit aux Prud’hommes et auprès du Défenseur des Droits.
Voir également :
Colonialisme, clientélisme et censure : l’autre visage de la Mission laïque française
Harcèlement judiciaire : la Mission laïque française déboutée en diffamation
Harcèlement judiciaire : la Mission laïque française déboutée en diffamation
Mission laïque française : slogans et réalité
[M*** : Terme supprimé suite à une décision de justice]
Introduction
Je suis professeur de Français, âgé de 28 ans et
Titulaire de l’Education Nationale. Durant l’année scolaire 2012-2013, j’ai été
recruté à Paris pour un poste dans un établissement du réseau de la Mission laïque
française en Egypte, la section française de la MISR Language Schools. Située au Caire, elle est
conventionnée par le ministère des Affaires étrangères et homologuée par le
ministère de l’Education nationale. Mon employeur était la Mission laïque
française, comme cela est spécifié dans ses statuts, sa Charte
et le contrat de travail[1]. Le Proviseur était
M. Frédéric TUMPICH, et il occupe toujours son poste
à ce jour. La direction égyptienne générale de cet établissement comportant cinq sections
était menée par Mme Nermine NADA.
Dès ma prise de fonctions, j’ai constaté que de graves
manquements de la direction de l’établissement mettaient en danger la sécurité
des personnels et le bien-être de tous, causant divers incidents. En effet,
comme en attestent de nombreux documents, rapports et témoignages de personnels
enseignants, parents, élèves et de la direction[2],
cet établissement présentait de graves problèmes au niveau de la discipline et
même de la sécurité des élèves et personnels. L’atmosphère était notamment
caractérisée par un manque de respect envers les professeurs et le rejet de
leur autorité de la part des élèves et personnels égyptiens d’éducation, un
chaos endémique empêchant la tenue des cours[3],
le refus des élèves d’assister aux cours[4],
l’annulation par le Proviseur français des punitions données aux élèves par les
enseignants[5], etc. A tout cela s’ajoutait le
lynchage en règle des personnels français et égyptiens par l’administration et
les parents, qui les tenaient pour les seuls responsables de ces
dysfonctionnements, alors que ceux-ci incombaient à la direction de
l’établissement, et que les enseignants comptaient parmi les principales
victimes de cette situation[6]. Les personnels
français et égyptiens étaient tenus en respect, avec une redoutable efficacité,
par diverses pressions (accusations d’incompétence, déni, menaces d’exclusion…[7]), ce malgré des agressions verbales et
intimidations physiques de la part des élèves contre certains professeurs[8]. Tout cela a même entraîné une agression physique
de lycéens à l’encontre d’un collègue Titulaire de l’Education nationale proche
de la retraite (François* E., professeur de Physique), ce qui l’a notamment
amené à exercer son droit de retrait durant une semaine, sa sécurité ne pouvant
être assurée. Ces agissements étaient absolument impunis et même couverts,
étouffés, et, de fait, encouragés par le laxisme de l’administration. Pour
celle-ci, « le client est roi », tandis que les personnels
enseignants, quantité négligeable et éminemment amovibles, ne sont là que pour
être livrés en pâture[9] aux élèves qui paient
des droits d’inscription faramineux et peuvent donc se comporter comme les
propriétaires de l’établissement[10]. Les
personnels qui essayaient d’agir étaient menacés, discrédités, et, dans mon
cas, exclus, violentés et calomniés. La vie même des élèves était mise en
danger par des installations électriques défectueuses dans les laboratoires.
Ces installations avaient pourtant fait l’objet de plaintes publiques de la
part de François* E. et de Farid* Y., professeur de Mathématiques-physique
également Titulaire[11].
Je m’étais employé à pallier certains de ces
dysfonctionnements, en accord avec mon supérieur hiérarchique, Frédéric
TUMPICH, ce qui m’a amené à m’opposer directement à la direction égyptienne,
qui prenait toujours fait et cause pour les élèves les plus turbulents. Celle-ci
a alors voulu se débarrasser de moi. Car bien que les statuts des personnels
(et les engagements contractés avec les parents, qui inscrivent leurs enfants
dans une école dont on leur garantit que la gestion est purement française)
prévoient que la section française soit gérée indépendamment, par la seule
direction française[12], il s’est avéré que la
direction égyptienne impose toutes ses décisions dans les faits. Le Proviseur
français a un rôle purement fantoche et se soumet aux intimations coercitives
de personnels subalternes égyptiens[13]. J’ai
donc fini par être exclu le 28 mars 2013 de manière violente et illégale (sans
notification écrite, manu militari et par un simple fait accompli),
battu par huit vigiles sous les yeux de mes élèves de 6e traumatisés
et en pleurs, tout cela pour un prétexte spécieux : une altercation avec
un collègue, Samuel METAUX, qui avait eu lieu la veille, en dehors de
l’établissement. Pourtant, des témoignages de professeurs, de parents et
d’élèves ont établi que Samuel METAUX me harcelait de longue date au sein même
de l’établissement. Pour l’incident du 27 mars même, les témoignages directs de
trois enseignants et l’aveu du proviseur, Frédéric TUMPICH (dès le 29 mars
2013, en présence de Farid* Y., représentant élu des personnels), concordent
pour établir que Samuel METAUX m’avait agressé verbalement et physiquement, et
que je n’ai fait que me défendre. Frédéric TUMPICH n’en a pas moins soutenu, en
toute connaissance de cause, une version des faits mensongère, notamment dans
ses courriels adressés aux parents, afin de justifier la décision de la
direction égyptienne en lui donnant une teinte française et de me discréditer.
Je me suis efforcé de faire respecter mes droits, et
face à ma résistance et du fait de l’intervention de parents d’élèves,
l’administration de l’établissement a ensuite rétroactivement
« justifié » cette exclusion par d’autres accusations calomnieuses
qui ne m’ont jamais été notifiées par écrit (pas plus que mon exclusion
définitive et ses raisons alléguées). J’ai en effet été accusé d’agressions
verbales et même physiques contre des élèves, et une plainte judiciaire en ce
sens a été déposée contre moi pour me neutraliser et me décourager. Ces
accusations fallacieuses ont entraîné mon arrestation violente par la police,
mon placement dans une cellule de 1 mètre carré, puis mon déferrement au
Parquet. La justice égyptienne a rapidement débouté la MISR Language Schools de
toutes les accusations portées contre moi, notamment grâce à nombre de
témoignages de parents et d’élèves et, dans une moindre mesure, de
personnels.
Tout au long de l’affaire, l’administration n’a pas
hésité à recourir à des menaces et à des brutalités psychologiques
contre les élèves en leur interdisant de me parler, et en s’évertuant à les
persuader que j’étais un véritable danger pour eux malgré les faits avérés, et
le grand attachement de mes élèves pour moi. La directrice égyptienne, Mme
Nermine NADA, et le Proviseur français, Frédéric TUMPICH, ont personnellement
colporté ces calomnies et exercé les pressions et menaces. Celles-ci m’ont en
particulier été rapportées par mes élèves et leurs parents, indignés – les plus
jeunes, âgés de 11 ans à peine, étaient en pleurs[14]. Des
menaces similaires ont également été exercées contre les personnels, afin de
les dissuader de m’apporter de l’aide et même de me saluer, et j’ai été au
désespoir de constater que mes collègues et concitoyens faisaient preuve de
bien moins de solidarité à mon égard que les parents et même les élèves.
La plupart des enseignants ont fini par complètement m’ignorer et m’abandonner,
alors qu’une simple grève aurait très vraisemblablement suffi à résoudre le
problème. Sans doute se sentaient-ils plus vulnérables, se trouvant dans un
pays étranger ayant une langue et une culture différentes, et étaient-ils
dissuadés de toute intervention par l’exemple de la violence qui m’était
infligée.
J’ai essayé autant que possible de régler cette
affaire par la négociation et sans tapage, transmettant ma version des faits
abondamment documentée à la direction de l’établissement et de la MLF et aux
instances françaises, et en leur faisant savoir, directement et par le biais de
mes avocats, que j’étais disposé à un règlement à l’amiable, à condition qu’il
fût honorable et respectueux des lois. J’avais refusé, dans un premier temps,
le paiement de l’intégralité de mes salaires à venir jusqu’à la fin de l’année
scolaire contre mon départ et mon silence (une proposition de Frédéric TUMPICH
suite aux premiers échanges avec la direction de la MLF), parce que cela se
serait fait par-dessous la table et aux dépens de ma réputation salie par leurs
diffamations, ce que je ne pouvais envisager en aucun cas. D’autant plus que
ces salaires m’étaient de toute façon dus contractuellement, et le restent
jusqu’à ce jour, le contrat n’ayant jamais été légalement rompu – le mois de
mars même, travaillé, ne m’a toujours pas été payé. En vue d’un règlement à
l’amiable, j’ai sollicité l’intervention de plusieurs élus, instances et
personnalités médiatiques et intellectuelles, notamment les députés et
sénateurs des Français de l’étranger, qui sont généreusement intervenus. Les
instances ministérielles sollicitées (Education Nationale, Affaires Etrangères,
ministres déléguées chargées des Français de l’étranger et de la Francophonie)
n’ont pas donné suite à mes demandes d’assistance. J’ai sans cesse sollicité
l’intervention de la Mission laïque française à Paris, mon employeur selon les
textes (cf. note n° 1), chargé de la gestion des établissements de son réseau.
Mais elle n’a jamais donné aucune suite à mes sollicitations par courriel et
par courrier recommandé. De son côté, la direction de mon établissement a
accepté le principe de la négociation, avant de le rejeter au dernier
moment : il ne s’agissait, de sa part, que d’une manœuvre dilatoire visant
à se rapprocher de la fin de l’année scolaire et à épuiser mes ressources et ma
volonté.
Siège de la MLF à Paris, 9 rue Humbolt (75015)
Contre toute attente, et au mépris des faits avérés et
des lois et accords en vigueur, la direction de la Mission laïque française et
les services de l’Ambassade de France, sont intervenus, mais de manière
partiale et aux côtés de la direction de mon établissement. Ils ont agi de
concert contre moi, en toute connaissance de cause, dès le premier jour et
jusqu’au bout, de la manière qui sera détaillée dans les 4e e 5e
sections. Dès le 31 mars 2013, dans un courriel adressé aux parents d’élèves,
Frédéric TUMPICH affirmait qu’une intervention de l’Ambassade de France avait
été sollicitée et que celle-ci s’était prononcée en faveur de mon exclusion
illégale (« C’est pourquoi Mme Nermine NADA et l’Ambassade de France ont
conjointement décidé, pour la sécurité de vos enfants [sic], d’interdire
à M. S. l’accès de l’établissement. »). Frédéric TUMPICH fut
pleinement soutenu par la Mission laïque française, mon employeur : bien
qu’elle ait reçu ma version des faits ainsi que les nombreux documents et
témoignages collectés – qui ont rapidement conduit la justice égyptienne à
m’innocenter de toutes les accusations portées contre moi –, la MLF a poursuivi
son œuvre, continuant à relayer en toute connaissance de cause les accusations
calomnieuses portées à mon encontre. Dans deux lettres adressées respectivement
à M. Alain MARSAUD, député des Français établis hors
de France, et à Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, sénatrice des Français
établis hors de France, intervenus à ma demande, Jean-Christophe DEBERRE,
Directeur général de la Mission laïque française, ainsi que Yves AUBIN DE LA
MESSUZIERE, Président de la Mission laïque française, ont soutenu des
allégations qu’ils savaient calomnieuses. Ils ont même surenchéri sur les
imputations diffamatoires de MISR en prétendant que « la sécurité de la
communauté éducative ne permet pas la réintégration de M. L. », ce le
25 avril 2013, près d’un mois après que les pièces qui m’ont innocenté devant
la justice égyptienne leur aient été transmises. Cette position a encore été
confirmée le 5 juin 2013, après que mon établissement ait été débouté par le
Parquet de toutes ses plaintes contre moi, le Président de la MLF soutenant
malgré ce développement considérable que « l’on peut craindre que rien
n’ait depuis contribué à modifier ce point de vue ». Ces éléments
seront rapportés en détail dans la 4e section, en soulignant les
contradictions manifestes que ces deux courriers présentent entre eux, avec les
statuts de la MLF et avec les faits avérés et alors connus de tous. Les
services du Consulat de France ont procédé de même, et des menaces d’enlèvement
et de mise au ban proférées à mon encontre par Paul PETIT (Attaché de Coopération Educative
représentant le Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade
de France) dès le 28 mars 2013, le jour de mon exclusion, devant mon
établissement, ont été partiellement mises à exécution, alors qu’elles auraient
pu me coûter mon intégrité physique et mentale, voire ma vie. Un enseignant
français, Eric Lang, était mort dans un commissariat du
Caire dans des conditions suspectes à ce moment-là, et des proches informés de
mon affaire et des violences que j’avais subies entre les mains de la police
ont cru que c’était moi, son identité n’ayant pas été révélée immédiatement, et
cela aurait bien pu être le cas. En effet, du fait des mesures qui ont été
prises contre moi par les services diplomatiques, j’ai été contraint de vivre
en Egypte plusieurs mois sans ressources (de fin mars à la mi-septembre 2013),
exposé à de grands risques et dans un grand dénuement, recherchant vainement un
autre emploi, sans savoir que j’étais soumis à un véritable ostracisme, si bien
qu’il m’était impossible de retrouver un poste. Je n’en ai eu la preuve que
tardivement, comme nous le verrons. A partir de juillet 2013, je n’avais
souvent plus même de quoi m’acheter de l’eau, dormant à même le sol dans un
appartement complètement vide, alors que des événements sanglants avaient lieu
en Egypte. J’étais donc à la merci de quiconque. Il m’a fallu des mois pour
commencer à me remettre de tous les sévices, pressions et harcèlements subis,
et j’aurais très bien pu ne jamais m’en relever.
Frédéric Tumpich, Jean-Christophe Deberre et Yves Aubin de la Messuzière, personnages publics
Mon avocat d’alors, après analyse des pièces du
dossier, dénonça « une institution qui a utilisé les procédés les plus
déloyaux pour [me] mettre en cause avec des accusations graves [par] l’instrumentalisation
d’informations [qu’elle] savait mensongères dès l’origine. Cette
attitude est d’autant plus critiquable qu’elle s’inscrit dans un contexte
inspiré par la discrimination. […] Les pièces du dossier que vous
m’avez transmises sont tout à fait claires pour établir deux points : 1/
l’agression est le fait de Monsieur Samuel METAUX ; 2/ cette agression, qui
était déplorable mais au final assez minable, a pris une ampleur toute
particulière compte tenu de l’attitude de l’employeur, et des autorités
diplomatiques qui ont agi sans réflexion préalable suffisante. Les deux
éléments se conjuguent pour démontrer qu’il existe autour de cet établissement
une véritable culture de l’impunité et que l’agression, comme l’attitude de
l’administration, repose sur la conviction que vous alliez être broyé par la
machine, préférant vite quitter l’Egypte en demandant votre compte. […] Il est
assez remarquable, alors que vous étiez pris par le feu des événements, d’avoir
pu constituer ce dossier et d’avoir pris le temps d’écrire et de prendre à témoin,
réunissant ainsi d’importants éléments de vraisemblance, et surtout amenant la
partie adverse à réagir. […] Le mail adressé par Monsieur TUMPICH le 31
mars 2013 vous décriva[i]t comme quelqu’un de violent, à tel point que la seule
solution était de vous écarter de l’établissement. Vous êtes décrit auprès des
parents comme une sorte de semi-sauvage, incontrôlable. Or nous savons qu’à ce
stade, Monsieur TUMPICH était parfaitement informé que l’agression n’était pas
de votre fait ; […] c’est donc à dessein, dans le but de [vous] casser et de
vous obliger à quitter votre poste et l’Egypte qu’il a choisi de prendre à
partie les parents. [Quant à la direction de la Mission laïque française], avec
son autorité, [elle] se permet d’écrire à un Député en accréditant une version
des faits qu’[elle] sait entièrement fausse, et qui vous présente comme un
individu dangereux et infréquentable. […] Il a fallu toute votre vigilance et
votre courage pour inverser la manœuvre. »
Ces faits sont, à mon sens, très préjudiciables à la
France, à son image et aux ressortissants français à l’étranger. Ceux-ci
devraient être protégés de tels agissements, surtout lorsqu’ils sont recrutés
en France pour travailler pour une institution française (la MLF), sous la
tutelle de deux ministères, et sont ensuite complètement abandonnés et, plus
encore, accablés par les instances qui sont censées les protéger. Bien plus,
les enfants qui sont placés dans ces établissements par leurs parents,
confiants dans la réputation d’excellence de la France, sont à mon sens les
principales victimes de cette situation. Leur potentiel est dilapidé par les
conditions extrêmes qui règnent dans ces établissements de la Mission laïque
française. Cette situation ne permet nullement la transmission d’une instruction
et d’une éducation décentes à des enfants qui sont, de par leur statut social,
l’avenir de leurs Nations, qui est par conséquent compromis.
Ayant établi que « Cet établissement joue sur
l’impunité en pensant que s’il existe un litige avec un salarié, il sera traité
par la juridiction égyptienne, et avec une efficience toute relative et un
impact très réduit en France », mon avocat préconisa alors la conduite
d’une action « pour fragiliser tout ce système qui, ignorant la loi,
fonctionne finalement comme un système mafieux, au sens opaque et privilégiant
des intérêts particuliers ». Cette action, je suis déterminé à la
mener.
Les marchands de soupe / Carpetbaggers
de la Mission laïque française
1 – Un établissement particulièrement difficile
La Charte de la MLF stipule que « La
Mission laïque française accueille et réunit dans son réseau d’établissements
des enfants de toutes origines et de toutes cultures. Au-delà de la
réussite scolaire et de l’épanouissement individuel des élèves, elle [la
MLF] cherche à développer chez eux l’exercice du libre jugement, le respect
de l’autre, la compréhension des héritages de l’histoire, l’ouverture au monde
dans sa diversité grâce à la maîtrise de plusieurs langues. Elle les initie à
l’usage des droits et des devoirs de la citoyenneté. » Malgré ces
déclarations éthérées et le fait que la MISR Language Schools ait la réputation
d’être parmi les meilleures écoles d’Egypte, la réalité est très différente,
comme nous l’avons déjà entrevu ci-haut.
Mon recrutement même, depuis Paris, début novembre
2012, faisait suite au départ précipité d’une enseignante française (Myriam*
H.) qui avait 12 ans d’expérience en France (en région parisienne),
d’excellents états de service, mais n’avait pu tenir dans les conditions de
chaos et d’impunité qui régnaient dans l’établissement égyptien[15]. Il y a eu au moins trois démissions – pour
ne pas dire « désertions », parfaitement justifiées au vu des
conditions de travail régnant à MISR – au total durant l’année scolaire[16]. Et malgré le fait que, de l’aveu même du
Proviseur français, Frédéric TUMPICH, j’avais intégré mon poste dans des
conditions particulièrement difficiles[17], il
n’avait pas moins envisagé explicitement de me renvoyer purement et simplement,
quelques jours seulement après m’avoir fait venir de France pour ce premier
poste, au prétexte que j’avais du mal à gérer cette situation
exceptionnellement chaotique[18]. Il a pour ce faire
froidement invoqué la période d’essai de trois mois pendant laquelle tout
enseignant peut être renvoyé sans préavis, selon les termes draconiens et non
réciproques du contrat, sans autre forme de procès. Par la suite, quand j’ai
réussi à reprendre mes classes en main, Frédéric TUMPICH m’a exprimé (le dernier
jour avant les vacances de Noël) ses vives félicitations pour ce succès
spectaculaire[19], et il s’est excusé de
m’avoir « jeté dans la gueule du loup » sans préavis. Durant ces
vacances, une collègue Titulaire de l’Education Nationale, Sylvie* F., qui se
trouvait en France en congé maladie, enceinte, et au chevet de son compagnon
très gravement malade, a été, illégalement et de manière ignoble, poussée à la
démission par Frédéric TUMPICH – une infamie qu’il a réitérée cette année même,
en 2015, avec une autre collègue Titulaire et enceinte simplement car elle
avait besoin d’un emploi du temps aménagé. A la suite d’une plainte de Sylvie*
F. auprès de ses autorités de tutelle, il a dû se rétracter, et il a ensuite
affirmé avoir été contraint de céder aux pressions de l’administration
égyptienne[20].
Tous ces éléments montrent que les personnels
enseignants français, recrutés en France et invités à travailler dans un
établissement français sous tutelle française, dont tous les documents sont à
en-tête de la MLF, et dont la Charte
précise qu’elle est leur seul employeur (« Sous
l’autorité du chef
d’établissement ou du directeur de leur école, ils
agiront dans le respect des textes officiels, des orientations et des
directives : du ministère de l’éducation nationale ; du ministère des Affaires
étrangères ; de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; de la
Mission laïque française qui est leur employeur et à
laquelle ils rendent compte de leur action. »), sont en réalité
traités comme du rebut, livrés pieds et poings liés aux caprices des élèves et
au joug de la direction égyptienne et abandonnés à leur sort, sacrifiés sur
l’autel du lucre, voire du néo-colonialisme[21].
MISR Language Schools, « un vrai roman »
déjà évoqué en 2008 dans le bulletin n° 88 du syndicat enseignant SGEN-CFDT qui
dénonçait notamment « un turn-over excessif des personnels titulaires
détachés dans cet établissement. (…) Les personnels ont travaillé des mois
après la rentrée scolaire sans contrat car ‘ceux-ci étaient en cours de
négociation’ avec la direction égyptienne. Le problème, c’est que les
personnels ne savaient pas au juste ce qui faisait l’objet de négociation…
L’équipe enseignante du premier degré, soit une quinzaine de personnes dont
huit recrutés locaux en situation assez précaire, est en outre à la merci de la
direction égyptienne (…). La charge de travail des enseignants est si
importante qu’ils ont le sentiment de porter l’école à eux seuls. (…) Tous ces
éléments pèsent. Et puis, les collègues n’ont plus les mêmes horaires, le
climat général se détériore et l’ambiance dans l’équipe n’est plus au beau
fixe. A Misr Language school, c’est pas la vie en rose tous les jours…[22] » Mais malgré ce rapport éloquent,
cette situation ne s’est pas améliorée le moins du monde, bien au contraire.
Après être parvenu, en déployant les plus grands
efforts, à instaurer une ambiance de respect et de travail dans mes classes, je
me suis employé à assister François* E., un de mes collègues en difficulté qui
faisait face à un véritable harcèlement de la part de lycéens. Avec l’aval du
proviseur de la section française, Frédéric TUMPICH, je m’efforçais de
contribuer à la résolution de certains des problèmes de cet établissement.
J’espérais protéger les élèves et les enseignants, et créer les conditions qui
nous permettraient de réaliser notre vocation de pédagogues et de dispenser un
savoir de niveau acceptable en termes d’instruction et d’éducation[23]. J’assistais donc François* E. en me tenant à
ses côtés durant ses cours avec les lycéens, le dimanche matin, mon jour de
repos, et cela à titre bénévole[24]. Malgré ma
venue toute récente, et le fait que j’étais alors un débutant, ma jeunesse et
ma connaissance intime de la langue et de la culture arabe facilitaient mes
relations avec les élèves, comme mon succès inespéré avec mes propres élèves
l’avait démontré à tous. Mais ces interventions aux côtés de François* E. m’ont
souvent fait entrer en confrontation directe avec la direction égyptienne de
l’établissement, qui donnait la préséance aux élèves sur les personnels
enseignants, et tolérait depuis le début de l’année qu’ils arrivent aux cours
avec une demi-heure de retard, puis qu’ils n’y assistent pas en ma présence[25], ce que j’ai dénoncé avec vigueur. Frédéric
TUMPICH m’a explicitement dit à plusieurs reprises que je figurais sur la liste
noire de l’administration égyptienne[26],
malgré (ou plutôt du fait de) mon investissement et mes succès avec mes propres
élèves, les élèves de mes collègues et les collègues eux-mêmes. Ces actions
m’avaient valu, de la part de Frédéric TUMPICH, une proposition de poste de CPE
(Conseiller Principal d’Education, fonction alors dévolue à des personnels
égyptiens) pour l’année scolaire suivante, et même l’organisation
d’interventions en primaire avec la directrice de cette section, Marie-Paule
M., qui envisageait de son côté de m’y recruter pour l’année scolaire
2013-2014. Frédéric TUMPICH m’a également invité à « consolider » ma
situation auprès des parents d’élèves, et à mettre en avant auprès d’eux mes
initiatives et succès, pour pouvoir me protéger face à la direction égyptienne,
qui ne souhaitait pas renouveler mon contrat et avait résolu d’attribuer mon
poste de professeur de Lettres à Samuel METAUX, Professeur de Philosophie
(auto)proclamé (sic), pour la rentrée suivante[27].
Autant d’indices éloquents de l’impuissance de la direction française face à
Nermine NADA : sur le papier, Frédéric TUMPICH est le seul responsable de
la gestion et des recrutements, alors que, dans les faits, il n’est pas même
consulté.
C’est donc dans l’objectif de renforcer ma position au
sein de l’établissement, et avec le plein soutien de mon supérieur
hiérarchique, que j’ai convoqué les parents d’élèves de 6e à une
réunion pour le 4 avril 2013, ce qui a entraîné une vive réaction de
l’administration égyptienne dès qu’elle l’a appris, le 27 mars. Elle m’a
demandé avec préoccupation ce que je comptais dire aux parents, et a essayé de
me dissuader de tenir cette réunion en invoquant divers prétextes spécieux. En
ce qui concerne François* E., après trois interventions à ses côtés qui ont été
couronnées de succès[28], Frédéric TUMPICH a
fini par m’interdire d’assister mon collègue, du fait des pressions de
l’administration égyptienne qui cédait aux élèves les plus dissipés et, de
fait, les encourageait à poursuivre, sinon à escalader leurs actions. Cette
interdiction m’a été signifiée par écrit le 17 mars 2013[29]. Je n’avais d’autre choix que d’obtempérer, et ce fut
effectivement ma dernière intervention avec François* E. Il ne s’agissait
de rien de moins que de mise en danger de l’intégrité d’un enseignant, au vu et
au su de tous. Mais les pressions et intimidations étaient telles qu’aucun des
autres enseignants n’a osé réagir, malgré un rapport explicite de François* E.
appelant à l’aide le 25 mars, deux jours avant son agression, qui se concluait
ainsi : « Devant de tels comportements, qui s’ils ne sont pas
rapidement stoppés, peuvent aboutir à une situation dangereuse, je vous demande
[…] de bien vouloir mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire
cesser ces agressions et assurer ma protection. Il n’est pas digne d’un
établissement scolaire de laisser faire de tels agissements d’élèves.[30] » Le 26 mars 2013, la question
de l’action que prendraient les enseignants français si François* E. se faisait
agresser physiquement par ses lycéens a été soulevée explicitement par Paul*
B., professeur de Sciences Vie & Terre, en présence de trois
collègues : Farid* Y. (professeur de Mathématiques-physique), Eric* C.
(professeur de Français) et moi-même. Eric* C. a nié le danger, suscitant une
réaction indignée de ma part. J’estimais son attitude irresponsable, d’autant
plus qu’il était le professeur principal de la classe la plus menaçante[31]. J’ai appelé à une grève si une agression se
produisait.
De manière prévisible, François* E. a été agressé
physiquement le jour suivant, le 27 mars, par un élève de Seconde – Frédéric
TUMPICH était alors en France. François* E. a quitté l’établissement et a
exercé son droit de retrait durant une semaine entière. Je me suis distingué
par ma réaction au sein de mes collègues, dénonçant virulemment
l’irresponsabilité des Conseillers Principaux d’Education (CPE) qui
prenaient fait et cause pour les élèves. J’ai demandé un rendez-vous avec la
directrice égyptienne, Nermine NADA, pour mettre fin à ces incidents. J’ai
exprimé publiquement ma solidarité avec mon collègue, et j’ai appelé les
personnels français à faire grève. Mais François* E. lui-même m’en a dissuadé,
voyant que j’étais le seul qui soit prêt à prendre une telle mesure. Je me suis
donc contenté de ne pas faire cours l’après-midi. J’ai emmené mes élèves à
l’extérieur des classes, pour évoquer l’incident du matin et désamorcer la
situation. En accord avec Sylvie* F. qui avait alors cours avec cette classe,
je suis intervenu auprès de la classe de Seconde qui avait agressé François*
E., afin de « faire la morale » aux élèves, conformément aux
décisions entérinées précédemment par Frédéric TUMPICH[32].
Je leur ai tenu un propos d’une substance similaire à celui que j’avais
auparavant tenu à d’autres lycéens en compagnie de François* E.[33] Cependant, l’administration a persisté dans son
attitude de déni du problème, et ces événements ont été maquillés dans le
compte rendu qu’en a fait Frédéric TUMPICH à son retour. Sa « version
officielle » falsifiée reprenait simplement les accusations des élèves,
selon lesquelles François* E. était l’agresseur, et passait tout
bonnement sous silence une agression d’un enseignant Titulaire proche de la
retraite qui l’a amené à exercer son droit de retrait une semaine
durant. Peut-être cet enseignement se revendiquant « laïque »
a-t-il adopté (et amplifié) le motto chrétien « faute avouée à moitié
pardonnée », le « repentir sincère » (sic)
manifesté par l’élève agresseur ayant entraîné un effacement pur et simple du
fait de toute archive[34].
Salah L. et François* E. à Gizeh, où se situe MISR
Language Schools
Enfin, je suis aussi entré en conflit avec
l’administration égyptienne à cause de plusieurs irrégularités sur mes salaires.
Ceux-ci ne m’avaient pas été payés intégralement. Le préjudice s’élevait à plus
de 300 euros. D’autres collègues avaient été victimes de procédés similaires,
ces écoles étant un commerce sinon crapuleux, du moins juteux et
florissant, ayant pour seul critère non pas la qualité de l’enseignement mais
la rentabilité, aux antipodes de l’« association à but non
lucratif » revendiquée dans la Charte de la MLF[35].
Je m’en suis plaint par écrit, le 24 mars, en exigeant le paiement intégral des
sommes dues ainsi que des indemnités compensatrices, du fait des préjudices
causés par les mensonges délibérés et avérés de la direction égyptienne.
Celle-ci ne m’avait toujours pas ouvert de compte en banque, vraisemblablement
pour des raisons fiscales, et a ensuite refusé de me répondre aux
sollicitations de mes avocats, confirmant les soupçons d’irrégularités dans les
déclarations légales me concernant[36]. J’ai
obtenu un rendez-vous avec la direction égyptienne pour la semaine suivante en
vue de régler ce contentieux.
Ainsi, à la date du 27 mars (la veille de mon
exclusion), l’administration de l’établissement avait plusieurs conflits avec
moi, dans lesquels ses torts étaient manifestes. Ces différends devaient
être réglés dès la semaine suivante :
1/ les problèmes de discipline qui, ayant débouché sur l’agression physique de François* E. le jour même, juste après qu’on m’ait interdit de l’assister, me donnaient pleinement raison et démontraient l’incompétence et l’irresponsabilité de la direction ;
2/ la réunion avec les parents que j’avais convoquée pour la semaine suivante, avec l’aval et même à la suite de la recommandation de mon seul supérieur hiérarchique, Frédéric TUMPICH. Cette initiative inquiétait l’administration égyptienne, qui n’avait aucun pouvoir sur moi d’après les statuts. Elle redoutait ce que je pourrais dire aux parents – crainte exacerbée par l’agression contre François* E. Cette réunion aurait renforcé ma position au moment où les contrats pour l’année suivante étaient renouvelés, selon le raisonnement de Frédéric TUMPICH – un calcul sagace et bienveillant ;
3/ l’affaire des retenues avérées sur mes salaires et des falsifications au sujet de mon compte en banque, qui devait être réglée la semaine suivante, lors d’un rendez-vous en présence de Nermine NADA, la directrice égyptienne elle-même – qui ne m’avait jamais reçu jusque-là –, de Frédéric TUMPICH et de Yara YOUSSEF, qui faisait office de secrétaire.
1/ les problèmes de discipline qui, ayant débouché sur l’agression physique de François* E. le jour même, juste après qu’on m’ait interdit de l’assister, me donnaient pleinement raison et démontraient l’incompétence et l’irresponsabilité de la direction ;
2/ la réunion avec les parents que j’avais convoquée pour la semaine suivante, avec l’aval et même à la suite de la recommandation de mon seul supérieur hiérarchique, Frédéric TUMPICH. Cette initiative inquiétait l’administration égyptienne, qui n’avait aucun pouvoir sur moi d’après les statuts. Elle redoutait ce que je pourrais dire aux parents – crainte exacerbée par l’agression contre François* E. Cette réunion aurait renforcé ma position au moment où les contrats pour l’année suivante étaient renouvelés, selon le raisonnement de Frédéric TUMPICH – un calcul sagace et bienveillant ;
3/ l’affaire des retenues avérées sur mes salaires et des falsifications au sujet de mon compte en banque, qui devait être réglée la semaine suivante, lors d’un rendez-vous en présence de Nermine NADA, la directrice égyptienne elle-même – qui ne m’avait jamais reçu jusque-là –, de Frédéric TUMPICH et de Yara YOUSSEF, qui faisait office de secrétaire.
Trois excellentes raisons pour eux de se débarrasser
de moi au premier prétexte – qu’ils cherchaient déjà depuis plusieurs semaines,
selon Frédéric TUMPICH. Un incident extérieur allait leur fournir grossièrement
un tel prétexte. La gravité de la situation était telle qu’ils ont cru parer
ainsi au pire, à savoir les trois confrontations dangereuses prévues la semaine
suivante. De leur point de vue, il était impérieux de me neutraliser et même de
me discréditer de manière préventive.
Je ne peux pas m’étendre sur le niveau réel de
l’instruction dispensée dans ces établissements. Je me contenterai d’attester
qu’il est déplorable, que des cours sont dispensés par des enseignants qui
n’ont nullement la qualification ou l’expérience requises – cf. l’exemple de
Samuel METAUX, prétendu enseignant de Philosophie qui prend en charge des cours
de Lettres, sur lequel je reviendrai, ou d’autres enseignants à qui on
demande/impose d’enseigner une autre matière que la leur, etc. –, et que les
résultats sont falsifiés, afin de complaire aux élèves et par conséquent donner
une fausse impression de réussite (cf. cet échantillon explicite signé Samuel
METAUX, qui révolutionne littéralement l’arithmétique[37]).
Un rapport rédigé à la fin de l’année scolaire 2012-2013 par une collègue
Titulaire, Stéphanie* C., dénonçait cette situation : « La plupart des
difficultés de mes collègues sont nées à partir des premières notations…
Beaucoup de mes collègues des différentes disciplines, notamment les
non-titulaires, ont dû faire face à des situations ingérables de prise du
pouvoir par les élèves. Le chef d’établissement ne semble pas concerné par la «
politique éducative » de l’établissement (qui est pourtant une de ses missions)
et ne cherche pas à offrir les meilleures conditions d’apprentissage aux
élèves. Il a très vite adopté une politique ‘clientéliste’, devançant même
parfois les désirs des parents et concrètement ce sont les parents qui font et
défont les contrats des personnels non-titulaires. Les personnels titulaires
sont davantage protégés par leur détachement…. jusqu’à la fin de l’année. Un
seul collègue titulaire [Eric* C.] a obtenu le renouvellement de son contrat,
il faut dire qu’il n’a pas signé la lettre [de protestation] que nous avions
écrite au sujet de notre collègue [moi-même] qui se trouvait à la grille et
qu’il partageait les mêmes valeurs ‘clientélistes’ que notre chef
d’établissement. » Plus encore, des homologations de classes à examen
se font sans inspection, et malgré la non-reconduite des enseignants Titulaires
dans lesdites matières[38], ce qui avait déjà
été dénoncé dans le rapport SGEN-CFDT de 2008 cité
précédemment : « Visite de l’inspecteur de zone dans le primaire
et constat peu enthousiasmant : il s’en est fallu d’un cheveu que
l’établissement ne soit homologué. Motifs invoqués : absence de projet d’école
et de cadres dignes du système français. Alors, au boulot ! Mais les personnels
y sont déjà et même plus qu’avant ! (…) Ainsi, malgré la réticence de
l’inspection à cette évolution (non prise en compte du rythme biologique des
enfants et arabisation jugée excessive), élèves et enseignants ont vu leurs
horaires de travail s’allonger mais… pas leur salaire ! Le Sgen-CFDT s’étonne,
compte tenu de l’actuelle situation, que l’homologation ne fasse pas l’objet
d’un cadre plus précis avec obligation d’inclure un volet social car les
personnels, et surtout les recrutés locaux, ont la vie dure à Misr. Quant aux
titulaires, ils viennent et s’en vont… »
J’ai évoqué tous ces problèmes –
ainsi que l’ensemble des faits susmentionnés – lors de ma première rencontre
(le 28 mars 2013) avec Paul PETIT, du Service culturel de l’ambassade de
France, et il n’a manifesté aucune surprise. Au contraire, il a corroboré mes
dires et même surenchéri en me disant, je cite, « Vous n’avez pas idée
de ce qui se passe à Balzac » – un autre établissement de la
Mission laïque française au Caire. Je savais déjà par ailleurs qu’il se passait
des choses similaires, et même pires dans les autres établissements français
d’Egypte. Comme j’y reviendrai en détail dans la seconde section, Paul PETIT
m’a dissuadé de mener toute action en justice par des exhortations qui étaient
d’abord bienveillantes en apparence, se sont progressivement faites plus fermes
et enfin ouvertement menaçantes face à ma détermination, m’avertissant que si
j’essayais de mener une quelconque action qui pouvait porter préjudice à
l’image de la France, les services diplomatiques me mettraient de force dans un
avion en direction de Paris. Cela n’est rien moins qu’une menace de kidnapping
et une violation de la souveraineté égyptienne, contre un ressortissant
français qu’on croyait vulnérable et sans défense.
Ambassade de France au Caire
Précisons que dès 1936, le
professeur Henri Guillemin, enseignant en Egypte, dénonçait
par euphémisme « des ‘élèves’ lecteurs assez moyens, dans un climat où
la tricherie aux examens n’était pas exempte [sic] », ce qui
correspond tout à fait à ce que j’ai vu et entendu. Henri Guillemin s’étonnait
de ce que le Ministre de l’Education Nationale, Jean Zay (artisan du caractère
gratuit et obligatoire de l’enseignement secondaire, assassiné en 1944 par la
Milice durant l’Occupation), « a[it] été aussi aimable pour les
Jésuites que pour l’école laïque ; car il y a la Mission laïque et les Jésuites.
Il est allé voir les uns et les autres. Les Jésuites travaillaient à
l’influence française, c’est évident, à l’influence de la langue française,
d’une manière sérieuse[39] ». Comme je
l’ai moi-même constaté, il en va en effet tout autrement pour l’enseignement
dispensé par les établissements de la Mission laïque – et il est vrai que des
établissements catholiques du Caire comme La Mère de Dieu
dispensent un enseignement et une instruction qui peuvent faire honneur à la
réputation d’excellence de la France, comme j’ai pu en témoigner auprès de
personnels et d’élèves particuliers de cet établissement[40].
Stéphanie* C. résume cette situation dans son rapport, auquel je souscris complètement : « Je ne connais pas le droit local mais il y a une telle corruption et les institutions égyptiennes telle la justice sont dans un tel délitement que les employeurs peuvent agir en toute impunité. La MLF (malgré ses beaux discours sur ses valeurs et son éthique) et l’administration française en la personne de l’attaché de coopération culturelle [Paul PETIT], de par leur manque de réaction cautionnent en quelque sorte les agissements de toutes ces écoles homologuées. Cet attaché s’était déplacé à l’école lorsque notre collègue d’origine algérienne s’est vu refuser l’entrée dans l’école, il a gentiment conseillé à notre collègue de renoncer à faire valoir ses droits sous peine de se retrouver dans un avion avec un aller simple. Lorsque notre collègue lui a parlé des nombreux dysfonctionnements de l’école il lui a répondu qu’il était au courant mais que c’était encore pire dans d’autres écoles du Caire comme Balzac… (elles aussi homologuées). En bref, tout le monde sait mais ne dit rien car ‘c’est politique’… c’est le prix à payer de la Francophonie !!! (…) J’étais révoltée lorsque je voyais écrit sur la banderole à l’entrée de l’établissement ‘Lycée français’ alors que de mon point de vue c’est une complète imposture. Je peux certifier qu’aucun cadre de l’éducation nationale française n’est venu dans cet établissement en vue de l’homologation de la terminale durant l’année scolaire 2012 – 2013 et pourtant la terminale a été homologuée. »
Stéphanie* C. résume cette situation dans son rapport, auquel je souscris complètement : « Je ne connais pas le droit local mais il y a une telle corruption et les institutions égyptiennes telle la justice sont dans un tel délitement que les employeurs peuvent agir en toute impunité. La MLF (malgré ses beaux discours sur ses valeurs et son éthique) et l’administration française en la personne de l’attaché de coopération culturelle [Paul PETIT], de par leur manque de réaction cautionnent en quelque sorte les agissements de toutes ces écoles homologuées. Cet attaché s’était déplacé à l’école lorsque notre collègue d’origine algérienne s’est vu refuser l’entrée dans l’école, il a gentiment conseillé à notre collègue de renoncer à faire valoir ses droits sous peine de se retrouver dans un avion avec un aller simple. Lorsque notre collègue lui a parlé des nombreux dysfonctionnements de l’école il lui a répondu qu’il était au courant mais que c’était encore pire dans d’autres écoles du Caire comme Balzac… (elles aussi homologuées). En bref, tout le monde sait mais ne dit rien car ‘c’est politique’… c’est le prix à payer de la Francophonie !!! (…) J’étais révoltée lorsque je voyais écrit sur la banderole à l’entrée de l’établissement ‘Lycée français’ alors que de mon point de vue c’est une complète imposture. Je peux certifier qu’aucun cadre de l’éducation nationale française n’est venu dans cet établissement en vue de l’homologation de la terminale durant l’année scolaire 2012 – 2013 et pourtant la terminale a été homologuée. »
On comprend donc l’intérêt que
pouvaient avoir la direction de la MLF et les autorités diplomatiques à agir
contre moi, afin d’étouffer ce qui se passait réellement dans ces
établissements en fait d’instruction et d’éducation. Cela est révélateur des
liens inavouables qui existence entre les différentes composantes de cette
organisation.
[A suivre...]
[1] Charte
des personnels de la MLF : « Sous l’autorité du chef
d’établissement ou du directeur de leur école, ils [les enseignants] agiront
dans le respect des textes officiels, des orientations et des directives : du
ministère de l’éducation nationale ; du ministère des affaires étrangères ; de
l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; de la Mission laïque
française qui est leur employeur et à laquelle ils rendent compte
de leur action. » Cf. également : « Partenaire des ministères
français de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères, elle [la MLF] a
pour objectif ‘de diffuser à travers le monde la langue et la culture
françaises par un enseignement de qualité, respectueux de la liberté de
conscience et de la diversité culturelle’. À ce titre, elle participe de la
politique éducative et culturelle développée par les postes diplomatiques dans
le monde. […] La Mission laïque française gère et anime un réseau de 126
établissements scolaires fréquentés par 49 800 élèves. » http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/cooperation-educative-enseignement/politique-scolaire/article/le-reseau-de-la-mission-laique
[2] Cf. ces échantillons de courriels de Frédéric TUMPICH
lui-même, qui évoque « des classes bordélisées ou bruyantes »
(19 novembre 2012), et qui reconnaît qu’il est sur le point de craquer dans un
courriel à Salima* C., enseignante de Français et d’Histoire-Géographie,
Titulaire de l’Education Nationale, plus de vingt ans de services, après
qu’elle ait été écrasée sous une armoire durant un cours : « Bonjour
la rescapée, Je suis carrément preneur de la masseuse. (…) J’y vais
parce que sinon c’est le burn out. » (10 novembre 2012). Cf. encore la
note n° 10, et cet extrait d’un rapport de Salima* C. adressé à Frédéric
TUMPICH début mars 2013 : « A la mi-janvier, ne supportant plus
l’absurdité de ma situation dans ces classes, je vous annonce mon intention de
partir. Vous me suppliez de ne pas démissionner. Vous exprimez clairement
qu’une seconde démission porterait préjudice à votre carrière. Vous êtes au
bord des larmes. Vous me promettez de mettre en place les mesures qui
s’imposent… Aucune mesure efficace n’est prise de votre part une fois de plus.
Je ne me sens pas épaulée par mon supérieur hiérarchique. Mes collègues ont le
même sentiment. »
[3] Cf. ce rapport de Salima* C. au Proviseur, Frédéric
TUMPICH, datant de mars 2013 : « Dans ces classes, je tente
quotidiennement, d’une heure à l’autre, d’instaurer un retour au calme pour
faire cours. Et j’y parviens souvent mais à mon détriment. L’effort qu’il faut
fournir pour capter leur attention est démesuré. Il faut s’arrêter toutes les
dix minutes pour remettre de l’ordre. De plus, à chaque séance, il faut
recommencer à zéro. Ces excès de la part des élèves m’épuisent : mon épaule se
paralyse et me fait subir de vives souffrances jour et nuit. Je consulte
plusieurs médecins tout en continuant de travailler. Finalement, début octobre
2012, un spécialiste estime que je dois impérativement cesser de travailler
sous peine de perdre l’usage de mon bras. Et me prescrit un arrêt de travail.
Des collègues très expérimentés sont l’objet de divers mouvements d’élèves
contestant leur compétence et plusieurs d’entre nous vous demandons de mettre
fin à cette agitation. Aucune action de votre part ne se fait jour. »
[4] Cf. ce rapport de Myriam* H., la collègue que je
remplaçais, daté du 17 octobre 2012 (un mois avant mon arrivée) : « Je
rencontre depuis la rentrée de gros problèmes avec la classe de 4ème A qui me
freinent considérablement dans ma progression. Mercredi 17, la cloche sonne,
les élèves de 4ème A ne semblent pas l’entendre. Ils continuent de chahuter aux
abords de la classe et ignorent délibérément ma présence à la porte. A
plusieurs reprises je leur demande de se ranger, en vain. Finalement, je
parviens à les faire ranger. Ils entrent dans la classe et recommencent de plus
belle à chahuter et à se parler les uns aux autres en ignorant totalement ma
présence. Je leur demande de se tenir debout à leurs tables avant de s’asseoir,
quelques-uns s’exécutent mais les autres continuent de s’agiter et de parler.
Je réitère ma consigne et je demande le silence pour faire l’appel. Ils
m’ignorent. Je m’adresse en particulier à certains d’entre eux [et leur
demande] de respecter le règlement et je leur propose de réviser le contrôle de
conjugaison à venir en précisant qu’ils sont tous capables d’obtenir de bonnes
notes à ce contrôle. Après quoi, je recommence l’appel, aucun d’entre [eux] ne
répond à l’appel de son nom vu le brouhaha. Je hausse le ton en leur exprimant
ma déception devant un pareil comportement et leur répète qu’ils sont capables
d’obtenir de bons résultats dès lors qu’ils consentiraient à adapter un
comportement d’élèves sérieux. Les bavardages continuent de plus belle,
certains élèves me tournent le dos en parlant à leurs camarades. Le raffût
prend encore plus d’ampleur (cris aigus, éclats de rires, balancement sur les
chaises, etc.) quand je leur dis, je cite : ‘Arrêtez ! J’ai l’impression d’être
chez les fous !’ Ils devenaient incontrôlables et je me suis sentie démunie
face à ce manque total de respect. Le bruit enfla encore, m’humiliant
davantage. A bout, je leur annonce que j’en ai assez de ne pas arriver à faire
correctement mon travail et que je vais finir par partir. Réaction des élèves
en chœur : ‘au revoir Madame’ en riant, en m’imitant et en continuant à se
balancer sur leurs chaises ! Sur ce, j’ai en effet quitté la classe pour
prévenir Madame Ola. Celle-ci n’étant pas là, Madame
Mona s’est précipitée pour me remplacer mais revint quelques minutes
plus tard en disant : ‘c’est la catastrophe, il faut prévenir Frédéric.’ »
[5] Cf. cet autre rapport de Myriam* H., datée du 11 mars
2013 : « Dès la deuxième semaine, après une semaine de prise de contact
avec les élèves, ces derniers ont montré le comportement suivant : - Ils
entrent en classe en chahutant. - Je fais l'appel dans le brouhaha. - Ils ne
m'écoutent pas, n'obéissent pas et refusent de se calmer malgré mes demandes. -
Le cours commence généralement après 10 ou 15 minutes de négociation avec les
élèves. - Je suis sans cesse interrompue par des bavardages et des demandes
intempestives qui parfois ne concernent pas le cours. - Ils méprisent
totalement le règlement intérieur. - Certains élèves vont même jusqu'à se
moquer de moi en m'imitant. - Je dois élever la voix pour me faire entendre. -
Ils font des comptes-rendus mensongers à leurs parents. - Ils contestent leurs
notes et comme je maintenais systématiquement la note attribuée, ils me
faisaient une mauvaise réputation auprès d'autres élèves et auprès de leurs
familles. - Ils se rendaient ‘dans mon dos’ dans le bureau du proviseur pour me
dénigrer et celui-ci annulait mes punitions. Les élèves revenaient en cours,
forts de leur victoire et multipliaient les provocations à mon égard. J'ai
interpellé Monsieur le proviseur à plusieurs reprises pour lui décrire la
situation et tenter de trouver avec lui des solutions. En vain. Après mon
départ il a expliqué ma démission aux collègues en disant que je n'étais pas
compétente et que j'étais ‘psychologiquement fragile.’ Il savait très bien
cependant que j'avais 12 ans d'expérience et d'excellents états de service.
Comme je l'ai écrit à Monsieur TUMPICH en Octobre 2012, la situation à Misr
Language School me semblait déjà irrécupérable. J'ai ensuite été recrutée par
un autre établissement au Caire [La Mère de Dieu] où règne une discipline
parfaite grâce à laquelle je peux exercer avec bonheur mon métier
d'enseignante. Cette discipline est le fait de la direction de l'établissement
qui considère qu'elle est un préalable et une base inégociable pour faire cours
et dont elle se porte garante. » Même après le départ de Myriam* H.,
le Proviseur a continué à prêter une oreille complaisante aux élèves par-devers
les enseignants, comme l’atteste ce courriel de Salima* C. au Proviseur
Frédéric TUMPICH daté du 13 février : « S***, W***, et A***
[étaient] installés au fond de la classe [et] ont bavardé sans interruption
pendant toute la projection. Je leur ai demandé à plusieurs reprises de se
taire car ils dérangeaient leurs camarades. Rien n'y fit. Ils ont continué à
bavarder. J'ai donc pris la décision de saisir leurs carnets de correspondance
et de leur attribuer une fiche de suivi qui est – parfois – le seul moyen de
les tempérer un peu quelques jours. Quelle ne fut pas ma surprise, au moment où
je quittais l'établissement de découvrir accidentellement ces trois élèves chez
le proviseur où ils étaient allés se plaindre d'avoir été ‘fichés’ par moi !! »
[6] Cf. par exemple cet extrait d’un courriel que j’ai
adressé à mes proches le 23 novembre 2012, quelques jours seulement après mon
arrivée, suite à une réunion direction-parents-professeurs et après
« briefing » de la part des collègues expérimentés : « C’est
un établissement pour la haute de la haute, qui paient une fortune, et qui sont
traités comme les clients princiers qu’ils sont. L’établissement entier est
donc à leur service, depuis les surveillants et femmes de ménage qu’ils peuvent
traiter comme de la m***, jusqu’aux Professeurs et même aux plus hauts degrés
de l’administration, CPE, Proviseur, Directrice d’établissement. Imaginez un
PROVISEUR qui doit négocier avec les élèves pour obtenir leur carnet de
correspondance, et qui reçoit des appels des parents pour telle ou telle
sanction mise par un Prof et qu’il va ensuite s’efforcer d’effacer, en appelant
le Prof ou directement en supprimant de lui-même la sanction. Les élèves et
leurs parents sont les clients, et entre eux et un Prof y a pas à hésiter, j’ai
assisté à une réunion parents-profs, c’était hallucinant, les parents
remettaient tout sur le dos des Profs (un gars a parlé de la Gestapo, style les
Profs sont malveillants et se liguent contre les élèves) et l’administration
acquiesçait, disant qu’il y avait des abus et manquements, ct [c’était] les
Profs d’une part contre l’administration et les parents d’autre part, vraiment
tendu. Ce qui compte c’est que le client soit content, et pour ça tous les
moyens sont bons. C[’est] une pression infernale pour t[ou]t le monde, et
b[eau]c[ou]p ne parlent que de partir. » Voir encore ce rapport de
Salima* C. à Frédéric TUMPICH daté du 31 mars 2013, qui dénonce « des
enfants rendus tout-puissants par défaillance du cadre, (…) l’indiscipline
compulsive et usante des élèves de l’établissement, leur attitude
irrespectueuse à l’égard des règles et des enseignants, leurs versions
déformées des faits à leurs parents, et leur impunité » et dénonce
l’organisation par Frédéric TUMPICH de cette « réunion des parents
d’élèves (…) où les enseignants déjà fortement perturbés par l’agitation
constante des jeunes sont appelés à se justifier comme s’ils étaient coupables.
Régulièrement, votre gestion sera basée sur la culpabilisation de l’enseignant.
Et nous aurons affaire en permanence au double bind : réception
d’ordres contradictoires inapplicables. De surcroît, vous êtes l’auteur de
nombreux revirements : ce qui est préconisé un jour est abandonné ou renié
le lendemain... Pas de vision globale : navigation à vue. On évite
un récif in extremis ; on heurte le suivant de plein fouet. »
[7] Cf. par exemple ce rapport d’une collègue titulaire,
Stéphanie C*, rédigé à la fin de l’année scolaire 2012-2013 : « Liberté
pédagogique : Rien d’écrit mais les pressions par le proviseur pour
satisfaire les parents (dans notre contrat il est indiqué le mot « clients » et
non parents) sont permanentes. Si les parents demandent au proviseur que tel
professeur de maths distribue des polycopiés de son cours à ses élèves (qui ne
veulent pas prendre de notes), le soir même le collègue reçoit un mail du
proviseur lui donnant l’ordre de donner des polycopiés à ses élèves. (…)
Une collègue titulaire qui refusait de se laisser dicter sa façon de
travailler pour faire plaisir aux parents a été l’objet de harcèlement moral de
la part du chef d’établissement. »
[8] Cf. ces extraits du témoignage de François* E. portant
sur des événements survenus les 14 et 21 mars, daté du 11 mai 2013 :
« je me suis fait agresser verbalement par l’élève N***, celui-ci
voulant faire rester ses camarades de 1ère-ES dans la salle […]
cet élève m’agressa de nouveau verbalement et tenta de m’intimider physiquement
le jeudi 21 mars, en présence de Farid* Y., un enseignant du Collège. »
[9] Cf. ce courriel adressé au Proviseur le 5
décembre 2012 par Salima* C. : « Mr le Proviseur, Irrécupérable ou pas
?! Je parviens de moins en moins à supporter le comportement des élèves de
toutes les classes (excepté mes secondes mais elles semblent faire endurer à
d'autres ce qu'elles m'épargent à moi) Aujourd'hui je suis rentrée avec un
renouveau de douleur au bras... Rasl'bol. C'est usant, harassant et
inintéressant. Si des mesures radicales ne sont pas prises (autres que des
animations socio-culturelles bien inefficaces), je jette l'éponge. Ce n'est
plus une vie. Je rentre chaque jour chez moi exténuée, et je me couche
immédiatement pour dormir systématiquement au moins deux ou trois heures !! Ces
élèves sont atteints d'une agitation compulsive et impunie qui rend bien vaine
toute stratégie de récupération complaisante. De 8h à 15h, sans compter le
trajet, toute la semaine, nous sommes en présence d'un état de fait dont
l'absurdité n'a d'égale que sa capacité de détruire. Croyez bien, malgré les
apparences, en la cordialité de ce message. »
[10] Cf. cet extrait du rapport de Stéphanie* C. au sujet
de la place des parents : « Ils payent donc ils peuvent tout exiger…
Les élèves égyptiens vivent dans une société où les relations humaines sont
bâties sur le modèle ‘dominants/dominés’. Les élèves des écoles homologués de
par leur classe sociale sont nés du côté des ‘dominants’ avec tout ce que cela
comporte : nombreux domestiques à leur service, argent qui permet de ‘tout’
acheter. A l’échelle de la relation pédagogique on retrouve les mêmes
problèmes, face à des enfants ‘rois’ qui ont tendance à se conduire en toute
impunité puisque leurs parents payent et l’administration, dont la direction
française actuelle (…), exaucent tous leurs vœux. Il faut être très déterminé,
montrer qu’on ‘domine’ sa classe, sans compromission (ce qui demande beaucoup
d’énergie surtout quand la direction ne nous soutient pas) ou bien se laisser
aller à la démagogie. » Frédéric TUMPICH, dans un courriel qu’il
m’adressait le 8 novembre 2012, juste après mon recrutement et avant mon départ
pour l’Egypte (et qu’il a fait suivre à Salima* C.), corroborait ces
faits : « La situation a été très tendue cette semaine (…) Je suis
en train d'organiser du soutien, etc... de répondre à une poussée d'énervement
en partie justifiée et en partie irrationnelle des parents d'élèves. (…) Et
quand ils ont l'impression qu'on les mène nulle part, [les élèves] décrochent
et se lancent dans une agitation qui épuise certains de vos collègues. (…)
Ne pas élever la voix quand ils se mettent à discuter. Ils réagissent très
mal quand on les brutalise. (…) Quand ils sont tentés de prendre la tangente,
entrent dans une discussion, commencent à se parler d'un bout à l'autre de la
classe, etc... j'ai dit très doucement: ‘Non, nous avons notre programme à
faire. C'est plus important. Si. C'est plus important.’ Je ne sais pas si cela
marcherait à Sarcelles ou Saint-Denis, mais là, ça marche. Evidemment,
l'expérience est faussée car je suis le proviseur. » Remarque de Salima* C.
au sujet de cet extrait dans un rapport qu’elle a adressé à Frédéric
TUMPICH : « Les élèves sont donc capables d’avoir un comportement
scolaire impeccable et de respecter l’enseignant… à condition qu’il soit
proviseur ! Vous démontrez ainsi vous-même que votre fonction est décisive aux
yeux de nos élèves. Quel message leur parvient-il alors lorsque vous annulez
des punitions de l’enseignant ou que vous leur prêter une oreille complaisante
alors qu’ils sont sanctionnés par un professeur à cause de leur indiscipline
incessante, voire de leur insolence ? »
[11] Etaient notamment dénoncés l’absence « [d’]un
disjoncteur différentiel [dans] le labo-1 pour pouvoir déconnecter les tables
élèves. Cela a pas mal traîné et suite à l'intervention de Farid* en réunion
avec des parents cela fut installé […]. J'ai aussi fait déplacer l'ingénieur
chargé du suivi des travaux des labos pour lui faire constater que les
connexions de fils électriques étaient apparentes et que cela présentait un
réel danger pour les élèves, d'autant plus que ces connexions étaient au pied
des tables métalliques. Cela n'a jamais était modifié jusque mon départ fin
juin. » (François* E.)
[12] Cf. Article 1 du Contrat : « [L’employé]
reçoit ses instructions du chef d’établissement de la section française. »
Il est bien stipulé dans la Charte de la MLF que celle-ci est le seul employeur
des enseignants, et qu’ils ne répondent que devant des instances
françaises (cf. note n° 1).
[13] Cf. ce rapport de Stéphanie* C. qui dénonce « l’attitude
du chef d’établissement français dont la connivence avec les investisseurs
(carrière oblige) provoque des comportements de soumission de la part des
professeurs qui subissent l’insupportable que ce soit de la part des élèves,
des familles-clients ou de la direction égyptienne » et « l’impunité
d’un chef d’établissement français qui agit en dehors de tout ‘contrôle’
français et qui soumet le personnel à l’arbitraire ». Frédéric
TUMPICH, acceptant d’être traité comme un pion de la part de l’administration
égyptienne, a lui-même ses propres moments de panique comme nous l’avons déjà
vu en note n° 2. La réalité est en effet très éloignée des protestations de
transparence de la Charte de la Mission laïque française, dont le point 6
prétend que « La Mission laïque française garantit la qualité du projet
éducatif proposé aux familles par ses établissements. Elle veille à la
transparence de leurs procédures de gestion et au bon usage des moyens qu’ils
recueillent. »
[14] Frédéric TUMPICH, dans un courriel du 12 avril 2013
adressé aux personnels, y faisait directement référence avec une remarquable
impudence : « Mme Nermine et moi avons aussi été discuter avec les élèves de
6ème pour mettre fin aux rumeurs [c’est-à-dire les répandre, en vain] et avons
communiqué avec les parents par écrit puis en recevant une délégation. Le sens
de notre message était simple: nous avons rappelé que le recours à la violence
physique était inexcusable » [alors que deux des 3 personnes qui avaient
effectivement usé de violence, Samuel METAUX, l’agresseur, et sa compagne Mme
Isabelle C., qui s’est mêlée à la danse en me mettant un coup de poing auquel
je n’ai pas réagi, n’ont nullement été inquiétés et sont encore en poste à ce
jour, et j’ai été le seul à être sanctionné, malgré la légitime défense établie
sans le moindre doute possible]. Comparer ces allégations à ce message d’une
élève de 6e daté du 31 mars 2013, juste après la propagande ignoble de Frédéric
TUMPICH et Nermine NADA visant à me faire passer pour un élément dangereux et
incontrôlable : « Cher M.Sallah, Ne soyez pas triste. M.Sallah on a tous
pleurer quand vous etes exclue par l'ecole,on voulais vous voir mais l'ecole
nous as dit que c'etait interdit. Je vous souhaite une bonne chance monsieur.
(…) Toute les 6eme vous aime. » ; ou ce témoignage d’une maman d’élève de
6e datant du 12 mai 2013, après que les diffamations à mon encontre aient
atteint de nouveaux sommets: « Au sujet du Professeur S., je n’ai entendu
que tout le bien possible de la part de mon fils (élève de 6e) et des autres
élèves de sa classe et des autres classes et niveaux. Tous attestent fermement
de ses bonnes manières dans son comportement avec eux. […] Au début, j’avais
l’impression qu’il était exagérément doux avec ses élèves mais il semblerait
que cela ait été sa manière de tisser des liens de proximité avec eux. Cette
vue est soutenue par le très fort attachement et la grande affection qu’ils
éprouvent maintenant pour lui » ; ou encore ce témoignage d’un parent
d’élève de 4e daté du 1er mai 2013 : « les vigiles de l’école ont menacé les
élèves en leur disant que la Directrice de l’école avait dit que tout élève qui
parle avec le Prof. S. aura des problèmes dans l’école. » Nous reviendrons
plus en détail sur ces éléments dans la section 3.
[15] Selon Frédéric TUMPICH, une forme de discrimination
aurait également joué dans le sort qui a été réservé à Myriam* H., eu égard à
son origine algérienne. Je résumais ce propos dans un courriel à Frédéric
TUMPICH daté du 3 avril 2013 : « Je me souviens de notre première
entrevue sur Skype, pendant laquelle vous me parliez du racisme ambiant à MISR,
m’avertissant qu’en tant qu’Arabe, ce serait encore plus dur pour moi, et plus
encore en tant qu’Algérien, et que du reste cela avait beaucoup joué dans le
départ de Myriam*. Vous m’avez averti de ce à quoi j’allais m’exposer, mais
vous m’avez présenté ce racisme comme émanant des parents et des élèves. Hors,
je vois une expression magistrale de ce racisme dans la décision de
l’administration égyptienne d’exclure un SALAH L. et de garder un SAMUEL
METAUX, avant toute enquête, et malgré toutes les preuves accablantes contre
Samuel Métaux qui vous ont été transmises. Et j’ai parlé à de nombreux parents
indignés qui ont présenté la chose en ces termes. » Un parent d’élève
de 6e s’en indignait effectivement dans un courriel collectif à tous
les parents daté du 9 avril 2013 : « si vous creusez dans
l’histoire de l’école, vous découvrirez que de tels incidents n’arrivent
qu’avec des Français non-purs – c’est une honte… :( » Au-delà
même de mes différends avec MISR, l’école « vendant » une image
française, elle considère en effet qu’un nom « arabe » a une
connotation moins positive qu’un nom « français », indépendamment des
diplômes & compétences (sans quoi la « petite » affaire Métaux/L.
n’aurait pu avoir lieu, comme nous le verrons dans la 2e section),
et ce point a ainsi pu s’ajouter à tous les autres contentieux.
[16] Ces démissions sont recensées par Salima* C. dans un
rapport adressé à Frédéric TUMPICH le 31 mars 2013 : « [L]a
démission [de Myriam* H.] fut suivie par le départ du professeur de musique qui
fut chahuté à l’extrême par les élèves de 4ème A sous mes yeux et
ceux de Madame Sylvie* F., professeur d’anglais. Pas de sanction. (…) Madame
Sylvie* F. part en congé maladie. Diverses remplaçantes se succèdent dont l’une
prendra la fuite en laissant ses affaires étalées sur une table (…). Madame
Christelle* G. démissionne à son tour à la fois pour des raisons
administratives : l’établissement ne lui procure pas de visa de travail et
fait payer des impôts chaque mois à cette salariée clandestine involontaire
qu’on refuse de lui rembourser ; elle démissionne également pour des
motifs dus à la situation générale du collège. »
[17] Cf. cet échange entre Salima* C. et le Proviseur
Frédéric TUMPICH au soir de mon arrivée, le 19 novembre 2012 : Salima* C.
« Il a fallu aujourd'hui tenir les 6èmes d'une main de fer (dans un
gant de velours...); ils ont été très pénibles : agitation et bavardages
permanents. Il faut, à mon avis, protéger rapidement Mr S. qui les aura 8
heures par semaine... Bien cordialement, et bonne soirée. » Réponse de
Frédéric TUMPICH : « Oui, mais faire quoi? Maintenant, j'envoie les
espèces de zombies qui nous servent de pions dans les classes bordélisées ou
bruyantes au lieu de les laisser prendre le soleil dans la cour comme si de
rien n'était. Mais ce n'est pas assez. S. a eu les 4A en afterschool. Il était
sous le choc...On se voit demain. On montre de la solidarité. Bonne
soirée. »
[18] Cf. ces extraits de courriels adressés à mes proches
les 27 et 28 novembre 2012 : « Paraîtrait (rumeur rumeur)
qu'on veut carrément me virer et qu'on attend juste le prétexte. Mais 4 ou 5
collègues ont été dans le même cas. On me conseille d'envoyer un mot au
Proviseur pour avoir une trace écrite. Je préfère aller le voir de visu. »
« C[’est] vraiment des rats et on est que des pions pour eux. (…) on
dispose de moi et on me remplace, ce matin je me plains et le proviseur me
rappelle texto que je suis en période d'essai pour 3 mois, style amovible à
souhait. » Ce qui était d’autant plus scandaleux que le Proviseur
lui-même était à bout, comme en témoigne son affirmation précédemment citée
dans son courriel à Salima* C. daté du 8 novembre : « Je suis
carrément preneur de la masseuse. (…) J’y vais parce que sinon c’est le burn
out. » Commentaire de ladite collègue, en référence à l’accusation de
« fragilité psychologique » portée contre Myriam* H. après sa démission
: « Si je comprends bien l’anglais « burn out »
signifie « craquer ». Les enseignants ne sont donc pas les seuls à être
« fragiles. »
[19] Cf. note n° 17 et ce message adressé à mes proches
après mon premier jour de cours, le 19 novembre 2012 au soir : « Ils
m'ont bouffé tout cru. C'était vraiment le cercueil d'énoncer ces règles si
strictes dans un établissement miné par les pbs de discipline, où les
expérimentés même demandent à partir pour l'an suivant – voire même avant,
comme celle que je remplace – wallah les 6e B m'ont tué ils ont applaudi après
mes règles, style bravo gars t'y crois. Impossible de les faire taire, ils
parlent tous, 80%. Tous les collègues ont ces pbs. » Comparer
l’évolution de la situation avec ce témoignage d’une maman de 6e sur
ma relation avec mes élèves, daté du 25 mai 2013 : « une relation
bienveillante emplie de compréhension, de respect et d’échanges culturels, et
c’est pourquoi la discipline régnait et il était soucieux de connaître leurs
difficultés et essayait de les aider bénévolement, sans rien demander en
échange (…) les élèves le respectaient énormément et il était désireux de les
aider ; ils lui en étaient reconnaissants et parlaient de leur affection
pour lui aux autres enseignants » ; témoignage d’un parent
d’élève de 4e datant du 1er mai 2013 : « le
Prof. S. est un excellent enseignant en ce qui concerne le savoir et en ce
qui concerne sa relation avec les élèves. » ; une autre parent
d’élève, le 1er avril 2013 : « Du côté académique, je
dois admettre que je n’ai jamais eu à me plaindre de vous et pour être plus
précis, vous avez été d’une grande aide pour mon fils. A ma connaissance, vous
êtes le seul enseignant à avoir donné son numéro de téléphone aux parents et
vous étiez toujours prêt à aider gratuitement, que ce soit durant les heures
d’école ou au téléphone après les cours. Vous n’avez jamais refusé votre aide à
mon fils sur le plan académique, et vous lui réexpliquiez à sa demande tout
point du programme » ; une élève de 6e, le 31 mars
2013: « Cher monsieur, Nous sommes désolé de ce que c'est passé, nous
voulons vous salue[r] avant de partir mais on n'avaient pas le droit et on a
pleuré beaucoup nous voulons vous dire que vous étiez un trés bien professeur
pour nous qui nous a enseigné le francais avec un niveaux élevée merci de tout
se que vous a fait pour nous et on ne vous oublieront jamais » ;
un élève de 4e, le 30 mars 2013 : « Bonjour M. Saleh,
Vous me manquez beaucoup fâché de vot[re] absence vous me manquez plus que vous
le croyez, vous êtes le meilleur prof que j'ai eu, j'étais très fâché quand
j'ai su que vous n'allez pas nous donner après les vacance. Vraiment monsieur
s'pas parceque je vous parle, vous êtes le meilleur prof que j'ai eu, je vous
ai beaucoup aimez, je comprenais de vous mieu que n'importe qu'elle prof.
Vraiment Monsieur il n'y a aucun prof qui peu vous remplacer est il soit de
votre intelligence ou comme vous. (…) excusez mois pour les faute d'autographe
dans le message » Nous reviendrons sur cela en 2e section.
[20] Rapport qu’en a fait Stéphanie* C. : « Une de
nos collègues titulaire enceinte, rentrée en France pour des examens médicaux a
été en arrêt maladie début janvier jusqu’au 5 mars 2013. Le Proviseur l’a
contactée sur skype et lui a demandé de démissionner car ‘il avait un
établissement à gérer’ (et des parents qui avaient trouvé une remplaçante à
satisfaire). Il a enrobé ses pressions exercées sur notre collègue en lui
disant que la MLF était d’accord et l’aiderait à réintégrer en France. »
[21] Cf. cet extrait d’un courriel adressé à mes proches
après mes premiers jours, le 20 novembre 2012 : « Hier soir [j’ai]
été forcé à sortir par un collègue malgré ma fatigue, soirée privée entre un
groupe de 3 profs dont mon hôte, y en a pas un qui aime son boulot, c[’est] le
bordel, et ils parlent d'unetelle ou d'untel qui disent aimer ou arriver à les
tenir et que ça se passe bien comme des menteurs/hypocrites (sauf en primaire).
Le bon temps, c en dehors des cours, en congé, ou exceptionnellement avec telle
ou telle classe qui est calme. Ils m'ont dit de surtout pas douter de moi ou me
remettre en cause, mais un prof qui tient pas sa classe... Enfin si des
vétérans gèrent des élèves qui font même des votes pour les exclure... Mais on
est pas là pour travailler. Ce qui est sûr c que mes critères de choix [j’avais
été contacté simultanément par MISR et Balzac] étaient faux, le proviseur fait
pas son boulot et est critiqué vivement par les collègues, m'a lâché dans les
classes sans préavis et me donne des heures de perm imprévues (le collège qui
assumait l'intérim voulait plus les voir ces 4e, il me l'a dit franco quand je
l'ai vu) alors que je suis fatigué et débutant, et la gestion du personnel est
faite pour les élèves, les payeurs – 5000 à 15 000 euros annuels !!!!! – qui se
comportent comme les propriétaires de l'école. » Le sort des
enseignants égyptiens est pire encore, comme le souligne le rapport de
Stéphanie* C. : « Les enseignants égyptiens sont corvéables à
merci, contraints de rester toute la journée dans l’établissement, contraints
de participer aux activités (le week end de préférence) pour promouvoir l’établissement
pour un salaire de misère (la moitié du salaire du 1er échelon de la grille des
non-titulaires) ».
[22] Consultable en ligne : etranger.sgen-cfdt.org/spip/IMG/pdf/88Printemps2008.pdf,
pp. 10-11.
[23] Qui continuaient à se dégrader comme le précisent ces
comptes rendus de Salima* C. au Proviseur Frédéric TUMPICH : « La
situation au collège, et dans certaines classes du lycée, continuent de se
détériorer. Les mois de janvier et février 2013 ont été très pénibles. Vous ne
parvenez pas à rétablir une quelconque discipline dans l’école. Les enfants ne
rencontrent aucune véritable limite. » (13 mars 2013) ; « Les
dysfonctionnements de Misr sont tels que je ne suis plus en mesure d’être
présente toute la journée dans l’établissement (…) je rentre chaque jour plus
fatiguée que la veille comme la plupart de mes collègues du collège. Mes
enfants ne me voient quasiment plus si ce n’est dans un état d’épuisement complet.
Je suis de plus en plus incapable de jouer mon rôle de mère. » (19
janvier) ; « Je voulais aussi vous dire que l’équipe enseignante
est de plus en plus abattue et découragée. » (11 février).
[24] De telles mesures d’accompagnement avaient été prévues
avant même mon recrutement du fait du chaos qui régnait dans l’établissement et
des plaintes des enseignants, comme on peut le lire dans les courriels du
Proviseur adressés aux personnels avant ma venue, tel ce courriel du 22
octobre 2013 dont j’ai eu connaissance a posteriori et qui traduit éloquemment
le chaos endémique à l’école et le dangereux amateurisme de Frédéric TUMPICH,
dont c’était également le premier poste en tant que Proviseur : « Je vous
remercie pour votre participation à la réunion d’hier et la franchise de vos
interventions. […] Message reçu. Pour rétablir la sérénité en cours, voici les
protocoles qui se seront mis en place à la rentrée. Le professeur principal
identifie les élèves perturbateurs. […] Il est recommandé d’encourager les
élèves qui font des efforts pour s’amender ou lutter contre leur bougeotte,
leurs démons. […] Si un élève "replonge", une autre fiche de suivi
doit lui être imposée. Dans le cas où une classe entière se comporte mal, les
enseignants le signalent au PP, à la Vie scolaire et me le signalent. […]
N'oubliez pas : - que le système des retenues pendant la récréation peut
être mis en place. - que vous pouvez aller aider vos collègues pendant un
cours qui se passe mal d'ordinaire (en vous plaçant au fond de la salle par
exemple). - que nous pouvons aussi tenir les classes avec les projets de
voyage, de kermesse, d'action caritative, etc. » Voir également note n° 32.
[25] Cf. par exemple ce compte rendu de la première de ces
expériences avec François* E. le 7 mars 2013, datant du jour même : « Les
élèves sont arrivés en cours vers 13h20 [au lieu de 13h], dans un chahut
aggravé par la présence inattendue, parmi eux, des élèves de Première ES (qui
auraient dû être en cours avec Farid* Y., absent), et qui se sont invités dans
ma salle sans même me consulter. Je ne les ai évidemment pas acceptés, et leur
ai demandé de sortir. Face à leur réticence, S. (qui n'avait même pas encore eu
l'occasion de se présenter) m'a aidé en leur demandant de sortir au plus vite
afin que le cours puisse enfin commencer, et lorsqu'un élève de Première S,
I***, s'est permis de m'interpeller insolemment pour contester ma décision et
"proclamer" le droit des élèves de Première ES d'assister à ce cours
[…], M. S., qui était alors juste à côté de lui, lui a intimé l'ordre de
baisser d'un ton et de s'adresser respectueusement à moi […] I*** a ensuite
redoublé d'insolence en disant à S. qu'il ne s'adressait pas à lui mais à moi,
et qu'il ne devait pas élever la voix sur lui (alors que lui-même se permettait
d'élever la voix sur son Professeur, pour une question qui ne le concernait en
rien !) […]. Suite à cette altercation verbale et grâce à l'aide de S., les
élèves de Première ES sont sortis, mais ils étaient suivis par la majorité des
élèves de Première S. Ils se sont installés au beau milieu de la cour. […]
Quelques minutes plus tard, Ola [la Conseillère Principale d’Education]
est venue demander des explications sur ce qui s'était passé, ne comprenant pas
que les élèves soient entrés dans un premier temps puis ressortis. Elle pensait
que S. avait été la cause d'un incident. Je lui ai expliqué ce qui s'était
passé en réalité, et S. lui a exprimé son étonnement de la voir servir ainsi
d'intermédiaire entre les élèves et les Professeurs, au lieu de tout simplement
leur ordonner (aux Première S) de retourner en cours, laissant les explications
à plus tard – ou au moins de les demander en privé, et non pas devant les
élèves, ce qui peut donner l'apparence d'un poids égal (voire inférieur) à la
parole des Professeurs et des élèves. En effet, en temps normal, rien,
absolument rien ne saurait justifier qu'un quelconque élève – a fortiori les
2/3 de la classe – quittent la classe sans s'exposer aux sanctions les plus
sévères. Ce n'est pas à un Professeur de se justifier – ni même à des élèves de
les justifier, car ceux-ci ont été sollicités pour corroborer notre version des
faits, ce qu'ils ont fait, comme s'il était nécessaire de les consulter –
publiquement – à propos de la décision conjointe d'un (de deux) Professeur(s).
Ola est repartie, et quelques minutes plus tard, elle est revenue avec la
plupart des élèves de Première S, à l'exception de I*** qui était dans son
bureau. Le cours a ensuite pu commencer, et s'est même mieux passé que d'habitude
grâce à la présence d'un deuxième Professeur. S. a même pu échanger avec les
élèves. […] Si cela était possible, je pense qu'il serait très profitable pour
tous que S. (qui est d'accord sur le principe) puisse se voir affecter cette
heure de cours à mes côtés, voire même deux heures le dimanche avec ces mêmes
Première S, dont il est notoire que c'est la classe la plus difficile de
l'établissement. »
[26] Cf. cet extrait d’un courriel à mes proches daté du
20 décembre 2012 : « Des ennuis, certains parents et élèves
veulent ma peau apparemment, le proviseur dixit […] vu que je veux les tenir et
y mets le prix – sévérité, punitions, exclusions de cours. Hier, j'ai une maman
qui est venue me voir, avec le Proviseur, pour nous dire qu'on exagère, j'ai
exclu sa fille qui bavardait, a rechigné à se déplacer, me parlait insolemment
[…] et la maman me dit que c[’est] pas une école religieuse, et que ma
directive ne paraissait pas logique à sa fille (je l'ai placée au 1er rang,
vers mon bureau où y a un ordinateur, mais apparemment c[’est] intimidant et
même mauvais pour la santé, donc c[’est] pour ça qu'elle voulait pas...) et que
donc je devrais être plus flexible, et patati et patata. Incroyable jusqu'où
ils vont pour défendre leurs "anges", qui sont bien plutôt des
diables. Mais c cool, j'y arriverai iA. » Autre courriel du 16
mars 2013 : « Le Proviseur, qui veut mon bien mais est faible et
lui-même en danger, m'a fait comprendre que mon avenir au collège est pas
assuré […] Il m'a laissé entendre que les blocages à mon sujet viendraient de
l'administration égyptienne – CPE, direction – voire de qqs parents. J'ai pour
moi 99% des élèves et des parents et c ces derniers qui décident. Le pb c'est
que c'est toujours ceux qui sont pas contents qui crient et exigent, ceux qui
sont contents se manifestent pas – pcq qu'ils savent rien. »
[27] Même courriel du 16 mars : « Le Proviseur
m'a conseillé de me faire connaître des parents, organiser réunions, les
appeler, faire faire des projets aux élèves, donner bcp de devoirs, etc. Les
paillettes quoi, la quantité et pas la qualité. Je vais essayer de concilier
mon professionnalisme avec la "publication", comme pour le théâtre ou
les lettres au Petit Prince. »
[28] Cf. ce témoignage de François* E. daté du 11 mai 2013 :
« J’ai accueilli pendant quelques séances de cours mon collègue Salah L. au mois de mars 2013, [celui-ci] connaissant aussi les difficultés
rencontrées avec cette classe de 1-S. Sa première venue date du jeudi 14 mars. [Suit
le compte rendu des événements décrits en note n° 25.] Mon collègue S. est
alors intervenu pour leur ‘faire un peu la morale’ et s’exprima notamment en
Arabe, de façon ferme mais calme. C’est ainsi que j’ai pu ensuite, pendant
environ un quart d’heure, démarrer le cours de Physique. Le dimanche suivant
(17 mars) ayant à nouveau cette classe en Physique chimie (de 13h05 à 15h), les
élèves à leur habitude, sont rentrés en salle avec plus de vingt minutes de
retard, mais l’élève N*** est resté dans la cour, ce qui ne me dérangea
nullement car cet élève perturbe régulièrement les cours et ne prend aucune
note. D’ailleurs cet élève m’agressa de nouveau verbalement et tenta de
m’intimider physiquement le jeudi 21 mars, en présence de Farid* Y., un
enseignant du Collège. Mon collègue S., bien que ne travaillant pas le dimanche
avait tenu à venir assister à mon cours […] pour m’assister en cas de
difficulté, (comme le préconisait d’ailleurs notre Proviseur lors d’une réunion
en novembre 2012). Le cours se déroula normalement et dans le calme ; mon
collègue S. intervenant à différentes reprises pour me poser des questions et
ainsi rendre le cours plus vivant. Par contre, le jeudi 21 mars, le cours de
13h05 à 14h fut un peu agité, certains élèves étant peu enclins à travailler.
C’est alors que, avec mon accord, S. pris la parole pour essayer de raisonner
les élèves perturbateurs. […] Finalement, j’ai pu à nouveau avancer dans mon
cours jusqu’au moment où la sonnerie retentit. Il n’y eut par la suite aucun
autre cours avec mon collègue S.. En effet, les élèves refusèrent de rentrer
pendant la première heure de cours le dimanche 24 mars. Monsieur le Proviseur
du Lycée ayant demandé à Salha de ne rester que durant une heure, celui-ci
quitta la salla (labo-1) vers 14 heures. Que puis-je ajouter à cette
déclaration ? sachant que mon collègue S. a eu tout au long de sa venue dans
mes cours, un comportement tout à fait normal pour un enseignant ; avec le seul
souci de faire prendre conscience aux élèves que l’on ne fait pas n’importe
quoi en classe et qu’il est nécessaire de respecter ses Professeurs. »
[29] Voilà le verbatim de cette
injonction manuscrite, qui prouve que les requêtes les plus extravagantes et
pernicieuses d’élèves ou de parents sont exécutées docilement par le Proviseur,
au détriment même de la sécurité des personnels dont il est responsable :
« 17/03/2013 13h15 M. S., J’ai eu des demandes de parents concernant
votre présence en 1ère S. Etant donné le caractère exceptionnel de cette
intervention, je vous demanderais de ne rester qu’une heure et d’éviter
par-dessus tout tout échange avec les élèves. A tout à l’heure. TF.
» Par la suite, on m’a interdit d’assister François* E., sans qu’aucune mesure
ne soit prise pour le protéger, et il a été agressé la semaine suivante.
[30] Extraits de ce rapport adressé au Dr. Mona
Yassine, adjoint de Frédéric TUMPICH qui était alors en France,
ainsi qu’à la CPE et au Professeur principal dénégateur Eric* C. : « Depuis
le mois de janvier, un nombre important d’élèves n’est pas venu en cours le
dimanche. Je me suis ainsi retrouvé à plusieurs reprises, à enseigner avec
seulement trois élèves ; les autres préférant s’absenter pour terminer leur
T.P.E (Travaux Personnels Encadrés). Et depuis février, ces élèves de 1-S
arrivent en classe avec un retard très important ; il faut ajouter que depuis
environ trois semaines, ils ne veulent plus travailler et saisissent toutes les
occasions pour chahuter. […] J’ajoute que plusieurs élèves de cette classe
entrent maintenant dans la salle (salle -1 , labo-1) où je travaille avec les
élèves des autres sections. Cela s’est encore produit ce jeudi matin vers 9
heures lors d’un cours avec les Terminale-S. Comme je l’ai signalé en Conseil
de classe le dimanche 17 mars, ces élèves : N***, A***, A***, Y*** et A***
n’ont qu’un but : perturber les cours que je dispense pour me retirer toute
envie de rester l’année prochaine à MISR. […] je suis aussi victime de
menaces verbales et tentatives d’intimidation, notamment de la part de l’élève
N***. Cela s’est produit la première fois le jeudi 14 mars en présence de mon
collègue S. qui était présent à mes côtés […] De même mardi dernier, lors d’une
séance d’ A.P. (au labo-2) celui-ci a encore essayé de m’intimider et a tenté
de manipuler l’ordinateur avec lequel je travaillais. J’ai dû le repousser
fermement de la main. Et finalement ce jeudi 21 mars, pendant le cours qui se
déroule de 13 à 14h, Naguib est venu au bureau où j’étais assis pour me menacer
verbalement et m’intimider physiquement. Mon collègue Farid* Y., entré à ce
moment là, a été témoin de cette agression. Devant de tels comportements, qui
s’ils ne sont pas rapidement stoppés, peuvent aboutir à une situation
dangereuse, je vous demande Docteur Mona, de bien vouloir mettre en œuvre tous
les moyens nécessaires pour faire cesser ces agressions et assurer ma
protection. Il n’est pas digne d’un établissement scolaire de laisser faire de
tels agissements d’élèves. »
[31] Un manque de cohésion et de solidarité et un déni
corroborés par Salima* C. dans son rapport adressé à Frédéric TUMPICH le 31
mars 2013, où elle mentionne qu’une telle attitude a encore eu lieu
publiquement le jour suivant (le 27 mars au matin), date de l’agression :
« Monsieur François* E., professeur de physique-chimie, titulaire
hors-classe en fin de carrière, vit un cauchemar au lycée depuis plusieurs
mois. Ses élèves le méprisent, le déshonorent, boycottent ou perturbent ses
cours, le menacent… Vous le recevez régulièrement mais sa situation ne change
pas. Elle s’aggrave. L’établissement recrute un autre professeur de
physique-chimie qui intervient en même temps que Monsieur E., durant des heures
de soutien, ce qui achève de le discréditer. Parallèlement, ses jeunes
collègues, notamment Madame Elodie* Q. et Monsieur Eric* C. commettent l’erreur
de le critiquer, de le juger, de l’évaluer négativement, de le culpabiliser.
Ils portent sans le savoir une part de responsabilité dans l’acte de Monsieur
E. que j’évoquerai plus bas [après avoir subi l’agression physique d’un
élève, il a quitté l’établissement pour raisons de sécurité ; à la date de
ce rapport, il n’était pas revenu – il a exercé son droit de retrait pendant
une semaine entière] car le matin même avant ‘le drame’ ils mettent ce
collègue en cause, l’humiliant en public à la cafétéria. » Les causes
et conséquences de cet entre-déchirement mutuel (notamment un turn-over
exceptionnel des personnels – cf. notes n° 22 et n° 35) sont évoquées plus
loin : « Mars 2013. Vous planifiez des entretiens individuels dans
la perspective de recruter pour la prochaine année scolaire. Vu le contexte, la
panique s’empare des enseignants. Les stratégies individualistes prennent
définitivement le pas sur la réflexion collective. Sauve qui peut : telle
est l’ambiance générale. Les divisions de l’équipe pédagogique se creusent dans
un contexte où l’agitation et l’agressivité des enfants et des adolescents de
l’école se développent encore davantage. A l’issue de vos entretiens, il
apparaît les statistiques suivantes : • Sur 18 enseignants français (dont
8 titulaires) : - 11 départs (dont 6 titulaires et 2 démissions en cours
d’année), soit : - 6 non-renouvellements (dont 4 titulaires) ; - 4
départs volontaires (auraient-ils été reconduits ?) ; Sur les 10
enseignants recrutés en septembre 2012 (dont 6 titulaires) : - 7 départs
(dont 5 titulaires et 2 démissions en cours d’année) ; - 4
non-renouvellements (dont 4 titulaires). »
[32] Ces décisions du proviseur avaient précédé ma
venue et ont été confirmées ensuite en ma présence, comme le précisait son
courriel aux personnels daté du 22 octobre 2013 évoquant la réaction à avoir
face aux actes d’indiscipline dans des termes éloquents (presque militaires) : « La
rapidité de réaction est essentielle. La coordination aussi. Tous les
enseignants font ensuite la morale aux élèves. Si les élèves sentent que
nous communiquons et formons un front unique, la partie est très bien engagée.
La rentrée de novembre va être l’occasion d’un bras de fer qu’il va nous falloir
gagner. Si nous l’emportons maintenant, nous aurons des conditions
satisfaisantes pour la suite. La lutte sera à reprendre sûrement plus tard mais
des points peuvent être marqués. » Voir également note n° 24.
[33] Extrait du compte rendu de cette intervention,
adressé à Frédéric TUMPICH, à la MLF et aux services diplomatiques le 13
avril 2013, lorsque l’administration, afin de justifier mon exclusion face aux
protestations des parents, a substantifié ses accusations en prétendant que
j’avais « insulté » ces élèves (la teneur de ce propos a été
partiellement confirmée par les témoignages de Sylvie* F. et de François* E.) :
« To be a part of a [lynching] mob is as low as a man goes ». Cette citation
d’Henry Fonda (acteur américain) exprime une vérité très importante, à savoir
que des personnes qui, individuellement, peuvent être très respectables et
avoir un comportement irréprochable, vont, dans certains cas, être entraînées
par un mouvement de groupe à faire des choses mauvaises et injustes. Il se
passe quelque chose d’inacceptable dans cet établissement, quelque chose avec
quoi je suis familier puisque je suis directement intervenu dans le cours de M.
François* E. et que j’ai vu de mes yeux la manière inacceptable dont les élèves
le traitaient, sans aucun respect, allant jusqu’à l’intimidation verbale et
même physique. Aujourd’hui, il a dû fuir l’établissement pour sa sécurité, et
je ne sais pas quand est-ce qu’il reviendra. C’est une situation d’autant plus
grave qu’elle est connue de tous, élèves, personnels et administration, au
point qu’hier même, la question de savoir ce que les Professeurs feraient en
cas d’agression physique contre François* s’est posée explicitement en présence
de 4 professeurs. Un groupe peut nous entraîner bien bas, vers les injustices
les plus graves. On prétend que François* n’est pas un bon Professeur. Mais
premièrement, je le connais, et je peux attester que c’est le Professeur le
plus compétent et le plus investi de tous pour ses élèves, bien plus compétent
et investi que moi-même. Car on peut être un Professeur et ne pas faire
beaucoup d’efforts, voire pas du tout. Ce n’est pas le cas de François*.
Deuxièmement, on ne lui donne même pas une chance de montrer ce dont il est
capable. Je sais à quel point les élèves peuvent être cruels, sans le vouloir
véritablement ou sans s’en rendre compte, car j’ai moi-même été accueilli de la
plus dure des manières par mes élèves de 6e et de 4e. Ils
ne m’ont laissé aucune chance. Et certains m’ont avoué qu’ils voulaient me
faire craquer, encouragés par l’expérience avec Myriam*. Au début, ils ne
pouvaient pas avoir quoi que ce soit contre moi, puisqu’ils ne me connaissaient
même pas. Ils n’ont pas même voulu savoir comment j’allais être, ils ont été
impitoyables, et ils l’ont reconnu par la suite. Ce n’est que grâce à ma
patience et à ma persévérance que j’ai pu résister, m’imposer et me faire
apprécier. Pas besoin de me croire sur parole. Allez demander aux 6e
comment ils m’ont accueilli au départ, et ce qu’ils pensent de moi maintenant.
Allez poser la même question aux 4e, dont je ne suis plus le
Professeur : demandez-leur s’ils sont contents de mon départ ou s’ils me
regrettent. C’est une vérité générale dans la vie : on ne se rend compte de la
vraie valeur des choses, positive ou négative, que lorsqu’on les a perdues. Des
élèves du lycée ont reconnu explicitement qu’ils voulaient faire partir
François*. S’ils réussissent, ils risquent de le regretter. Je ne
dis pas qu’il n’y a pas de mauvais professeurs. Il y a des mauvais professeurs.
Mais même dans ces cas, il faut agir de manière raisonnable et juste.
Raisonnable, parce qu’il ne faut pas oublier qu’on a un objectif principal, le
baccalauréat. Le Professeur ne sera pas moins payé si on a raté son
baccalauréat, ou si on n’a pas obtenu la note qu’on aurait pu avoir. Il a ses
diplômes, son travail, il a donc ‘fait’ sa vie. Mais ce sont les élèves qui ont
encore tout à faire. C’est eux qui paieront le prix s’ils n’ont pas assez
travaillé. Oui, je vous le dis, vous êtes les premières victimes de cette
indiscipline, et d’ailleurs, j’ai dit à François* que ce n’est pas tant pour
lui que pour les élèves que je venais l’assister dans ses cours, bénévolement,
durant mon jour de repos. C’est pour vous, car je vois que vous gâchez votre
potentiel par ce comportement, qui nuit bien évidemment à toute la classe. Ne
croyez pas qu’on vous rende service en ne vous sanctionnant pas. J’ai vu, avec
mes 4e, le très grand potentiel qu’ils recelaient, et qui a été
révélé, après des combats intenses pour obtenir la discipline et la
concentration, par des productions de très grande qualité (je les ai même
envoyées à ma famille). Demandez-leur donc. Si vous concentrez toute votre
énergie dans le travail, dans des choses positives, vous êtes capables de
prodiges. Je n’exagère pas. […] Et si je voyais mon Proviseur [celui de mon
ancien lycée, quand j’étais en Terminale ; j’avais rapporté aux élèves un
incident dans lequel un manque de respect envers un Professeur injuste et
incompétent m’avait légitimement valu trois jours d’exclusion], je le
remercierais pour sa punition. Je n’ai pas payé une fortune pour m’inscrire
dans ce lycée (un lycée public, gratuit, je n’avais pas les moyens d’autre
chose, contrairement à vous) mais j’ai été bien ‘éduqué’, l’administration
faisait bien son travail et assumait toutes ses responsabilités. Elle nous
préparait à la vie adulte par le travail et par l’exhortation au bon
comportement. […] Et plus on grandit, plus on paie cher le manque de contrôle.
Il faut donc toujours rester maître de soi. C’est ce que j’explique à mes 6e,
avec Le Petit Prince. Je vous assure, dans ce lycée même, ce ne sont pas les
loups qui manquent, alors restez toujours maîtres de vous pour vous en prémunir
: être le plus intelligent ne suffit pas. Ce que font certains élèves ici est
non seulement irresponsable, pour leur avenir, mais lâche. Irresponsable parce
qu’ils gâchent leurs capacités. Lâche parce qu’ils savent qu’ils ne risquent
rien. François*, à l’âge vénérable où il est arrivé, n’est pas capable de se
défendre comme je le ferais moi par exemple. Et puisque l’administration ne
vous sanctionne pas et permet que, chaque jour, les élèves restent dans la cour
une demi-heure de plus, sous les yeux des CPE, et entrent en classe à 13h30 au
lieu de 13h, s’y comportant de la manière la plus inacceptable, les élèves
savent qu’ils n’auront rien (et ils se lèsent eux-mêmes car ils ont payé une
heure de cours et ne font qu’un quart d’heure). Et, je vous le dis, il n’y a
rien de plus lâche, rien de plus minable que de s’attaquer à quelqu’un qui est
sans défense. […] Pour conclure, ni moi ni aucun collègue ne vous demandons de
faveurs personnelles. Il n’y a pas besoin que vous soyez gentils, généreux,
compréhensifs à notre égard, quelles que soient nos caractéristiques ou même nos
problèmes personnels s’il y en a. Agissez dans votre intérêt. Ne perdez pas de
vue l’objectif. Soyez responsables d’abord, et la justice viendra d’elle-même.
Je demandais à mes 6e s’il était plus important de se respecter
soi-même, de respecter ses camarades ou de respecter le Professeur. Le plus
important est de se respecter soi-même : quand on a assez de respect pour soi,
on s’oblige à respecter tout ce qui est respectable, et on s’interdit tout acte
honteux. Je vous invite à penser à vous-mêmes, et à personne d’autre, mais avec
sagesse et lucidité. »
[34] Courriel de Frédéric TUMPICH aux personnels daté du 12
avril 2013, qui cautionne l’accusation calomnieuse portée par des élèves contre
François* E. : « En mon absence encore, un élève de Seconde a affirmé
que son enseignant l’avait poussé en cours jusqu’à le faire tomber. J’ai vu le
père de cet élève avec Nermine. Celui-ci était confus de l’attitude de son
fils. En effet, cet élève avait été exclu de cours par l’enseignant et était
revenu en classe deux fois de sa propre initiative, contrevenant ainsi
directement à un ordre de son professeur. Nous avons demandé à l’élève d’écrire
une lettre d’excuse à l’enseignant, ce qui a été fait. Il a manifesté un
repentir sincère. [sic] Une sanction d’exclusion avec sursis a été prise
à son égard. J’ai rendu visite aux classe de Seconde et leur ai demandé de se
comporter correctement en cours. »
[35] Ainsi paie-t-on des titulaires au rabais en invoquant
des prétextes spécieux et en les assurant d’une reconduite de leur contrat pour
l’année suivante à des conditions de travail & salariales qui compenseront
cette situation, puis leur pose-t-on comme condition d’enseigner d’autres
matières que les leurs, même s’ils n’ont pas la qualification ou l’expérience
requises, et voient-ils leurs contrats non reconduits pour l’année suivante en
cas de refus, malgré les accords précédents, pour la raison
suivante (Frédéric TUMPICH dixit à ladite collègue en question) : « j’ai
un tas énorme de CV de personnes qui travailleront pour bien moins cher que
vous (…) si vous acceptez d’enseigner le français, je peux vous garder ».
De fait, selon ce rapport d’une collègue, « 4 autres collègues
titulaires expérimentés […] ont également été ‘débarqués’ sans aucune
explication à la fin de l’année scolaire en juin 2013. L’explication m’en a été
donnée quelque temps après: L’école MISR avait demandé l’homologation de la
terminale d’où le recrutement de titulaires chevronnés pour l’année 2012-2013.
Une fois l’homologation garantie, ils se sont ‘débarrassés’ des titulaires. Le
nouveau proviseur français de connivence avec les investisseurs et parents
d’élèves a largement œuvré dans ce sens. Pour les non-titulaires, il y a aussi
une grille de rémunération mais d’après ce que j’ai compris chacun négocie.
Aucune transparence. »
[36] Voici le courriel que j’ai adressé aux directions
française et égyptienne le dimanche 24 mars 2013 : « Monsieur
TUMPICH, Comme vous le savez peut-être, je n'ai toujours pas de compte en
banque alors que j'ai pris mes fonctions le 19 Novembre 2012, soit il y a plus
de 4 mois. J'ai rempli et signé tous les papiers nécessaires, à plus d'une
reprise, et me suis constamment enquis auprès de Mme Yara de l'avancement de ce
dossier. A chaque fois, on me parlait d'un mystérieux problème me concernant et
touchant également d'autres collègues, et sur lequel l'établissement ne pouvait
rien. Tous les efforts étaient exercés, m'assurait-on, et la question était
ajournée à plus tard, lorsqu'il y aurait des nouvelles, lorsque les responsables
seraient disponibles, etc. Finalement, il y a deux semaines, Mme Yara m'a dit
que tout ce qu'elle pouvait faire était de me donner une espèce de carte de
retrait qui me permettrait de retirer ma paie, sans pour autant que j'aie un
compte, ce qui m'a paru non seulement incroyable mais en plus inacceptable :
comment peut-on travailler et vivre dans un pays sans avoir de compte ?Jeudi 14
mars, une semaine après avoir découvert que j'avais été lésé de près de 3000
livres sur mes paies précédentes (ce dont j'ai informé Mme Yara, exigeant
que ce problème soit réglé au plus vite), pour la première fois, je me suis
dirigé non pas vers Mme Yara (qui était occupée), mais vers le bureau qui
s'occupe des comptes en banque. On m'a informé que depuis deux mois, on me demandait
seulement mon adresse, seul élément qui manquait pour que mon compte puisse
être ouvert à la CIB. On m'a assuré avoir directement informé Mme Yara de ce
fait. Cela a été répété et confirmé en sa présence. Il s'avère donc qu'on a
délibérément laissé cette affaire traîner en longueur depuis des semaines, pour
des raisons que je peux seulement imaginer. Et sans cette initiative qui n'a
été possible que parce que je parle couramment l'arabe, je n'aurais jamais été
informé de la réalité des faits. Depuis mon arrivée, je n'ai pas de compte en
banque, je touche mon salaire en liquide, et je suis obligé de le garder chez
moi et de le transférer sur mon compte en France, avec tous les coûteux
désagréments que des transferts et retraits internationaux peuvent entraîner
(taux de change, frais bancaires conséquents, délais, etc.). Cela est
absolument inacceptable, d'autant plus que l'affaire toute entière reposait sur
un point de détail dont on n'a point daigné m'informer, à savoir mon adresse,
que j'aurais bien évidemment communiquée sans problème, ayant emménagé fin
Novembre. Je demande à ce que ces problèmes soient réglés au plus vite, pour le
1er avril au plus tard, et à obtenir une compensation au moins égale aux frais
occasionnés pour tout ce que ces graves manquements injustifiables m'ont
coûté. » Voici la réponse que j’ai reçue le jour même : « M
L., Je vous transmets la réponse de Mme Nermine: Elle est très occupée cette
semaine par les interviews avec les nouveaux parents. Elle vous accueillera en
présence de M. TUMPICH la semaine prochaine. Cordialement Yara Youssef »
[37] Voilà quelques notes & moyennes
(brillantissimes !) de ses élèves de 4e A en Français, pour le
2e trimestre 2012-2013 : l’élève N*** a trois notes :
15/20, 02/20, 15/20, ce qui lui fait une moyenne de… 16/20 ! L’élève A***
a deux notes, 01/20 et 11,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 14/20 !
L’élève J*** a trois notes, 13,5/20, 06/20 et 15,5/20, ce qui lui fait une
moyenne de… 18/20 ! L’élève M*** a trois notes, 16,5/20, 01/20, 00/20, ce
qui lui fait une moyenne de… 13/20 ! L’élève L*** a deux notes, 05/20 et
07,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 14/20 ! L’élève H*** a trois
notes, 05/20, 08/20, 15,5/20, ce qui lui fait une moyenne de… 18/20 !
L’élève R*** a trois notes, 16,5/20, 12/20 et 15,2/20 (sic), ce qui lui
fait une moyenne record de… 19/20 !!! Etc., etc.
[38] Cf. un témoignage d’une maman d’élève de 6e, daté du
18 juin 2013, dénonçant « une corruption généralisée et un
manque de rigueur » ainsi qu’une « gestion menée d’une manière
brutale ».
[39] Cf. Henri Guillemin, Une certaine espérance, Conversations
avec Jean Lacouture, Le Seuil, 1992, p. 43.
[40] C’est cet établissement qui a accueilli Myriam* H.
après son départ de MISR, et malgré une tentative malveillante de Frédéric
TUMPICH auprès de la direction de cet établissement en vue de la discréditer.
La direction de la Mère de Dieu, qui connaît et abhorre le fonctionnement de
ces établissements, l’a envoyé paître, lui demandant pourquoi il se plaignait
d’être débarrassé d’une enseignante prétendument « incompétente et
fragile ». Mais comme nous le verrons, même un établissement comme La Mère
de Dieu se ressent du fonctionnement de ce « système mafieux » :
grâce à la recommandation de collègues et de parents et après un entretien, la
direction de La Mère de Dieu, qui connaissait le différend qui m’opposait à
MISR, s’était engagée à me recruter pour l’année suivante mais a finalement
renoncé, cédant à l’ostracisme de Paul PETIT.
Bonjour. Je découvre votre histoire. Disons seulement le début, juste pour en avoir le parfum. J'ai immédiatement reconnu le mal qui ronge la hiérarchie dans l'Education Nationale : manque de courage, surtout ne pas faire de vague, quitte à égarer la vérité et à s'égarer devant la loi. J'espère que vous gagnerez votre combat pour la justice.
RépondreSupprimerCe que vous dites n'est guere etonnant. C'est ce qui se passe au Maroc. La MLF est etonnante dans ses agissements. Ces ecoles sont des impostures educatifs. Des escroqueries. J'espere moi aussi que vous gagnerez votre combat. Ce qui vous est arrive doit etre absolument connu et depasser le stade de la confidentialite. Si c'est un fonctionnement constant alors il faudra que les pays concernes et les parents d'eleves se mobilisent, car c'est la honte pour la France.
RépondreSupprimerA lulo & Unknown : Tout à fait d'accord ! Merci de votre soutien !
RépondreSupprimerMerci pour ce témoignage accablant, qui ne fait que confirmer certains agissements propres à cette "mafia laïque française" dirigée (hasard ?) par la franc-maçonnerie.
RépondreSupprimerCelle-ci contrôle en effet l'Education nationale et la Mission "Laïque" Française depuis des lustres (3/4 des ministres de l'EN, des recteurs et des inspecteurs d'académie sont F-M depuis 1875), comme elle contrôle au plus haut niveau la police, l'armée, le secteur hospitalier, etc.
Les méthodes sont connues : corruption, cooptation systématique entre Frères, étouffement des affaires "gênantes" (dans les lycées publics français, les agressions de profs sont étouffées de la même façon, et la direction culpabilise les enseignants en danger, comme ce fut le cas pour l'une de mes amies), carriérisme pathologique, privilèges en nature, obsession antichrétienne paranoïaque, discours moralisateur sur les sacro-saintes valeurs de la Ripoublique, et pour finir, obscurantisme (le vrai, celui-là, pas celui de la légende noire du Moyen Age) et rééducation des masses scolaires.
Les déboires que vous avez eu à subir s'expliquent par les collusions et les intérêts de cette mafiocratie, notamment la manière avec laquelle vous avez été lâché par la hiérarchie "politique".
"Tout est politique", vous a-t-on répondu en effet à l'Ambassade de France.
Quand le sens des mots se délite au contact de la Gnose maçonnique, le politique n'a plus rien à voir avec la signification du mot (la chose publique, le bien commun), il en devient l'exact contraire : le bien public est accaparé, détourné de sa finalité. C'est tout l'art subtil du Newspeak orwellien utilisé désormais tous les jours par l'ensemble des hommes politiques français pour déboussoler, désorienter et tromper les masses crédules.
M. Sayed, je vous soutiens totalement. J'enseigne dans un lycée du Caire, dont les statuts AEFE sont assez similaires à ceux de votre ancien lycée, mais dont la gestion est bien meilleure, heureusement. Votre témoignage m'aide à mieux comprendre le fonctionnement des écoles d'investissement égyptiennes, ainsi que le rôle opaque des officines éducatives françaises chargées de les homologuer. Soyez-en de nouveau remercié.
Il ne peut en effet pas y avoir d'attitude neutre vis à vis des "fraternités".
RépondreSupprimerOn les combat ou on les intègre.....
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